ROBERT Yvonne. [née PRIOUX Yvonne, puis DESMEUZES Yvonne, épouse ROBERT]. Pseudonyme : AUTRÉ Yvonne (nom de jeune fille de sa belle-mère)

Par Claude Pennetier, Rémi Skoutelsky

Née le 15 avril 1901 à Angers (Maine-et-Loire), morte le 2 mai 1987 à Bagnolet (Seine-Saint-Denis) ; employée de banque puis infirmière puis assistante sociale ; militante communiste ; responsable des services sanitaire auprès des Brigades internationales ; femme de confiance d’André Marty.

Yvonne Robert appartient à « une vielle famille socialiste révolutionnaire d’Angers » écrivit André Marty. Elle donne pourtant une version moins nette dans son autobiographie du 30 mai 1933 : « Je suis une enfant naturelle qui fut légitimé à l’âge de 7 ans ½. Les sept premières années de mon enfance sont des plus bizarres, d’abord dans un milieu essentiellement misérable, puis d’employés petits bourgeois, voir même aisés, enfin d’employé, puisque mon père « ex-comptable des Usines Bessonneau » à Angers, devenu fonctionnaire par la suite (employé d’octroi à la ville d’Angers) y est encore actuellement. Son père (beau-père) était lié aux milieux socialistes et francs-maçons, et même « un socialiste connu à Angers ». Il fut secrétaire fédéral de la SFIO et militant de la Ligue des doits de l’Homme, puis conseiller municipal. Sa mère venait d’une famille paysanne vendéenne et poitevine ; elle fut bonne puis ouvrière bonnetière jusqu’en 1918. Elle eut quatre enfants dont un garçon qui fut assassiné et une autre fille qui vint vivre à Paris en 1932. Enfant, Yvonne fréquenta le patronage Jean-Jaurès (coopérative Angers-Doutre). Elle prit dans les années trente ses distances avec sa mère et son père.

Élève d’une école primaire supérieure, elle la quitta en 1917 à la suite de tensions familiales : son père était au front et sa mère, en grande difficulté avait commis un vol à l’étalage qui ne fut pas sanctionné par la justice en raison de sa situation de femme enceinte. Yvonne refusa alors de retourner en classe. Elle entra comme employée à la banque Bordier et Cie dont elle fut immédiatement renvoyée lorsqu’elle se maria le 10 avril 1923 à Angers avec le secrétaire de la section communiste de Pithiviers (Loiret). Son mari, Jean-Marie Robert était ouvrier imprimeur, membre du comité du syndicat Livre-Papier et du bureau de la section technique « impression ».

Elle travailla quelques mois au Crédit lyonnais à Pithiviers (Loiret) d’où elle fut remerciée après avoir participé à la campagne électorale d’André Maratrat*. Elle travailla alors à la Banque nationale de crédit à Paris, de 1924 à 1925 dont elle fut révoquée après son arrestation pour propagande contre la guerre du Maroc. Dès lors, elle œuvra dans l’environnement du Parti communiste, d’abord comme employée de la section féminine de 1925 à 1929, puis comme infirmière-visiteuse à la coopérative « La Bellevilloise » jusqu’en 1932 (où elle participa au « redressement » politique de la coopérative) et en octobre 1932 travailla pour la municipalité de Bagnolet.

Syndiquée dès 1917 au syndicat Banque et Bourse, elle figurait sur la liste publiée par l’Humanité, le 21 janvier 1921, des premiers élèves autorisés à suivre l’École du propagandiste.

Infirmière puis assistante sociale à Bagnolet, elle y créa le dispensaire avec l’aide de son mari et de Paul Couderc. Par la suite, elle devait en créer à Romainville et Montreuil. En 1926-1927, elle était membre de la commission centrale féminine et habitait alors Paris (XIe arr.).

En 1926, Yvonne Robert fut mise à la disposition de la Région du Nord pour y créer des groupes des « Amis de L’Ouvrière ». À la réunion du bureau d’organisation, le 1er février 1926, Marguerite Faussecave* indiquait qu’Yvonne Robert venait de séjourner quelques mois dans le Nord pour y gérer la commission féminine syndicale et la commission féminine du Parti communiste. Dans le rapport pour la conférence régionale du Nord en juin 1926, cette présence était notée.

Yvonne Robert suivit ensuite les cours de l’École centrale. Elle écrivait, le 15 juillet 1927, le Kominternien « Bernard » (Alfred Kurella*) qui avait dirigé l’école et qui résidait à Moscou pour qu’il lui envoie des livres. Dans une autre lettre, elle donnait son adresse : Yvonne Autré, Bagnolet.

Elle collaborait à la section de l’Agit’prop centrale. Dans le Bulletin hebdomadaire de la presse, en avril 1927, elle signait des articles, « Engageons-nous dans la bataille, luttons pour le maintien de nos salaires », « Le 1er mai et les femmes ». Elle participait aussi à des réunions publiques. Au même moment, elle signait dans l’Humanité, le 23 avril, un article dans la rubrique « La femme », « Manifestons le Premier Mai pour le triomphe de notre revendication “travail égal, salaire égal » »

Yvonne Robert assista au IVe congrès national de la CGTU, tenu à Bordeaux (Gironde) du 19 au 24 septembre 1927, selon le rapport du commissariat central de Bordeaux. Elle collaborait alors à L’Ouvrière, journal édité par le Parti communiste. Elle fut présente à Moscou au VIe congrès de l’Internationale communiste en juillet 1928. Sur son positionnement dans le parti, elle écrit en 1933 : « Je fus contre l’opposition Treint-Souvarine-Girault, à la conférence de Paris, dans le CC (ce qui indique qu’elle y était invitée) et à Moscou. Je n’ai jamais fait partie d’aucune opposition et fus en désaccord complet avec Celor en 1929, d’où ma suspension du poste de la section féminine centrale. »

En 1929, Yvonne Robert participa à des réunions de solidarité avec les victimes de la répression dans l’armée. On la vit notamment à Toulon avec Jacques Sadoul*, le 23 mars 1929.

Candidate communiste aux élections municipales de mai 1929 dans le XVe arr. (quartier Necker), sa candidature fut invalidée par la préfecture, les femmes étant inéligibles. Lors de la création de la Région Paris-est du Parti communiste en 1932, elle fut chargée du travail féminin. En 1936, elle était membre du comité national du Comité mondial des femmes contre la guerre et le fascisme.

Les commentaires de la commission des cadres (de la main de Maurice Tréand) qui accompagnent son autobiographie du 30 mai 1933, montrent une certaine réserve : « 1/ La famille de son mari.2/ employé par le technicien de la région Est. Plus utilisée. Décision CDC du 28 juin. Nombreuses lacunes dans l’autobiographie dans la période où elle a appartenu à l’appareil. A été très liée politiquement à Bernard [sans doute Kurella*]. A utiliser avec prudence dans le travail qu’elle fait actuellement, donner de petites affaires. » (orthographe corrigée). Cette dernière phrase a été barrée par la suite.

En octobre 1936, Yvonne Robert se porta volontaire en Espagne républicaine. Elle avait travaillé avec le docteur Pierre Rouquès* depuis 1925 et appartint au service sanitaire des Brigades internationales, à Banricassine (Beni-Cassin), de novembre 1936 à février 1939, avec grade de capitaine. André Marty précise qu’elle avait l’organisation et la direction de ce centre à sa charge, dans un « milieu extrêmement difficile dans une zone où le POUM et la FAI avaient de fortes bases. D’autre part, le service sanitaire international était également pénétré d’éléments douteux et ennemis. Yvonne Robert y a fait preuve de grandes qualités d’organisation ; elle a joué un rôle politique très actif et très bon ; elle a contribué à organiser le parti ; son influence parmi les blessés était considérable. » (Marty, 1939). C’est peut-être là que se situe un incidant avec un docteur Lejeune, dont elle fut l’accusatrice. Rentrée en France vers juin 1937 pour raison de santé, elle reprit du service en avril 1938, à la demande de Marty, pour organiser l’évacuation en France des blessés et suivre « la direction de la Direction du service de santé où nous avions découvert des ennemis » (Marty, 1939). Marty ajoute qu’elle « a assuré de façon absolument exceptionnelle la tâche difficile » jusque fin octobre 1938 et salue son courage physique. Pendant ce temps « son mari la réclamait sans cesse pour lui et pour son fils » et elle faisait l’objet de vives critiques à Bagnolet (mauvaise épouse, mauvaise mère » et de l’hostilité du maire, Paul Couderc, qui supprima le secours accordé à son mari comme conjoint de brigadiste.

Elle s’occupa des internés du camp de Gurs jusqu’en juillet 1939 et « a été une véritable mère pour ces hommes et a rendu des services extraordinaires (parti, organisation, moral, lutte contre l’ennemi) ». Revenue à Bagnolet en juin 1939, elle réintégra la direction du dispensaire, mais travailla pour le Comité d’aide à l’Espagne républicaine qui fut dissous par la police fin septembre 1939.

Elle semble avoir conservé une place privilégiée dans les contacts avec Marty Selon le témoignage de Jules Dumont donné début mai 1942 à la direction du PCF : « Le 15 août 1939, André Marty avant de partir nous a réuni chez lui, YR [Yvonne Robert] et moi et nous donna ses dernières instructions pour les Internationaux. Il nous confia à nous deux cette tâche de faire sortir les copains des camps et de leur apporter l’aide morale et matérielle. J’ai collaboré avec YR tant qu’a duré la « Maison des Blessés ». Elle reçoit l’ordre de ne plus me voir. Toutefois, elle revient me voir parce qu’elle manque d’argent et c’est par elle que nous sommes arrêtés. (…) J’avais transmis au PC (Dallidet) des choses graves contre elle. En effet, elle m’avait dit de correspondre avec AM : « tu me remettras ta lettre avant le 22 [août 1939], disait-elle ; je la ferai transmettre par la valise diplomatique [soviétique]. J’ai répondu que je n’avais pas qualité pour écrire à AM. À ce moment, Émile ((Dallidet) m’a fait savoir qu’il ne fallait plus la voir. Je ne l’ai plus vu. Havez me demanda de le mettre en rapport avec YR. Je connaissais son adresse – une pharmacie, rue Victor Hugo – et je lui donnais. J’ai su qu’il avait été la voir. Émile me fit des observations à ce sujet. ». Il faut bien sûr accueillir avec beaucoup de prudence les accusations de ce responsable aux cadres pour la région « Paris-Ville » concernant les arrestations, mais sur les rapports avec Marty les faits sont solides et soulignent la confiance que Marty avait en elle car les contacts directs avec l’Ambassade soviétique étaient rares. (document de la Commission de contrôle politique communiques par Jean-Pierre Ravery).

À la déclaration de guerre, les autorités lui avaient demandé de se désolidariser du Parti communiste ce qu’elle refusa de faire. Elle fut licenciée. Entrée dans la clandestinité dans la région parisienne, elle fut arrêtée en mai 1940 à la Maison des blessés où elle s’était rendue pour brûler les papiers concernant les volontaires des BI. Incarcérée à la Petite-Roquette, transférée à Blois, elle s’évada. Revenue à Paris, elle reprit contact avec la Résistance et poursuivit son action jusqu’en 1944.

Yvonne Robert fut, après guerre, responsable des œuvres sociales de l’Amicale des anciens volontaires français en Espagne républicaine.

Yvonne Robert resta très proche d’André Marty* qu’elle soigna comme infirmière. Elle fut vraiment une amie personnelle. Une lettre de rupture le 30 novembre 1952 mit fin à leurs liens : « Les regrettables événements de mercredi dernier ne m’ont pas permis de te parler. Je pensais te présenter le docteur Vanderstegen de Bois-Colombes pour te conseiller dans ton traitement. Je ne puis ni ne désire me rendre de nouveau auprès de toi. Les événements sont trop graves pour me le permettre. Entre le parti et toi, le choix est fait, il m’est impossible de me compromettre davantage. Avec mes salutations communistes. Yvonne Robert ». Dans cette « affaire » Marty avait perdu sa femme, il perdait aussi celle qui était pour le moins sa meilleure amie.

Le mari d’Yvonne Robert mourut en 1957. Les obsèques d’Yvonne Robert eurent lieu à Bagnolet (Seine-Saint-Denis) en 1987.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article50269, notice ROBERT Yvonne. [née PRIOUX Yvonne, puis DESMEUZES Yvonne, épouse ROBERT]. Pseudonyme : AUTRÉ Yvonne (nom de jeune fille de sa belle-mère) par Claude Pennetier, Rémi Skoutelsky, version mise en ligne le 17 mai 2009, dernière modification le 9 février 2018.

Par Claude Pennetier, Rémi Skoutelsky

Yvonne Robert accueillie par André Marty, sa femme Raymonde et Vital Gayman à la gare d'Austerlitz, à la fin de la mission d'évacuation des blessés des Brigades internationales
Yvonne Robert accueillie par André Marty, sa femme Raymonde et Vital Gayman à la gare d’Austerlitz, à la fin de la mission d’évacuation des blessés des Brigades internationales
[Fonds André Marty (CHS)]
Photographie en Espagne
Photographie en Espagne

SOURCES : RGASPI, 495 270 4950 : autobiographie, Bagnolet, 30 mai 1933, 6 pages dactylographiées, classée A1 ; fiche d’évaluation de la commission des cadres ; une note en russe du 28 décembre 1939 ; note d’André Marty, 20 décembre 1939, 1 p. ; note d’André Marty, 17 décembre 1939, 3 p. — Arch. Nat. F7/13090, 13093, 13118, 13263, 13264. — Arch. Dép. Gironde, 1 M 577. — Arch. BMP, bobines n° 157, 231, 235. — Arch. AVER. — Femmes dans l’action mondiale, juin 1936. — Le Réveil des Combattants, n° 500, juin 1987. — L’Humanité. — Paloma Fernandez, Le Retour et l’action des anciens volontaires français des Brigades internationales en région parisienne de 1937 à 1945, MM, Paris-I, 1984. — Paul Boulland, Claude Pennetier, Rossana Vaccaro, André Marty, l’homme , l’affaire, l’archive, Codhos éditions, 2005.

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