HORTE René, Joseph

Par André Balent, Étienne Frénay

Né le 7 avril 1908 au Tech (Pyrénées-Orientales), mort le 1er juillet 1987 à Perpignan (Pyrénées-Orientales) ; instituteur des Pyrénées-Orientales ; militant du SNI ; résistant, agent du réseau « Sainte-Jeanne » puis chef d’un maquis indépendant dans le massif du Canigou.

René Horte était issu de familles du Conflent (Pyrénées-Orientales). Son père Antoine, Louis était originaire de Souanyas et sa mère, Espérance Mollergues, de Canaveilles. Son père et sa mère étaient, à sa naissance, respectivement âgés de trente-trois et vingt-sept ans. Son père, douanier au Tech, dans le Vallespir, à sa naissance, fut nommé à Port-Vendres (Pyrénées-Orientales) où René Horte passa son adolescence. Il fut reçu en juillet 1926 au concours de l’école normale d’instituteurs de Perpignan. Après deux ans d’études, il accomplit son service militaire du 14 novembre 1928 au 16 mars 1930. Il semblait alors peu attiré par le métier militaire et quitta l’armée simple soldat.

Il fut nommé pour son premier poste d’instituteur à Valmanya [alors « Velmanya »] (Pyrénées-Orientales), dans le massif du Canigou, sur le versant conflentais. Le 4 avril 1930, il épousa à Port-Vendres Eugénie Marie-Louise Rouen qui donna naissance à leur fils Jean-Claude, le 23 novembre 1933. Le 23 août 1939, il fut mobilisé, nommé rapidement caporal, sergent, sergent-chef (25 mars 1940). Le 20 juin 1940, il fut fait prisonnier mais s’évada. Il fut démobilisé à Perpignan le 26 mars 1941 et retrouva son poste d’instituteur et de secrétaire de mairie à Valmanya.

À l’époque de son retour, le lieutenant Abdon Casso, originaire du village était en train de créer une organisation de résistance, le réseau Sainte-Jeanne qui se proposait la collecte de renseignements, leur transmission à Londres, la fabrication de faux papiers, l’organisation de passages clandestins vers l’Espagne. « Sainte-Jeanne » était en fait un sous-réseau du réseau belge « Sabot » et « Darius ». Le lieutenant Casso recrute René Horte qui devient le sous-chef de l’organisation. Secrétaire de mairie, celui-ci fabriqua de faux papiers pour le compte du réseau, il permit aussi le retour à Valmanya d’un habitant du village, Aimé Mary qui était prisonnier et pour lequel il inventa un troisième enfant. À partir du 1er juillet 1941, l’organisation envoya en principe, chaque mois, un courrier à Barcelone ; le nombre sera fut porté à deux par mois à partir du 15 décembre 1942. Le 28 avril 1942, Sainte-Jeanne, en accord avec les services de renseignements belges, organisa un camp à Valmanya qui reçut des Belges avant leur départ pour l’Espagne. René Horte et son épouse cordonnaient ces activités auxquelles participaient des habitants de la commune. Le courrier était acheminé à travers la montagne jusqu’à Setcases (province de Gérone) où le maire (nommé par le gouverneur franquiste de Gérone, mais apparenté à des habitants de Valmanya liés au réseau d’Horte) le réceptionnait et l’acheminait jusqu’à Barcelone où il était pris en charge par les Services de renseignements belges.

Le 19 février 1943, des passeurs du réseau furent arrêtés à Prats-de-Mollo (Voir : Galsomias Michel, Pagès Jean, Puig Coma Pere) en Vallespir, sur le versant méridional du Canigou. Des dénonciations permirent aux services allemands d’identifier l’organisation et la Gestapo se présenta à l’école de Valmanya le 28 mai 1943. René Horte parvint à s’échapper mais Louise Horte fut arrêtée et déportée à Ravensbrück. Leur fils fut accueilli dans diverses familles puis campa dans une grotte avant d’être transféré en Lozère. Le 1er juin, René Horte fut suspendu par l’Inspection académique. Commença pour lui la vie clandestine. Autour de lui se constitua un petit maquis indépendant qui ne fut jamais affilié ni aux MUR, ni aux FTPF. Lui-même ne devint officiellement FFI qu’au lendemain de la Libération. Les actions audacieuses qu’il mena jusqu’à la Libération renouaient partiellement —bien que « rural », Horte n’ était pas d’origine paysanne— avec celles des « rebelles primitifs », archétype analysé par Éric Hobsbawm auquel se rattachait l’antique tradition catalane du « bandolerisme ».

Sans soutien extérieur, René Horte mena pendant plus d’un an une vie précaire, soutenu seulement par la solidarité des habitants, parcourant le massif du Canigou, se cachant quand il était épuisé dans une maison inoccupée de la commune de Los Masos, près de Prades, appartenant à la famille de sa mère. Il lui est arrivé de passer à plusieurs reprises en Espagne pour se mettre à l’abri à Setcases, village pyrénéen et frontalier qu’il connaissait bien depuis son action dans le réseau « Sainte-Jeanne ». Son premier fait d’armes eut lieu le 7 août 1943 dans la commune de Valmanya, au mas des Cabanats où il tira avec un colt sur deux douaniers allemands qui sont blessés. En association avec des habitants de Valmanya comme Léon Pacouil et Joseph Oliver, et de quatre à six Espagnols, pour beaucoup des Républicains de la Retirada de 1939 intégrés dans des GTE, il organisa la lutte armée dans la montagne. Le 13 août 1943, son groupe tua quatre Allemands au Pla Guillem à la limite entre les communes de Prats-de-Mollo, et de Casteil. Le 30 octobre 1943, nouvel affrontement dans la commune de Prats-de-Mollo, en haute montagne, près de la Collada Verda : six Allemands furent tués ou blessés. Le 22 novembre, près du Costabona, dans la commune de Prats-de-Mollo, ils tuèrent six douaniers allemands. À la fin du mois de mars 1944, ils mirent en fuite des Miliciens et tuèrent encore deux douaniers allemands. En juillet 1944, il entra en contact avec le maquis « Henri Barbusse » des FTP. Le 8 juillet, il conduisit ces maquisards commandés par Julien Panchot, vers la mine de fer désaffectée de la Pinosa dans la commune de Valmanya. Le 14 juillet, il attaqua, avec ses hommes, une voiture près de Rodès (Pyrénées-Orientales) ; trois officiers allemands sont tués. Le 12 août 1944, enfin, ils attaquèrent deux camions allemands aux Escatllars, dans la commune de Bouleternère, faisant un mort et un blessé. Considéré comme un redoutable « terroriste », René Horte fut condamné à mort par contumace.

Le 10 avril 1945 son épouse Louise revint de déportation. Le 19 août 1944, René Horte fut nommé au grade de capitaine FFI, reçut le commandement du bataillon de sécurité, fut démobilisé le 31 août 1945. Il participa, à ce titre, à la surveillance de la frontière pyrénéenne, sous tension à l’automne 1944 et au début de 1945, du fait de la présence massive de guérilleros espagnols désireux d’en découdre avec l’armée franquiste qui avait massé d’importants effectifs.

Il fut président du CLL de Valmanya et dut, à ce titre, faire en sorte que des dispositions fussent prises pour que le village détruit en août fût reconstruit et que, dans l’immédiat, les habitants fussent relogés dans l’urgence. En sa double qualité de FFI et de président d’un CLL, il intervint le 24 septembre 1944 pour que fût mis fin aux agissements du « maquis blanc » de Serdinya dont on soupçonnait l’ancien maire Pierre Melchior, ancien chef de centaine de la Milice, d’être l’animateur (la secone épouse de ce dernier était originaire de Valmanya). Une opération conjointe des FFI de Prades et de Latour-de-Carol et des guérilleros espagnols stationnés à Prades, Molitg et Vernet fut organisée à cet effet.

Le 28 septembre 1944, le CDL demanda sa réintégration dans le corps des instituteurs. Un arrêté rectoral du 18 septembre 1945 le nomma à Perpignan à l’école Jean-Jacques Rousseau où il fut instituteur jusqu’à sa retraite en 1961, retraite prématurée pour des raisons de santé. L’honorariat lui fut accordé le 11 décembre 1961.

Il milita, avant et après 1945, dans les rangs du SNI. En 1944, se constitua dans les Pyrénées-Orientales, un syndicat unique de l’enseignement affilié à la CGT et qui regroupait les enseignants des divers degrés. René Horte siégea jusqu’en 1946 au conseil syndical chargé de la direction départementale. Il était un des représentants du premier degré. Il garda le regret des épreuves dans lesquelles il avait entraîné son épouse et le souvenir des ennemis morts dans les embuscades qu’il avait montées avec son groupe. Il a toujours fui les honneurs. À la Libération, après avoir participé, en civil, au grand « défilé de la victoire » à Perpignan, le 27 août 1944, avec ceux de Valmanya – village martyr détruit dans l’assaut des 2 et 3 août 1944 par les Allemands et la Milice – s’apercevant de la veulerie et du cynisme de certains « libérateurs », il s’en alla, disant en catalan à ses compagnons : « Nins, aquí és pas més la nostra plaça » (« Mes enfants, nous ne sommes plus à notre place »).

Il fut nommé lieutenant de réserve le 5 octobre 1949, décoré de la Croix de guerre avec palme (1947), de la médaille de la Résistance (1947), de la palme d’or de la Couronne de Belgique et refusa la Légion d’honneur (qui fut attribuée à sa femme, chevalier de la Légion d’honneur pour son action d’agent P 2 du réseau Sainte-Jeanne).

En 1965, René Horte était secrétaire départemental adjoint de la FNRDIP des Pyrénées-Orientales (Voir : Picolo Albert).

Armand Lanoux, de l’académie Goncourt – qu’il ne voulut pas recevoir – s’est inspiré de son action résistante pour son roman Le berger des abeilles où l’on reconnaît René Horte dans l’instituteur Puig, le principal héros de cette œuvre de fiction.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article50342, notice HORTE René, Joseph par André Balent, Étienne Frénay, version mise en ligne le 27 mai 2009, dernière modification le 16 septembre 2018.

Par André Balent, Étienne Frénay

SOURCES : Arch. Dép. Pyrénées-Orientales, 2 M 262, listes électorales, Valmanya, 1939 ; R 619, registre matricule ; 31 W 32, frontière et Espagnols après la Libération, 1944-1946, divers rapports concernant le « maquis blanc » de Serdinya, 24 septembre-1er octobre 1944. — Arch. com. Le Tech, état civil. — Arch. privées André Balent, notes manuscrites rédigées à l’intention d’A. Balent par Michel Ribera, instituteur retraité, militant du SNI (1984). — Ramon Gual, Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la Résistance catalane, II a, Els Alemanys fa (pas massa) … temps, Prades, Terra Nostra, 1996, p. 197, 199, 215, 217-218. — Ramon Gual, Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la Résistance catalane, II b, De la Résistance à la Libération, Prades, Terra Nostra, 1998, p. 530, 545, 656, 717, 722-724, 762-763, 772, 776, 779, 813, 1049, 1059. — Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la résistance catalane, I, Chronologie des années noires, Prades, Terra Nostra, 1994, p. 322. ; « Le Canigou dans la Seconde Guerre mondiale », in Marie-Édith Brejon de Lavergnée, Jean-Pierre Bobo, Gérard Soutadé, Le Canigou, 1896-1996, actes du colloque de Perpignan (1996), Perpignan, Archives départementales, 1997, p,. 291-317 [p. 298-305]. — Georges Sentis, Les communistes et la Résistance dans les Pyrénées-Orientales. Biographies, Lille ; Marxisme / Régions, 1994, p. 54. — Bulletin de l’Enseignement primaire des Pyrénées-Orientales, Perpignan, décembre 1945, 1946, janvier 1962. —Entretien avec Jean-Claude Horte, par Étienne Frénay, Perpignan, 12 janvier 2009.

ICONOGRAPHIE : Ramon Gual, Jean Larrieu, op. cit., 1998, plusieurs clichés, en particulier p. 723

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