GENCE André, Jean, Marie

Par Tangi Cavalin, Nathalie Viet-Depaule

Né le 14 février 1918 à Marseille (Bouches-du-Rhône) ; artiste peintre ; prêtre du diocèse de Marseille (1948-1955), puis prêtre de la Mission de France (1955) ; membre du bureau du conseil départemental de la Seine (1959) puis du conseil national (1962) du Mouvement de la paix.

Issu de la bourgeoisie marseillaise (son père, industriel, était à la tête d’une entreprise d’ameublement de jardins), André Gence grandit dans sa ville natale. Il fut scolarisé chez les maristes, au lycée Saint-Joseph, et fréquenta l’œuvre Timon-David (centre catholique de loisirs pour les jeunes) dont la propriété jouxtait celle de ses parents. Il commença des études supérieures qui devaient le conduire à briguer des postes dans l’administration, passa un premier concours, mais la guerre infléchit sa destinée. Mobilisé comme officier, André Gence participa à la campagne d’Alsace et de Belgique, se retrouva à la tête d’un corps franc, ce qui lui valut d’être décoré de la Croix de guerre en 1939 et de devenir, après sa démobilisation, secrétaire d’un intendant de police puis chef de cabinet du préfet des Bouches-du-Rhône. Très marqué par la guerre qui l’amena à rechercher le sens qu’il voulait donner à sa vie, il rompit avec une situation qui aurait pu devenir confortable et décida d’être prêtre. André Gence hésita entre les dominicains, à cause de la figure marseillaise exemplaire de Jacques Loew*, et le diocèse. Il choisit le grand séminaire de Marseille (1943-1948) et fut ordonné prêtre en 1948.

Nommé vicaire à Saint-Michel de Marseille, André Gence allait contribuer, aux côtés du curé Georges Mollard*, à transformer cette paroisse traditionnelle du centre ville en paroisse missionnaire. Il avait lu La France pays de mission ?, connaissait la démarche d’Économie et Humanisme et était au courant des diverses tentatives missionnaires qui avaient cours au sein du catholicisme français. Dans cette perspective, il fit équipe avec Aubin Brieugne et Pierre Gallocher (1949), Pierre Judet (1950), Maurice Batigne (1951), Nicolas Obermeyer* et Émile Courquet (1953) dont le dynamisme attira bientôt de nombreux chrétiens qui voyaient dans Saint-Michel l’expression d’un christianisme auquel ils aspiraient. Très impliqué dans la vie du quartier et convaincu du bien fondé de l’Appel de Stockholm, André Gence fut au cours de l’année 1952, avec Pierre Judet, Maurice Batigne et des laïcs, à l’initiative de la création de trois comités du Mouvement de la paix sur le territoire de la paroisse. Cet engagement dans le Mouvement de la paix allait servir de prétexte à l’évêque de Marseille pour contester l’implantation de la Mission de France à Saint-Michel, cette paroisse qui attirait de nombreux Marseillais qui n’habitaient pas sur le territoire de la paroisse. Monseigneur Lallier y mit un terme en 1956, en demandant à Georges Mollard de quitter le diocèse. André Gence resta encore un an à Saint-Michel, mais eut très vite des mots avec son supérieur hiérarchique pour avoir enfreint l’interdiction de signer un article dans le Courrier de la Paix, l’organe du Mouvement de la Paix des Bouches-du-Rhône. Il fut contraint de quitter Marseille.

André Gence gagna alors Paris et fut envoyé par la Mission de France dans l’équipe du secteur hospitalier. Il devint aumônier de l’hôpital Cochin. Ce fut à ce moment-là qu’il éprouva le besoin de peindre (il avait été initié à la peinture par son oncle, professeur aux Beaux-Arts de Marseille) et qu’il commença sa carrière d’artiste. Il poursuivit toutefois son engagement au Mouvement de la paix : il fut élu le 14 décembre 1959 au bureau du conseil départemental de la Seine, puis en 1961 au conseil national dont il fit partie jusqu’en 2005. André Gence prit également position pendant la guerre d’Algérie. En accord avec la session pastorale où la Mission s’était prononcée contre la torture et pour l’indépendance de l’Algérie, il aida le FLN. Il sut ainsi dissuader les policiers qu’il trouva au domicile de Bernard Boudouresques, arrêté la veille par la DST (13 octobre 1958), de venir perquisitionner chez lui où ils auraient trouvé la preuve de son engagement auprès du FLN.

En 1962, André Gence quitta l’aumônerie de Cochin, acceptant la charge d’aumônier national du mouvement Vie nouvelle, mouvement créé en 1947 par André Cruiziat et Pierre Goutet, attentif aux expériences sociales et proche à la fois du mouvement Économie et Humanisme du dominicain Louis Lebret et du personnalisme chrétien d’Emmanuel Mounier*. Il accompagna ce mouvement pendant de nombreuses années tout en ayant aussi la responsabilité, en tant que prêtre, de l’association « Police et Humanisme » qu’il avait contribuée à fonder avec Jean Debruynne, un autre prêtre de la Mission de France. Il s’agissait de réfléchir aux problèmes inhérents à la condition policière tels qu’ils s’étaient posés pendant la guerre d’Algérie (tortures, interrogatoires musclés). Parallèlement, André Gence se consacra à son œuvre artistique. Peintre, sculpteur, il réalisait aussi des vitraux et commençait à vivre de son art.

En 1979, André Gence rejoignit Georges Mollard, rue Patay (XIIIe arr.) pour faire équipe avec lui puis. En 1984, il revint dans la cité phocéenne où, tout en étant prêtre et artiste, il s’occupa des relations entre l’Église et le monde artistique à travers l’association « Foi et Culture », dont il fut le président fondateur. Il créa aussi avec ATD Quart Monde l’association « Art et développement » réalisant des ateliers d’enfants dans la rue au sein des quartiers défavorisés. Depuis vingt-cinq ans André Gence vit à Marseille en essayant, à sa façon, d’être prêtre et artiste. Peintre de renom, il compte à son actif de très nombreuses expositions et réalisations d’art sacré.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article50291, notice GENCE André, Jean, Marie par Tangi Cavalin, Nathalie Viet-Depaule, version mise en ligne le 20 mai 2009, dernière modification le 4 mai 2011.

Par Tangi Cavalin, Nathalie Viet-Depaule

ŒUVRE : Sur la terre comme au ciel, Éd. La Thune, 1997. — Figures et transcendance, Éd. La Thune, 1999. — Être créateur, Éd. La Thune, 2001.

SOURCES : Arch. de la Mission de France. — Arch. Dép. Seine-Saint-Denis, fonds du Mouvement de la Paix, 170 J 9. — Stan Rougier, « L’invisible dans la matière », Prêtres de la Mission de France, Le Centurion, 1991, p. 81-85. — Tangi Cavalin, Nathalie Viet-Depaule, « Catholiques engagés à Marseille », Les Catholiques dans la République, 1905-2005, sous la direction de Bruno Duriez, Étienne Fouilloux, Denis Pelletier, Nathalie Viet-Depaule, Les Éditions de l’Atelier, 2005, p. 301-312 ; Une histoire de la Mission de France. La riposte missionnaire 1941-2002, Karthala, 2007. — Entretiens avec André Gence. — État civil de Marseille.

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