GAIDIER Joseph, François, Jean, Albert

Par Pascale Quincy-Lefebvre

Né le 19 mars 1924 à Saint-Donat (Puy-de-Dôme), mort le 3 novembre 1986 à Sainte-Feyre (Creuse) ; employé puis cadre à la Sécurité sociale ; militant à la Fédération nationale des tuberculeux civils, secrétaire général du Syndicat CGT des employés des organismes de Sécurité sociale du Puy-de-Dôme, militant communiste ; maire adjoint de Riom (1977-1983).

Fils d’Édouard Gaidier, né le 24 octobre 1896 à Saint-Donat, et d’Anna Charbonnel, née le 19 août 1897 dans la même commune, le jeune Joseph Gaidier connut peu sa mère. Fille de cultivateurs, elle décéda en mars 1929. Le père se retrouva veuf pour la seconde fois. Avec ses quatre garçons, il affronta une situation particulièrement difficile qui l’obligea à les placer chez des parents ou auprès d’une nourrice. Seul Joseph resta à la maison afin de faire sa première rentrée scolaire dans la commune. L’éclatement familial lié à ce drame rapprocha le jeune garçon, puis le jeune homme de ses cousins et expliqua, pour partie, le poids qu’il accorda à ses relations amicales.

Ayant hérité de ses parents une boulangerie, le père travailla jusqu’en 1940 à son compte. À partir de 1934, les ennuis financiers se présentèrent avec l’installation d’un concurrent. Au bord de la faillite, il dut accepter le rachat de son commerce par ses beaux-parents et accepter de devenir un simple exploitant. En 1935, âgé de onze ans, Joseph Gaidier quitta Saint-Donat pour Ennezat. Emmené par sa tante Augustine, il prépara le certificat d’études primaires et le concours d’admission aux bourses scolaires. Premier du canton, il connut ensuite l’internat à La Bourboule. Il entra en cours complémentaire pour préparer le brevet élémentaire et le concours d’entrée à l’École normale d’instituteurs. Dans un contexte politique particulièrement passionné, qui amena l’adolescent à s’opposer à Vichy dès le début de l’année 1941, il échoua au concours de l’École normale et fut inscrit en octobre de la même année au collège Amédée-Gasquet de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) pour préparer le brevet supérieur.

Élevé dans la foi catholique, Joseph Gaidier prépara sa communion en 1935. Comme beaucoup de garçons de son âge, cette étape marqua bientôt la fin de toute pratique. L’année suivante, il rompit avec toute foi religieuse. Deux étapes jalonnèrent cette séparation. Pour partie, Joseph Gaidier expliqua cette rupture par l’injustice ressentie au moment de sa communion. Malgré ses excellents résultats au catéchisme, le curé chercha à le déclasser au profit du fils d’un paysan prospère. De façon plus décisive, la rencontre avec l’incroyance prit les traits d’une petite amie qui, par l’aplomb qu’elle manifesta dans l’affirmation de l’inexistence de Dieu, amena le jeune Gaidier, l’année de ses douze ans, à abandonner la foi. Il devait garder cette attitude toute sa vie.

Rupture avec la religion de son enfance, découverte du communisme, l’année 1936 marqua le passage à l’adolescence dans un contexte propice aux engagements. Élevé alors par sa tante, une institutrice, Joseph Gaidier vécut les événements du Front populaire dans un milieu ouvert à cette expérience. À Ennezat, le président du comité du Front populaire de l’arrondissement de Riom était l’inspecteur primaire de la circonscription, Vidal, bien connu de sa tante. Un de ses oncles, délégué syndical CGT aux PTT, lui fournit l’occasion de lire régulièrement l’Humanité. À la même époque, son père faisait campagne pour le candidat socialiste Henry Andraud*. Joseph Gaidier suivit très attentivement la campagne. Ce fut un jeune candidat communiste, artisan ébéniste à Clermont venu à Ennezat qui gagna l’adolescent à sa cause. Après la victoire, il souhaita prendre sa carte, mais dut y renoncer en raison de son jeune âge. De sympathisant, il devint adhérent en 1944.

Joseph Gaidier vécut les années de l’Occupation à La Bourboule puis à Clermont-Ferrand. Interne dans la capitale auvergnate, il disposa de plus de liberté. Son cousin Marc Tartière faisait partie d’un groupe d’étudiants qui avait créé une antenne du mouvement Combat. En janvier ou février 1942, le jeune homme y adhéra et dut jurer fidélité au général de Gaulle, obéissance aux chefs et secret absolu sous un drapeau tricolore frappé de la Croix de Lorraine. Son activité de résistant fut de courte durée et se limita à la distribution de quelques journaux, puis ce fut l’interruption pour cause de maladie. La découverte d’une tuberculose au printemps 1942 devait changer brutalement et profondément la vie du jeune homme. Quant à Marc et Guy Tartière, arrêtés, ils ne revinrent pas des camps de la mort.

La maladie décida de beaucoup de choses dans la vie de Joseph Gaidier. Il lui dut de très grandes souffrances physiques et morales. Elle marqua en profondeur sa vie de militant. Peut-on également dire qu’elle lui apporta un bonheur, sa femme ? Fernande Goldstein était une jeune juive née en Pologne et réfugiée en France. Il la rencontra au sanatorium Clémentel en 1944. Marié civilement le 12 juin 1952 à la mairie d’Enval (Puy-de-Dôme) et ayant accepté de se prêter à une petite cérémonie religieuse juive pour se concilier ses beaux-parents, il fut papa d’un petit garçon, Robert, né le 20 février 1953. Inquiète pour la santé de son mari et soucieuse de limiter les incidences du militantisme de Joseph Gaidier sur la vie familiale, la jeune femme partageait les idées de son mari. Adhérente à l’Union des femmes françaises (UFF), elle fut particulièrement marquée par la figure de Julien Favard. Elle adhéra au Parti communiste à son décès en 1964

Pendant plus de dix ans, Joseph Gaidier n’eut d’autres horizons que les murs d’un sanatorium. Après un bref passage à l’hôpital de Sabourin, il fut admis à Clémentel. Il y séjourna d’octobre 1942 à octobre 1947, puis de mai 1949 à octobre 1950. Entre ces deux dates, et après une rechute, il fit un séjour au sanatorium du Rhône à Saint-Hilaire du Touvet. Retourné à la vie civile, il fut quelque temps employé à Clémentel avant de s’y retrouver comme patient après une nouvelle rechute. En octobre 1950, il obtint une place au sanatorium du Bois-de-l’Ours à Briançon. Nouvel acte chirurgical particulièrement traumatisant, une spéléotomie lui fut proposée par l’équipe du sana. Le pari fut tenté à l’hôpital de Grenoble en février 1951. Une année fut nécessaire pour obtenir une cicatrisation satisfaisante de la plaie. Mais au final, une victoire et, dix ans après son premier internement, la sortie.

À l’exception des périodes particulièrement éprouvantes où il subit des interventions chirurgicales comme une thoracoplastie en 1946, Joseph Gaidier fut surtout contraint au repos. Il développa une passion qui devait l’accompagner toute sa vie : la lecture. À côté des grands romanciers du XIXe siècle, il ne dédaignait pas des auteurs plus contemporains et des lectures philosophiques et politiques (Marx, Engels, Lénine, Staline). Parmi les livres qui le marquèrent particulièrement, on peut citer Variations sur le renégat d’André Wurmser. Par ailleurs, il fut un lecteur fidèle de l’Humanité mais aussi de revues comme France Nouvelle, Action. Le sana l’amena à exercer des premières responsabilités associatives. Il fut un des principaux animateurs de l’Amicale des malades de Clémentel. Le sana fut également le temps de rencontres décisives qui, au même titre que ses lectures, formèrent le jeune adhérent communiste qu’il était depuis 1944. Parmi les noms à citer, celui de Jean Lagarde*, étudiant communiste et futur responsable, tuberculeux comme lui, Aimé et Joseph Tixier, Raoul Danis, Benoît Lamy…

Joseph Gaidier militait alors à la cellule de Clémentel rattachée à la section de Riom où il habita à partir de 1953. Il participa également à la section très vivante du Touvet où il aimait se souvenir du rôle particulièrement actif des étudiants des colonies et d’un lyonnais Jean Dognin revenu de Dachau.

Les années qui suivirent sa sortie du sanatorium furent difficiles pour le jeune couple : difficultés financières, logement peu salubre, fatigues excessives. Ayant pu suivre par correspondance les cours de la première année de capacité en droit à la Faculté de Grenoble et n’ayant comme expérience professionnelle que les six mois passés à Clémentel comme commis d’économat, Joseph Gaidier fut embauché par la caisse régionale de Sécurité sociale à Clermont-Ferrand, en août 1953. D’abord, simple employé aux écritures, il fut titularisé comme rédacteur et, dès 1955, fut muté au secrétariat de direction, chargé d’effectuer la paie du personnel. En 1957, il devint agent de maîtrise en qualité d’employé principal dans son service initial. Après une carrière qu’il estimait avoir été ralentie du fait de son engagement syndical, il fut nommé chef de section en 1971 et cessa son activité en 1979 au grade de chef adjoint de service.

Par choix et par nécessité liée à la maladie, le militant communiste Joseph Gaidier refusa toute responsabilité fédérale. Au début des années 1950, rattaché à la cellule de Saint-Hippolyte, avec Aimé Tixier*, il participa à la création de la section de Riom-Ouest. En 1953, il déménagea à Riom. À partir de 1956, il devint le trésorier de la section et devait le rester jusqu’en 1977. Ce fut dans cette ville que l’essentiel de son activité de militant communiste se déroula. Il fut également membre de la cellule du personnel de la Sécurité sociale. Dans les années 1970-1980, il fit fonction de rédacteur en chef du journal de la section de Riom créé par Georges Favard*, Le Coin des taules, signant ses articles Marc Artense ou Guy Donat. La figure de Joseph Gaidier reste également associée dans la mémoire riomoise à la vente de l’Humanité-Dimanche. Adjoint de la ville, il continua à vendre le journal sur le marché.

En 1977, inscrit sur une liste d’Union de la Gauche après le désistement d’un premier candidat obligé de muter, il eut la surprise d’être élu conseiller municipal alors que le maire sortant, le docteur Thomas ne se représentait pas. Adjoint du socialiste et universitaire Jean Ehrard, issu d’une équipe complètement novice, de 1977 à 1983, il fut chargé des affaires sociales et de la santé. Son expérience professionnelle et syndicale dans le domaine de la santé publique lui fut précieuse. Le challenge était de taille dans une ville traditionnellement dirigée au centre droit, dans un contexte de récession économique. Parmi les réalisations auxquelles le nom de cet homme fut associé : une crèche, l’aménagement d’un Centre social et culturel, la réalisation avec l’OPAC d’un foyer restaurant pour personnes âgées ouvert en 1982. Le second projet, simplement initié par son prédécesseur, lui demanda près de deux ans de travail. Ce fut la principale réalisation de son mandat et son nom fut donné à l’établissement. Avec son équipe, il s’efforça de moderniser le bureau d’aide sociale donnant au nouveau Centre communal d’action sociale (CCAS) des moyens de réaliser sa mission d’intérêt public.

La CGT fut l’autre lieu où s’exerça le militantisme de Joseph Gaidier. D’abord adhérent à la Fédération nationale des tuberculeux civils reconstituée en 1944, il accéda aux fonctions de secrétaire du comité de Clémentel. En 1947, il fut candidat aux premières élections des administrateurs de la Sécurité sociale à Clermont sur la liste CGT, au titre de la FNLA, nouveau nom de la FNTC.

En 1953, il fut rattaché à la section syndicale CGT de la Caisse régionale alors dirigée par Renée Juliat. Il prit sa carte en octobre 1954 après sa titularisation. Élu délégué du personnel en 1956, il devint secrétaire adjoint du syndicat en 1957 puis secrétaire général du syndicat commun aux trois caisses : caisse régionale, caisse primaire, caisse d’allocations familiales auxquelles vinrent se greffer l’URSSAF et le contrôle médical devenu autonome. Vers la fin des années 1960, début des années 1970, la CGT devint majoritaire dans trois organismes sur cinq, devancée par FO à l’URSSAF et par la CFDT à la CAF. Joseph Gaidier fut tout naturellement représentant syndical au comité d’entreprise à la caisse régionale, membre de la commission régionale paritaire chargée d’examiner les litiges entre les agents et les directeurs des caisses et du conseil de discipline régional. Comme dans le cadre de son engagement politique, il refusa toute responsabilité départementale (UD) ou fédérale. Devenu cadre en 1971, il cessa ses fonctions de secrétaire général du syndicat des employés des organismes de Sécurité sociale du Puy-de-Dôme pour adhérer à la section syndicale des cadres rattachée à l’UGICT-CGT et devenir membre du bureau. À partir de cette date, Joseph Gaidier s’impliqua surtout dans la vie de l’Union locale de Riom. Fort de son expérience, il créa et anima une permanence juridique et sociale à partir de 1957 ou 1958. Durant les années 1970 et jusqu’en 1984, il y consacra une partie importante de son énergie et les services rendus comptèrent dans la popularité de l’homme et de son syndicat.

Les quelques mots pour conclure sur une vie dominée par deux éléments autour desquels tout le reste s’est ordonné. L’adhésion au communisme et l’épreuve de la maladie, sont ceux que ce militant aimait citer : « Comme l’a dit Victor Hugo : ceux qui vivent ce sont ceux qui luttent, alors j’ai beaucoup vécu, parce que j’ai beaucoup lutté. »

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article49936, notice GAIDIER Joseph, François, Jean, Albert par Pascale Quincy-Lefebvre, version mise en ligne le 25 avril 2009, dernière modification le 5 juin 2021.

Par Pascale Quincy-Lefebvre

SOURCES : Documents mis à disposition par Fernande Gaidier, épouse de Joseph Gaidier. — La Montagne, 5 novembre 1986 (nécrologie). — Entretien avec Fernande Gaidier et Jean Ehrard, 25 octobre 2001. — État civil de Saint-Donat.

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