LEBEL Louis [LEBEL Alfred, Louis, Désiré]

Par Julien Cahon

Né le 15 août 1888 à Tincourt-Boucly (Somme), mort le 23 mai 1960 à Amiens (Somme) ; instituteur puis professeur d’Ecole normale ; militant socialiste SFIO, puis néosocialiste, puis socialiste SFIO, puis communiste dans la Somme ; secrétaire adjoint puis président de la fédération socialiste SFIO de la Somme (1923-1936), conseiller municipal socialiste d’Amiens (1925-1935), député USR (1932-1936). militant de la Ligue des droits de l’Homme ; président départemental et de la section d’Amiens de la Libre pensée (1953-1960), secrétaire départemental du Mouvement de la paix (1954-1960), vice-président départemental de l’ARAC (années 1950-1960).

Fils de Théodule lebel, employé aux contributions indirectes, et de Léoncine Quatrelivre, sans profession, Louis Lebel travailla avec acharnement pour pouvoir poursuivre ses études. Nommé instituteur à sa sortie de l’École normale d’instituteurs d’Amiens, il exerça dans des communes rurales de la Somme jusqu’en 1914. Il se maria à Amiens, le 9 avril 1912, avec Lucie Commont dont il divorça en 1927.

Mobilisé en 1914, il fut blessé au combat, décoré de la Croix de guerre en 1915, mais il revint de la guerre, pacifiste convaincu.

Nommé professeur à l’École normale d’Amiens en 1919, il y enseigna jusqu’en 1932 avant d’exercer de remarquables talents de pédagogue à l’École normale d’instituteurs d’Arras à partir de 1936.

Louis Lebel adhéra au Parti socialiste SFIO au lendemain de la scission de 1920, en 1922, et devint rapidement l’un des plus ardents propagandistes socialistes dans le département de la Somme. Il s’agissait d’une recrue de choix : outre ses qualités d’orateur, Lebel allait en effet marquer profondément l’orientation des jeunes instituteurs qu’il formait. Quelques mois après son adhésion, il siégeait déjà à la commission administrative de la fédération socialiste de la Somme et en devint bientôt le secrétaire adjoint ; il intégra également l’équipe de rédaction de l’hebdomadaire de la fédération, Le cri du peuple.

Socialiste libertaire, il fut un des pionniers de la Ligue des droits de l’Homme dans le département. Il en devint président en 1928, la vice-présidence étant assurée par Rodolphe Tonnelier, puis vice-président lors du congrès d’Amiens du 22 mars 1931 (la LDH de Somme fut alors présidé par Rodolphe Tonnelier). Pacifiste, il déclara être en accord total avec la croisade de la jeunesse pour la paix, lancée par Marc Sangnier. Louis Lebel et Rodolphe Tonnelier avaient axé leur campagne sur l’idéal laïc et républicain du candidat, des thèmes davantage républicains que socialistes qui, dans une circonscription rurale, cherchaient à rallier les radicaux-socialistes, notamment en vue du second tour. Cette conception les opposa vivement au secrétaire fédéral Alexis Mailly.

À nouveau candidat dans la troisième circonscription amiénoise en 1932, il l’emporta au second tour avec 8520 voix contre 7818 au député sortant. À la Chambre des députés, Louis Lebel fit partie de la commission de l’enseignement et des Beaux-arts, et de la commission des régions libérées. Au début des années 1930, les divergences entre Louis Lebel et Alexis Mailly s’accentuèrent. Violemment anticommuniste, Louis Lebel quitta le Parti socialiste SFIO en 1933 pour rejoindre le néo-socialisme incarné par le Parti socialiste de France de Déat et Renaudel. Il créa cette même année un hebdomadaire, Le socialiste picard, organe du PSDF pour la Somme, dont il fut le rédacteur principal jusqu’à la disparition du journal en 1936, après une brève existence. Battu aux élections municipales de 1935, il se présenta en tant que député sortant aux élections législatives de 1936, mais sous l’étiquette Union socialiste et républicaine. Il bénéficia du refus de Max Lejeune de se présenter face à lui, car il refusait d’attaquer personnellement les néo-socialistes de la Somme et de « combattre quelqu’un qu’[il] considérait comme un des [ses] initiateurs » (Max Lejeune, Le cri du peuple, 5 juin 1960), mais Louis Lebel fut battu. Arrivé en quatrième position seulement au premier tour avec 1959 voix, il se retira sans donner de consignes de votes en vue du second tour qui vit l’élection de François de Clermont-Tonnerre (Parti agraire) face au communiste Augustin Dujardin*.

Malgré son départ de la SFIO, il conserva jusqu’en 1936 la présidence de la section d’Amiens, ainsi que la vice-présidence de la Somme de la Ligue des droits de l’Homme. Il présida également la fédération départementale de la Libre pensée. De retour à l’enseignement à la fin des années 1930, il fut professeur à l’École normale d’Arras (Pas-de-Calais), puis au collège de Suresnes et au collège de Saint-Maur en région parisienne.

Malgré une position neutraliste à l’égard du régime du maréchal Pétain, Louis Lebel fut autorisé à réintégrer les rangs du Parti socialiste SFIO en 1947. Il fut chargé de mission au sein du cabinet de Max Lejeune secrétaire d’État au ministère de la Défense nationale, de 1950 à 1952.

Louis Lebel fit partie du comité provisoire du Cercle amiénois de la ligue de l’enseignement constitué en juin 1955, destiné à la défense de la laïcité, ainsi que président de la fédération de la Somme et de la section d’Amiens de la Libre pensée de 1953 (au moins) à 1960. Président départemental de la LDH en 1950, il en fut ensuite le vice-président de 1955 (au moins) à 1960, et le président de la section d’Amiens de 1958 (au moins) à 1960. Dans les années 1950, il mettait encore ses talents d’orateur au service de la SFIO : Louis Lebel animait des réunions à travers le département, « la pipe à la main, d’un ton posé, dans un langage châtié, en usant d’un vocabulaire précis, conduisant son raisonnement là où il voulait sans se laisser déporter par la passion, ni céder aux effets faciles » selon Max Lejeune (Le cri du peuple, 5 juin 1960), une activité qu’il dut interrompre en juin 1956, à cause de son état de santé selon Le cri du peuple (un rapport des RG de mars 1956 le disait aussi en « mauvaise santé »).

En 1957, en désaccord avec la SFIO, il fut averti, avec menaces de sanctions s’il ne changeait pas d’attitude. Responsable à la propagande au sein de la fédération SFIO de la Somme, dans les années 1950 (en 1956 et 1957 au moins), il fut considéré comme démissionnaire d’office de cette fonction par le 50e congrès fédéral administratif du 9 mars 1958 en raison de son activité constante en faveur d’organisations satellites du PCF. Lors du congrès fédéral du 23 mars 1952, Max Lejeune avait déjà reproché à des membres du parti leur adhésion à France-URSS, chose qu’il n’acceptait pas. Il ne semble pas que Louis Lebel fut membre de l’association France-URSS (Max Lejeune visait certainement Camille Goret*), mais dans les années 1950, Louis Lebel était vice-président départemental de l’ARAC.

Signataire en 1954 de l’ « appel à la population picarde » du Mouvement pour la paix « contre les accords de Londres », il fut invité d’honneur pour participer aux travaux du comité départemental du Mouvement en 1954. Louis Lebel entra à son secrétariat en juillet de la même année aux côtés de Roger Kiintz, et ce jusqu’à sa mort, en mai 1960. Secrétaire départemental du Mouvement de la paix (ou président ou vice-président selon les dénominations étant donné que Roger Kiintz en était le leader local), il anima notamment un meeting contre la CED en août 1954 à Amiens avec Robert Cerisier et Maurice Fécan. Il fut l’orateur du MP à de nombreuses réunions et délégué à la conférence mondiale du 22 mai 1955 à Helsinki.

Lebel quitta une seconde fois la SFIO, quelques années avant sa mort, pour adhérer au Parti communiste français dont sa seconde femme, épousée le 3 août 1957, Khina Humel, était une militante active. D’après Max Lejeune (Le cri du peuple, 5 juin 1960), Louis Lebel dont la « personnalité s’accommodait mal de la discipline du parti […] prêtant son nom au parrainage de formules extrêmes » mais avec « désintéressement », avait « le goût de travailler à ces rassemblements de la gauche ». Devenu « compagnon de route du PCF » selon un rapport des RG de juillet 1958, il était un des trois orateurs intervenant à l’occasion de l’anniversaire de la mort de Jean Catelas, en septembre 1958 et 1959, et il écrivait aussi dans Le travailleur de la Somme, hebdomadaire communiste local, notamment sur le thème de la laïcité.

Le 31 mai 1958, il participa et présida une réunion du comité d’union des gauches, de tendance nettement communiste, « pour un règlement pacifique du problème algérien » en présence de Robert Barrat (Témoignage chrétien), Claude Bourdet (France observateur), Jean Daniel (L’express), Jean Dresch (professeur à la Sorbonne, communiste) et Jean Guignebert (Libération). Candidat aux élections municipales à Amiens en mars 1959 sur la liste René Lamps, il totalisa au premier tour 19 000 voix (sur 43 947 exprimés), quatrième score de sa liste derrière René Lamps, Augustin Dujardin et Louis Falize. Entre les deux tours (le 12 mars), Louis Lebel monta à la tribune lors d’un meeting au cirque d’Amiens aux côtés de Jacques Duclos. Il recueillit 21 703 voix au second tour, soit le troisième score de sa liste derrière René Lamps et Louis Falize mais la liste communiste était battue. Secrétaire fédéral du Comité d’unité d’action des gauches (CUAG), créé à l’instigation de la Ligue des droits de l’Homme et du PCF après l’échec aux élections municipales d’Amiens d’avril 1959 au cours desquelles trois socialistes dissidents et deux « socialistes de gauche » (UGS) firent liste commune avec le PCF. Ce comité n’aurait « pas manifesté une très grande activité ni recueilli une audience importante » d’après un rapport des RG de la Somme de novembre 1959. Au sein de ce comité, les éléments communistes étaient de loin les plus nombreux. Louis Lebel intervint encore lors du congrès de l’UD-CGT de mai 1959 pour expliquer les intentions du CUAG. Contrairement au Comité de défense des libertés républicaines contre le fascisme, dont il était alors le vice-président, Louis Lebel postulait que le comité d’unité d’action des gauches ne faisait pas appel aux partis politiques et aux syndicats, mais aux « démocrates, à titre individuel » pour « défendre les libertés républicaines, les conquêtes sociales et la laïcité ».

Il fut inhumé au cimetière Saint-Acheul à Amiens.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article50352, notice LEBEL Louis [LEBEL Alfred, Louis, Désiré] par Julien Cahon, version mise en ligne le 27 mai 2009, dernière modification le 30 octobre 2021.

Par Julien Cahon

SOURCES : Arch. Nat., F7/13749, F7/13085. — Arch. Dép. Somme, 21W1, 326, 327, 390, 392, 1124W10, 99M41/1, 99M87, état civil. — La Tribune picarde, 1930-1940. — Le socialiste picard, 1933-1936. — Le Cri du peuple, 1945-1960. — Le Travailleur de la Somme, 1945-1960. — Notice DBMOF, par Yves Le Maner. — Note d’Alain Dalançon.

ICONOGRAPHIE : Photographie de Louis Lebel dans le numéro du 25 mai 1960 du Courrier picard.

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