FRONTCZAK François

Par Claude Cuenot

Né le 8 mai 1919 à Aschersleben (Allemagne), mort le 31 mai 2002 à Montbéliard (Doubs) ; ouvrier métallurgiste à Audincourt (Doubs) ; communiste, syndicaliste CGT ; résistant, déporté à Buchenwald ; militant de la FNDIRP ; membre du comité fédéral de la Fédération du Doubs du PCF ; conseiller municipal d’Audincourt.

François Frontczak était le septième enfant d’une fratrie qui en comptait treize, neuf garçons et quatre filles. Son père Valentin Frontczak était né le 31 janvier 1881 à Tarnow (Pologne). Il fut mineur en Allemagne, puis exerça différents métiers comme manœuvre dans des ports dont Hambourg. Immigré en France en 1921, il devint à nouveau mineur à Ronchamp (Haute-Saône) et dans les mines de potasse en Alsace. La famille s’installa à Audincourt en 1931 et Valentin Frontczak termina sa vie professionnelle aux Filatures Japy dans cette commune. Dans le Doubs, les Polonais, surtout présents dans l’arrondissement de Montbéliard, constituaient en 1931 le troisième groupe d’immigrés derrière les Italiens et les Suisses. Sa mère Wladyslawa Krzyzanowska, née le 26 septembre 1887 à Kalisz (Pologne), fut elle aussi ouvrière en Allemagne. Elle eut treize enfants et resta mère au foyer. Les parents de François Frontczak étaient catholiques mais non pratiquants, et très attachés à la justice et à la rectitude morale. Après la guerre, ils sympathisaient avec les idées communistes.

François Frontczak suivit l’école primaire à Colmar (Haut-Rhin) et à Ronchamp, avec un parcours en pointillé en raison des déménagements successifs de la famille. Il commença à travailler à treize ans, de nuit, comme ouvrier graisseur à la Compagnie des Forges d’Audincourt où travaillaient de nombreux Polonais. Il fut ouvrier dans une petite entreprise à Sochaux (Doubs) avant de rejoindre les automobiles Peugeot dans la même commune. Il fut licencié pour sa participation à la grève du 30 novembre 1938 et réembauché ensuite.

Audincourt et les communes limitrophes constituaient un creuset pour le mouvement ouvrier. Métallurgie lourde, construction mécanique, fonderie, textile, les usines de 50 à 2000 salariés étaient de taille humaine. Des syndicalistes socialistes et coopérateurs avaient trouvé là un milieu favorable dès 1916. L’usine des « Autos » (Peugeot), où furent assemblées les premières automobiles de la marque, avait en particulier connu des grèves importantes en 1919, 1920, 1922, 1929. À partir de l’été 1936, le parti communiste se renforça nettement dans cette ville. Mais c’est son frère Paul, de douze ans son aîné, qui gagna François au communisme, confirmée par son adhésion au Parti communiste français en 1936. Ouvrier lui aussi, Paul avait cependant bénéficié d’un cursus scolaire plus stable en Allemagne : il était cultivé, avait lu des œuvres de Marx et gardait le goût de la lecture. D’autres jeunes fils d’immigrés polonais d’Audincourt comme Richard Perlinski* ont probablement adhéré à ce parti au même moment et dans un même enthousiasme, s’influençant mutuellement. François rejoignit également la CGT la même année.

À la déclaration de guerre, François Frontczak fut affecté spécial sur place chez Peugeot à Sochaux. Rejoignant la Résistance communiste par l’intermédiaire de son frère Willy fin 1941, il faisait circuler des tracts dans son atelier, participa à l’accueil de militants communistes clandestins et récupéra des armes. Licencié début 1942 pour un vol de peinture qui devait servir à écrire des slogans sur les murs, il fut embauché chez Peugeot-Frères à Audincourt, aux « Autos », et ne fut pas l’objet d’autres recherches à cette date. Mais il fut arrêté le 19 avril 1942, avec près d’une trentaine de résistants communistes. Interrogé par la police française dans les locaux de la mairie d’Audincourt, trois policiers le frappèrent durant plusieurs heures, lui crevant les deux tympans. Ces arrestations brisèrent définitivement la Résistance communiste dans le Pays de Montbéliard qui ne joua donc pas de rôle spécifique en 1944.

Condamné à cinq ans de prison par la Cour spéciale de Besançon, François Frontczak fut incarcéré dans les prisons suivantes : Belfort, Besançon (à la prison de la Butte, il partagea la même cellule que ses deux frères, André Frontczak et Othon-Willy), Clairvaux, Melun, Châlons-sur-Marne. De là, il fut transféré à Compiègne, puis déporté à Buchenwald en mai 1944. Il participa à l’insurrection du camp avec son frère Willy.

Très affaibli à son retour de déportation, François Frontczak ne travailla pas durant presque une année. Il fut repris chez Peugeot-frères à Audincourt, plus tard Aciers et Outillages Peugeot (AOP). Il termina ouvrier professionnel hautement qualifié.
Il prit de nouvelles responsabilités et créa notamment une nouvelle cellule du PCF dans son entreprise avec Octave Roycomte en 1947. Il fut secrétaire de la section d’Audincourt de 1947 environ aux années 1960 et membre du Comité fédéral au moins depuis 1953 jusqu’en 1959. Il milita avec Louis Garnier*, le secrétaire fédéral et futur député communiste installé à Audincourt, qui devint un ami de toute la famille. À ses côtés d’abord, il fut élu conseiller municipal dans l’opposition de 1953 à 1959, puis ensuite dans la majorité avec le maire communiste Serge Paganelli* de 1971 à 1983. Il était aussi secrétaire de la section syndicale CGT des « Autos » (AOP) depuis 1947 jusqu’à son départ en retraite en 1974, aux côtés de syndicalistes non communistes comme Raymond Poivey et René Sasso.

Membre de la FNDIRP dont il fut président pour le secteur d’Audincourt, il contribua à maintenir une mémoire communiste de la Résistance et de la déportation dans le Pays de Montbéliard.

En 1986, François Fronczak figurait parmi les communistes « reconstructeurs » aux côtés de Martial Bourquin, Robert Charles* et André Vagneron*. Il fut exclu du PCF avec (presque) toute la fédération du Doubs début 1988. Il fut ensuite membre de la Fédération communiste démocratique de Franche-Comté. Mais comme André Vagneron, il ne suivit pas Martial Bourquin lorsque ce dernier rejoignit le Parti socialiste.

François Frontczak épousa Georgette Ocard en 1947. Ouvrière tourneuse, elle travailla chez Wittmer (Seloncourt), Gauthier, Bobiat, puis enfin en tant que bobineuse à AOP Audincourt. Membre de la CGT et de l’Union des jeunesses républicaines françaises en 1945, elle rejoignit le PCF en 1949. Le couple eut une fille, Françoise, née en 1951, aujourd’hui attachée de presse au musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon.

Titulaire de nombreuses décorations dont entre autres la médaille du combattant volontaire de la Résistance. François Frontczak était officier de la Légion d’honneur.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article50215, notice FRONTCZAK François par Claude Cuenot, version mise en ligne le 13 mai 2009, dernière modification le 13 mai 2009.

Par Claude Cuenot

SOURCES : Arch. Dép. du Doubs, 1 Z 89, liste des arrestations de communistes 1941-1943. — Arch. comité national PCF, comités fédéraux. — Entretien avec François Frontczak. — Renseignements fournis par la mairie d’Audincourt et par sa fille Françoise Frontczak.

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