GOUREAU René. Pseudonyme : « Biarritz »

Par Jean-Pierre Ravery

Né le 22 novembre 1921 à Paris (XIVe arr.) ; facteur-télégraphiste révoqué en avril 1940 ; résistant communiste membre du groupe Valmy, multi-évadé, déporté.

René Goureau avait adhéré aux Jeunesses communistes d’Aulnay-sous-Bois en 1936 à l’âge de quinze ans. Il habitait chez ses parents, 7 rue du maréchal Foch. Après l’interdiction du PCF en 1939, il continua à militer localement. Entré aux PTT comme facteur-télégraphiste, il fut dénoncé en février 1940 pour avoir collé des papillons « subversifs » sur son lieu de travail. Il fut convoqué et interrogé par le commissaire militaire de Paris mais nia en bloc. L’affaire en resta là sur le plan judiciaire. Deux mois plus tard, il était révoqué. Il continua de militer de plus belle dans le secteur d’Aulnay-sous-Bois. En décembre 1940, il y devint responsable des Jeunesses communistes. Le 15 de ce mois, il échappa une première fois à une arrestation alors qu’il distribuait des tracts. Pris en chasse par un agent de police-cycliste, il réussit à le distancer en sautant des clôtures de jardin.

Un mois plus tard, le 15 janvier 1941, il déjouait un piège tendu par la police au moment du départ pour une distribution de tracts. Mais trois de ses camarades étaient arrêtés, qui finirent par le désigner comme leur chef. Ce qui valut à René Goureau d’être condamné par contumace par le Tribunal de Pontoise en juin 1941 à deux ans de prison et 200 F d’amende pour « menées communistes ». Le 17 janvier, il échappait de nouveau à une arrestation en gare d’Aulnay. Alerté par ces dénonciations répétées, le jeune militant décida de quitter la commune et de se réfugier dans la clandestinité. Le PCF l’employa à des actions de propagande dans la région Paris-Nord. Au cours de l’été 1941, lors d’une distribution de tracts devant l’usine Chausson d’Asnières, il réussit encore une fois à échapper aux policiers, au prix de son vélo qu’il fut contraint d’abandonner derrière lui.

Le 11 novembre 1941, il était arrêté en compagnie de son frère qui transportait une musette de ravitaillement destiné aux « illégaux ». L’indomptable jeune homme s’évada du commissariat – pieds nus - par la fenêtre des WC. Il fut alors désigné responsable technique pour Paris-Ville, chargé de répartir le produit des filières d’approvisionnement du parti dans les dix secteurs de la région parisienne. Le 27 mai 1942, il se fit piéger dans le centre de distribution des cartes d’alimentation d’Aulnay-sous-Bois. Enfermé dans un local dans l’attente de la police, il brisa une fenêtre et s’enfuit par les jardins. Il demanda alors à être muté dans les FTP. Au mois de juin, il fut présenté par les cadres à Focardi et affecté au groupe Valmy.(sur le groupe Valmy, voir Marius Bourbon)

Le 10 juillet 42, il fut chargé d’abattre rue de Charonne un transfuge du syndicat des employés, Roger Viala, accusé d’avoir dénoncé des résistants. René Goureau était censé être protégé par Lucien Magnan et Marcel Cretagne. À son retour de déportation, il se plaignit que cette protection avait été « nulle ». Pris en chasse par un « civil » en camionnette, un certain Joly, il tenta de lui échapper sur son vélo à travers les rues du 12e arrondissement, tirant au passage quelques coups de feu pour écarter des passants trop zélés alertés par les cris « Arrêtez-le », « A l’assassin » . Parvenu place de la Nation, René Goureau fut rattrapé et percuté par le véhicule lancé à sa poursuite. Trainé au sol sur une certaine distance, il fut transporté dans une pharmacie en attendant l’arrivée de la police. Pendant ce laps de temps, Goureau ne cessa d’hurler les « mots d’ordre du parti » : « Vivent les Alliés », « Vive l’Armée rouge », « Vive la France ».

Transporté à l’hôpital Saint-Antoine, il y resta deux jours sous étroite surveillance policière. Interrogé, il refusa de faire connaître son identité et de répondre à la moindre question. Aux policiers qui le gardaient, il finit seulement par dire qu’il « savait qu’il allait être fusillé, qu’il n’était pas un criminel ordinaire et qu’il avait tiré sur un traître ». Transféré à l’infirmerie de La Santé, il continua d’être « cuisiné » par les policiers des RG qui voulaient lui faire avouer sa véritable identité. Le 13 juillet, le laboratoire de l’identité judiciaire avait établi que le revolver 7,65 mm Herstal saisi lors de son arrestation avait également servi lors des attaques de Philippe Molinier et Albert Clément. Trois jours de suite, il fut extrait de sa cellule pour subir, matin et après-midi, trois à quatre heures de sévices extrêmes à coups de nerfs de bœuf et de tabassages collectifs dans les bureaux des renseignements généraux de la préfecture de police de Paris. En dépit de ces mauvais traitements, Goureau refusa de répondre pendant plusieurs jours et finit par révéler sa véritable identité le 20 juillet, en prétendant n’être qu’un obscur adhérent du Front national, sans motivation politique autre que patriotique. Il fut confronté avec la veuve Clément– qui le gifla – avec le fils Clamamus, avec Soupé, la veuve Molinié et d’autres proches des « renégats » abattus par le groupe Valmy. « Je gardais une attitude, calme, froide et résolue avec tous » déclarait René Goureau dans le questionnaire biographique qu’il remplit le 16 avril 1946.

Le 5 janvier 1943, René Goureau fut amené à l’hôtel Bradford, siège de la Geheimefeldpolizei (GFP = police secrète de campagne), le bras armé de l’Abwehr, où il subit un interrogatoire très violent : « Tu ne nous mentiras pas comme à la police française ». Roué de coups, les tortionnaires allemands lui présentèrent un organigramme complet du groupe Valmy, avec photos et mention des responsabilités de chacun. Goureau continua de tenir sa langue, malgré sa consternation de découvrir la somme de détails que possédait l’ennemi sur son organisation : « J’étais terrassé de voir qu’ils avaient arrêté tout le groupe. Je pensais à une trahison. Je restais toutefois imperturbable. »

Goureau fut maintenu quatre mois au secret à la prison de la Santé, puis à Fresnes dans la division allemande au même régime. Après un passage à Romainville, il fut ensuite déporté à Mauthausen le 27 mars 1943, d’où il fut successivement affecté aux kommandos de Güsen, Natzweiller, Erzingen, Dachau, Augsburg, Horgau avant d’être ramené à Dachau d’où il fut libéré le 29 avril 1945 par l’armée américaine. À son retour de déportation, René Goureau revint à Aulnay-sous-Bois et réadhéra au PCF. L’enquête du service des cadres sur « l’affaire Valmy » jugea que son attitude avait été « bonne » et conclut à son maintien dans les rangs du parti.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article50060, notice GOUREAU René. Pseudonyme : « Biarritz » par Jean-Pierre Ravery, version mise en ligne le 2 mai 2009, dernière modification le 19 août 2021.

Par Jean-Pierre Ravery

SOURCES : Dossier « Groupe Valmy » dans les archives de la CCCP : notes Ravery. — Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre, Liquider les traîtres, ed. Robert Laffont, 2007.

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