PAILLÉ Jean dit Adrien, dit Laurent

Par Jean-Claude Paul-Dejean, Daniel Grason, René Lemarquis

Né le 4 janvier 1912 à Oloron-Sainte-Marie (Basses-Pyrénées), mort le 3 juillet 1944 à Mauthausen (Autriche) ; dessinateur comptable puis employé de mairie ; militant communiste de la région Basses-Pyrénées-Landes ; syndicaliste unitaire puis secrétaire de l’UD-CGT des Landes ; déporté.

Jean Paillé était le fils d’un courrier-convoyeur des PTT. Après avoir obtenu le certificat d’études primaires il entra à l’école primaire supérieure de Caen (Calvados) en octobre 1924. Il y resta jusqu’en décembre 1926 ayant dû interrompre ses études à la suite d’un accident de vélo qui provoqua une blessure au genou, suivie d’une tuberculose osseuse qui l’immobilisa pendant quatre ans. Il subsista une raideur de la jambe et il fut réformé. Il commença à travailler en janvier 1931 comme pointeur de chantier à Bayonne (Basses-Pyrénées) puis devint dessinateur comptable à Bordeaux et à Biarritz. Il adhéra au Parti communiste en 1932 à Biarritz, fut secrétaire de cellule. L’organisation lui demanda de militer à la Jeunesse communiste de France (JCF), il fut membre du comité central de 1934 à 1936.
Il partit à Paris en novembre 1934 comme comptable jusqu’en juillet 1935 et revint à Tarnos (Landes) où il fut employé de mairie. Il avait épousé à Biarritz le 30 juillet 1934 Jeanne Ramirez, employée de restaurant, fille d’une petit entrepreneur de zinguerie réduit au chômage. Ils avaient, en 1937, deux enfants nés en 1934 et 1936. Paillé remarquait, dans son autobiographie de cette date, que sa femme qui n’avait aucune opinion politique « avait plutôt tendance à voir dans le Parti un ennemi, parce que son mari part trop souvent et à revenir... aux pratiques religieuses de son jeune âge ».
Jean Paillé qui avait vécu dans son enfance « au milieu des patronages » envisageait de se consacrer aux syndicats chrétiens. C’est la maladie qui, l’obligeant à passer deux années en sanatorium, l’amena à rencontrer un jeune communiste (Berthoux, de Saône-et-Loire). Les discussions changèrent « totalement [sa] compréhension » et l’orientèrent vers le communisme. En convalescence il prit contact avec des communistes de Biarritz. Mais, bien qu’assistant dès août 1931 aux réunions de cellule, le secrétaire ne lui donna sa carte qu’en janvier 1932 voulant « s’assurer [qu’il était] vraiment communiste ». En septembre il fut désigné secrétaire de la JC. En avril il participa à la campagne électorale des législatives avec Marceau Aubert à Biarritz (Basses-Pyrénées), où « le PC ne vivait que par deux ou trois éléments ». Devenu un militant actif il fut amené à assumer le secrétariat et la trésorerie de la cellule en août-septembre 1932, Marceau Aubert étant en congé. Il fut nommé en 1932-1933 membre de la commission régionale d’organisation. À partir d’octobre 1933 il devint membre du secrétariat collectif. Il fut délégué aux divers congrès régionaux du Parti et des Jeunesses en 1932-1933. En même temps il participait au syndicat unitaire du Bâtiment de Biarritz et assistait aux réunions du bureau sans en être membre à cause de son âge. En mai 1933 il fut secrétaire de l’UL-CGTU de Biarritz et siégea à la commission exécutive de la 12e URU.
Jean Paillé déplorait, en 1933, son « manque d’éducation politique » n’ayant lu que des brochures et l’ABC du communisme pendant sa maladie et, superficiellement, quelques œuvres des classiques du marxisme. Il avait dû abandonner l’École du parti qu’il suivait en décembre 1932, trop accaparé par les tâches pratiques. Il fut, ce mois-là, blâmé par le parti pour légèreté : ayant appris « qu’Aubert était l’objet d’une enquête, [il n’avait] pu s’empêcher de le lui dire » alors que le bureau régional lui avait demandé de se taire. Le 1er mai 1933, Paillé fut arrêté avec quatre autres militants à la porte d’un chantier pour « tentative d’entrave à la liberté du travail ». Ils furent emprisonnés six jours au droit commun et quatre au régime politique. Ils furent relaxés le dixième jour. En 1934, Paillé se rendit à Paris et milita dans une cellule des JC de La Chapelle (XVIIIe arrt.) et participa au bureau du rayon du XVIIIe arrt. Aux congrès d’Ivry (février 1934) et de Marseille (mars 1936) il fut nommé au CC des JC. À son retour de Paris il fut adhérent à la cellule de Tarnos-Bourg (Landes) section du Boucau. En décembre 1935 il était au secrétariat de la région Pyrénées-Landes. Il fut délégué à la Conférence nationale de Montreuil en janvier 1937. Le bureau régional lui confia la responsabilité politique du journal du parti, L’Étincelle des Pyrénées. Sur le plan syndical il fut chargé par la 12e URU de diriger en février 1934 une grève à Oloron. En juin 1936 il participa à Bayonne et Oloron aux mouvements revendicatifs. Il s’occupa surtout des travailleurs du bois, constituant des syndicats de gemmeurs. En 1937, devenu employé de mairie de Tarnos, il était membre du syndicat départemental de cette corporation et siégeait à son bureau.
Après la réunification syndicale, réalisée au congrès de Dax (Landes) en décembre 1935, il fut délégué à la propagande par l’Union des syndicats confédérés de l’Adour. En 1937, il fut élu membre du comité régional de la région pyrénéenne du PCF et se présenta comme « secrétaire de la région communiste » aux élections d’octobre pour le conseil général dans le canton d’Oloron-ouest.
Lorsqu’en application d’une décision confédérale fut constituée, au congrès de Morcenx en juillet 1938, l’Union départementale des syndicats confédérés des Landes, Jean Paillé, soutenu par Charles Prat, en devint le secrétaire permanent ; il abandonna alors ses fonctions de secrétaire de mairie de Tarnos qu’il exerçait depuis 1935. L’UD groupait plus de douze mille cotisants répartis en deux cents syndicats et Jean Paillé anima la campagne contre les décrets-lois du gouvernement Daladier.
Au mois d’octobre 1939, il fut contraint de donner sa démission de secrétaire permanent et, le 17 décembre, le comité général de l’UD, réuni « sous la présidence de M. Saillant », considéra que « Jean Paillé ex-secrétaire permanent, militant communiste », était « définitivement rayé comme membre du bureau de l’UD à la suite de l’affaire du Pacte germano-soviétique, de l’agression de la Pologne et de la Finlande par les Soviets ».
Il travailla jusqu’en avril 1940 à la Compagnie des Pétroles à Bordeaux (Gironde). Sous la menace d’une mesure d’internement, il passa aussitôt dans la clandestinité. Il fut chargé par le parti communiste de mettre sur pied des imprimeries clandestines à Bordeaux et à Libourne. Le 31 juillet 1941 il fut condamné à dix-huit mois de prison par défaut par le Tribunal spécial de Bordeaux pour infraction au décret-loi du 26 septembre 1939, diffusion de la propagande communiste.
Dès avril 1941, il fut muté par l’organisation en région parisienne, la répression policière avait porté de sérieux coups aux équipes de distribution de tracts. Il participa à la réorganisation des sections, secteurs et régions. Malade de mai à novembre 1941, il cessa toute activité. Il emménagea sous le nom d’Adrien Villard au 191 rue de la Croix-Nivert à Paris XVe arr. En décembre 1942 le responsable régional lui annonça qu’il était affecté comme responsable politique de la région P7 qui comprenait le Seine-et-Oise, à l’exception de Sèvres et Argenteuil.
Des inspecteurs de la BS2 l’interpellèrent le 12 avril 1943 en gare d’Orry-la-Ville (Oise) alors qu’il avait rendez-vous avec un militant arrêté précédemment. Sa chute succédait à celles de Pierre Errard, Alexis Bedjaï, Pierre Plas et Roberte Rousset avec qui il était en contact. Son interrogatoire eut lieu dans les locaux des Brigades spéciales. Il tenta de se démarquer des FTP, exprima son désaccord pour des questions de sécurité avec la confusion des postes de responsabilité, le responsable politique à la propagande était en même temps le politique FTP. Il affirma « Je n’ai pas voulu entrer en contact avec les FTP ». Or, les policiers étaient en possession du bilan d’activité des FTP de la région P7 écrit par Jean Paillé. Il reconnut que l’activité hebdomadaire des FTP lui parvenait par un agent de liaison.
Les policiers l’interrogèrent sur le passage des militants de la branche propagande aux FTP, il déclara que cela était du ressort du responsable des cadres. Il reconnut sur photographie Maurice Ancelle arrêté le 10 avril après sa participation à l’attentat contre Marcel Capron, déclara qu’il le connut quand le Parti communiste était légal et ignorer sa fonction actuelle. Jean Paillé fut tabassé par les policiers des BS. Il finit par reconnaître qu’il incitait les responsables de secteurs et de sections de la branche propagande à recruter pour les FTP. Il fit part que du fait de la désorganisation de la région, il n’avait pas de contact avec le responsable militaire des FTP. Il souligna qu’il ne participa à aucun attentat et ne posséda jamais d’armes. Il donna des explications sur les différents papiers saisis à son domicile clandestin : faux-papiers, carnets de souscription, brochures du parti communiste, notes de frais, feuilles de rendez-vous, bilan de son activité, différents rapports manuscrits, le texte d’un tract à paraître « La terre Mantaise », un « passe », le nom du directeur de la sucrerie de Maisse Léon R… avec la mention « à dénoncer ».
Jean Paillé resta douze jours au dépôt, à disposition de la police à tout moment, le 24 avril 1943 il était incarcéré à Fresnes, à la disposition des allemands. Il partit le 11 octobre 1943 de la gare de l’Est dans un wagon pour les voyageurs aux fenêtres grillagées avec quarante-quatre autres détenus. Le wagon était attaché à un train de la ligne régulière vers l’Allemagne, il fut décroché le lendemain à Sarrebruck, les prisonniers étaient enfermés au camp de Neue Bremm. Tous étaient étiquetés « NN » Nacht und Nebel (Nuit et brouillard), ce qui signifiait condamnés à disparaître sans laisser de traces. Cette expression avait été empruntée par Hitler au livret de L’Or du Rhin de Richard Wagner. Onze étaient dirigés sur Buchenwald (Allemagne), trente-quatre dont Jean Paillé sur Mauthausen (Autriche). Matricule 37796, Jean Paillé inapte aux travaux forcés fut gazé au Château de Hartheim à Mauthausen le 3 juillet 1944.
Son nom figure sur les monuments aux morts de Bayonne et de Tarnos. Le restaurant scolaire de Tarnos porte le nom de Jean Paillé.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article50083, notice PAILLÉ Jean dit Adrien, dit Laurent par Jean-Claude Paul-Dejean, Daniel Grason, René Lemarquis, version mise en ligne le 4 mai 2009, dernière modification le 11 décembre 2020.

Par Jean-Claude Paul-Dejean, Daniel Grason, René Lemarquis

SOURCES : Arch. Dép. Landes, 5 Ms 158, 159, 167. — RGASPI : 495.270.774. Autobiographies : 12 juillet 1933 (A) (À suivre. Bon élément) ; 4 février 1934 ; 28 mai 1937 (A). – L’Étincelle. – Le Travailleur landais. — Témoignage de Joseph Biarrotte. – Arch. PPo. BA 2299, KB 18, KB 54, PCF carton 8 activité communiste pendant l’Occupation, 77 W 3121. – Livre-Mémorial, FMD, Éd. Tirésias, 2004. – JO n° 002 du 4 janvier1994. – Site Internet GenWeb. — État civil, Oloron-Sainte-Marie.

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