GARRIC Robert [GARRIC Marie, Joseph, François, Robert]

Par André Caudron

Né le 24 juillet 1896 à Aurillac (Cantal), mort le 18 juin 1967 à Paris (XIVe arr.) ; professeur agrégé, conférencier ; fondateur des Équipes sociales (1921), directeur de La Revue des jeunes (1924-1939) ; commissaire national du Secours national puis de l’Entraide française (1939-1949), directeur de la Maison internationale universitaire de Paris (1954).

Issu de la bourgeoisie catholique auvergnate, Robert Garric fit de brillantes études, de 1905 à 1912, au lycée Émile-Duclaux d’Aurillac où son père était négociant. Après l’année de khâgne au lycée Condorcet à Paris, il fut reçu à l’École normale supérieure en 1914, mais dut interrompre ses études pour remplacer des professeurs mobilisés du lycée Lakanal jusqu’au moment où il fut lui-même appelé sous les drapeaux en 1917. Ayant obtenu le grade de sous-lieutenant à l’École d’artillerie de Fontainebleau, il fut chargé d’organiser des cours pour les soldats. Il découvrit ainsi « l’amitié des tranchées » et se persuada que l’éducation était la clé de la collaboration des classes.

Rendu à la vie civile, agrégé de lettres en 1919, Robert Garric enseigna au lycée de Beauvais (Oise) puis fut répétiteur rue d’Ulm avant d’être admis comme pensionnaire à la fondation Thiers en 1921 afin de préparer une thèse sur Lacordaire directeur de jeunes gens, qui allait rester inachevée. En même temps, il mit au point, au patronage de Reuilly, dans le XIIe arrondissement de Paris, et à Belleville, une formule de cercles à la fois proches du patronage et des universités populaires, où les étudiants apportaient leur savoir aux jeunes ouvriers, dans un échange de connaissances, d’expérience et de respect mutuel. C’est ainsi que naquirent les Équipes sociales, lancées en 1921. Leur rayonnement allait être considérable à travers la France et au-delà. Le mouvement, dit-on, aurait touché vingt à trente mille adultes.

Son fondateur était lié par une admiration réciproque au maréchal Hubert Lyautey, qui voyait là comme un écho de ses préoccupations sur le rôle social de l’officier, et à l’académicien Georges Goyau, historien des missions. Robert Garric sut réunir un réseau de qualité parmi les étudiants catholiques, à partir du groupe « Tala » de Normale sup. « Il faut croire à ce que l’on fait et le faire dans l’enthousiasme », aimait-il dire.

Parmi les proches de ce « nouvel Ozanam », comme l’appelait Jean Guitton, on rencontrait le géographe Pierre Deffontaines, vice-président des Équipes sociales, l’ingénieur Georges Lamirand, autre vice-président – et plus tard secrétaire général à la Jeunesse du gouvernement de Vichy –, les futurs ministres Raoul Dautry et Edmond Michelet*, Pierre-Henri Simon*, François Bloch-Lainé, Paul-Henry Chombart de Lauwe, Louis Leprince-Ringuet, René de Naurois, etc.

Vers la fin de la guerre, Robert Garric était entré au comité de rédaction de L’Âme française, journal démocrate chrétien. En octobre 1924, il prit la direction littéraire de La Revue des jeunes, fondée par le dominicain Antonin Sertillanges, et publia des critiques très remarquées dans ce bimensuel dont il fit la tribune des Équipes sociales jusqu’en 1939. Son enquête sur Belleville, quartier ouvrier de la capitale, lui avait valu le grand prix de l’Académie française en 1928. Maintes fois réédité, ce livre diffusa sa vision d’une société basée sur les valeurs religieuses, le régionalisme, le respect de la hiérarchie, l’exaltation de la jeunesse et l’amour du peuple. Les Équipes sociales entendaient rassembler des délégués ouvriers choisis hors pression politique et des responsables d’entreprise, tous opposés au marxisme. Elles attribuaient à l’entreprise une double fonction, économique et sociale.

Le profil catholique social de Robert Garric ne l’empêcha pas de nouer des relations avec des écrivains et artistes de divers milieux, tels Jean Guéhenno, Daniel Halévy, Henri de Montherlant, Paul Claudel, Alain, Jean Cocteau, André Malraux*, Emmanuel Mounier*, Gabriel Marcel, Jacques Copeau et d’autres.

À la même époque et dans le même esprit, une jeune paraplégique, Marguerite Rivard, hospitalisée à Berck (Pas-de-Calais), avait fondé en 1926, les Équipes de malades baptisées bientôt Auxilia, fonctionnant par correspondance et animées par Marguerite Pélecier jusqu’à sa mort en 1976. Auxilia, étroitement lié aux Équipes sociales, s’ouvrit par la suite à d’autres publics, notamment aux détenus.

Professeur suppléant à la Sorbonne en 1932 puis à la faculté des lettres de Lille (Nord) en 1934, Robert Garric entama une longue carrière de conférencier dès 1933 en Amérique latine où se déroula une partie de sa carrière universitaire. Il inaugura des chaires de littérature française au Brésil, à Sao Paulo (1934) et Rio de Janeiro (1936). Il enseigna en outre au collège Sainte-Marie de Neuilly-sur-Seine (Seine, Hauts-de-Seine), que dirigeait Madeleine Daniélou, et à l’École de cadres d’Opme, créée en 1940 par Jean de Lattre de Tassigny à Romagnat (Puy-de-Dôme).

Nommé sous-directeur de l’Institut français de Londres en 1939, Robert Garric fut chargé d’organiser, à la mobilisation, le service social des usines du ministère de l’Armement, et nommé commissaire national du Secours national, réactivé au début de la guerre. Celui-ci devint l’Entraide française à la Libération. Sans engagement partisan, Robert Garric était toujours resté à l’écart des remous politiques et personne, semble-t-il, ne lui fit grief d’avoir conservé une haute fonction sous le gouvernement de Vichy. Il ne quitta l’Entraide française qu’en 1949.

Dès lors, il donna des cours à l’université de Nimègue (Pays-Bas) de 1949 à 1958, puis à l’Institut catholique de Paris, tout en retournant au Brésil entre 1950 et 1955. Il avait rempli une mission au Canada en 1954. Entré au Comité français de service social, il prit la direction de la Maison internationale, l’une des unités de la Cité universitaire de Paris, en octobre 1954, et fut ensuite délégué général de cette Cité où vivaient alors six cents étudiants de cent nationalités différentes.

Président de l’Académie d’éducation et d’études sociales (AES) et du comité de direction de l’École d’action sociale de Levallois-Perret (Seine, Hauts-de-Seine), il avait participé au lancement de la Fédération des centres sociaux de France en 1922.

L’Académie des sciences morales et politiques l’accueillit dans ses rangs en 1966, peu avant sa mort à l’hôpital universitaire de Paris. Il fut inhumé à Aurillac où une stèle a été érigée à sa mémoire. Il avait reçu la Légion d’honneur des mains du maréchal Pétain, chef de l’État, le 10 septembre 1943, au cours d’un congrès du Secours national à La Bourboule (Puy-de-Dôme).

Ses archives confiées à la bibliothèque du CEDIAS-Musée social ont permis aux Amitiés Robert Garric de célébrer en 1996 le centenaire de sa naissance.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article50301, notice GARRIC Robert [GARRIC Marie, Joseph, François, Robert] par André Caudron, version mise en ligne le 22 mai 2009, dernière modification le 2 juillet 2009.

Par André Caudron

ŒUVRE : Les Équipes sociales, en collaboration, 1924. — Belleville, scènes de la vie populaire, Grasset, 1928. — Albert de Mun, Flammarion, 1934. — Le message de Lyautey, SPES, s.d. (1935). — Introduction à Pascal, Pensées, Nimègue, 1949. — Un destin héroïque, Bernard de Lattre, Plon, 1952. — Lyautey le social, Cahiers Charles de Foucauld, 1954. — Introduction à Pierre Teilhard de Chardin, Lettres à Léontine Zanta (avec Henri de Lubac), Desclée de Brouwer, 1965.

SOURCES : Hommage à Robert Garric, Cité internationale de l’Université de Paris, 1967. — Robert Garric (1896-1967), Revue de la Haute Auvergne, 1968. — Catholicisme, IV, 1956 (Louis Chaigne). — Dictionnaire de biographie française, XV, 1980 (Henri Tribout de Morembert). — Dictionnaire des intellectuels français, Seuil, 1996, p. 525-526 (Pascal Bousseyroux). — Dictionnaire biographique des militants, L’Harmattan, 1996, p. 152-153 (Philippe Fritsch). — Dominique Auvergne, Regards catholiques sur le monde, Desclée de Brouwer, 1938. — Michel Manoll, Entretiens avec Robert Garric, Éditions de l’Épargne, 1970. — Bernard Comte, Une utopie combattante : l’école des cadres d’Uriage, Fayard, 1991. — Muriel Joineau, Les Équipes sociales de Robert Garric, mémoire de maîtrise, Université Paris X Nanterre, 1994. — « Robert Garric et son milieu intellectuel entre les deux guerres », Vie sociale, n° 6, 1997. — Michel Héluwaert, Pour l’éducation populaire, L’Harmattan, 2004. — Dominique Avon, « Robert Garric (1896-1967). Catholicisme social et “culture d’aînesse” », Mélanges à la mémoire de Michel Péronnet, I, Université de Montpellier, 2006.

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