GEMÄHLING Paul [écrit parfois GEMÄLHING]

Par André Caudron

Né le 24 août 1883 à Paris, mort le 12 novembre 1962 à Paris ; professeur agrégé de droit, économiste ; dirigeant du Sillon (1905-1910) ; président de la Ligue française pour le relèvement de la moralité publique, animateur de l’Union temporaire contre la prostitution réglementée.

D’origine alsacienne, Paul Gemähling (parfois orthographié Gemaehling ou Gemälhing) fréquenta les lycées Condorcet et Louis-le-Grand puis la faculté de droit de Paris. Ami de Marc Sangnier*, il devint vers 1905 l’un des dirigeants intellectuels du Sillon et l’un de ses principaux orateurs. Il écrivait des articles de politique étrangère dans L’Éveil démocratique et surtout dans la revue Le Sillon (1906-1909). Il anima avec Louis Rolland un groupe de jeunes juristes appartenant au mouvement, suivit les efforts accomplis à La Haye pour la création d’institutions internationales et prit part à une session de l’École de la paix. Collaborant à l’hebdomadaire Demain en 1907, il personnifiait la place du Sillon à l’intérieur du courant pacifiste naissant. « C’est bien travailler de la manière la plus pratique et la seule durable pour la paix que de rendre les âmes plus justes et plus fraternelles », disait-il dans Le Sillon (10 mai 1909).

La question syndicale attirait aussi Paul Gemähling. Il présenta un rapport au congrès syndical sillonniste des 15-16 décembre 1906, critiquant la CGT qui, délivrée de la tutelle des « politiciens socialistes » comme Jules Guesde, n’en était pas moins tombée, selon lui, « dans les mains de révolutionnaires libertaires et anarchisants ». Il prit la parole en avril 1909 à un meeting en faveur des ouvrières en confection, dans le cadre du VIIIe congrès national du Sillon. Le 10 juillet 1910, il menait une équipe de sillonnistes à l’inauguration d’œuvres sociales parisiennes, regroupées sous le nom de « Comité démocratique d’action sociale ».

Après sa thèse de doctorat, Réglementations syndicales et sous-concurrences ouvrières, soutenue en 1910, Paul Gemähling fut nommé professeur au collège libre des sciences sociales à Paris. Deux ans plus tard, il présenta une autre thèse, Actions syndicales en justice pour la défense des intérêts professionnels, pour le grade de docteur ès sciences juridiques, et partit ensuite, comme chargé de cours, à la faculté d’Alger.

Après la condamnation du Sillon en 1910, il resta en relation avec les catholiques sociaux, en particulier le juriste Paul Bureau dont il allait être le collaborateur à la ligue Pour la vie, fondée en 1913. Il entra dans le comité de rédaction de la revue La Nouvelle journée, lancée par son ami Paul Archambault, philosophe démocrate chrétien (1914). Paul Gemähling organisa une rencontre au Foyer coopératif, rue de Varenne à Paris, au cours de l’été 1919, afin de rechercher – en vain – un accord entre les promoteurs du journal L’Âme française et les amis de Marc Sangnier, réunis dans la Jeune République.

Agrégé des facultés de droit en 1919, Paul Gemähling reçut la chaire d’économie politique à la faculté de Strasbourg. Il participa, sous la direction du philosophe Maurice Blondel, à la réalisation d’un essai antimaurassien, Le procès de l’intelligence, qui fit quelque bruit à sa parution chez Bloud en 1922. À cette époque, il se spécialisa dans la démographie. Animateur du groupement Pro familia, il fonda la première école de service social – dont il fut le président – à Strasbourg.

Devenu président de la Ligue française pour le relèvement de la moralité publique, il entreprit un long combat auquel il associa des personnalités de diverses tendances au sein d’un Cartel d’action morale et sociale dont il avait aussi pris la tête. Celui-ci avait pour objectif premier la fermeture des maisons de tolérance. Dénonçant l’indifférence des pouvoirs publics devant le proxénétisme, Paul Gemähling joua un rôle prépondérant au sein de l’Union temporaire contre la prostitution réglementée et la traite des femmes, fondée en 1926 par Marcelle Legrand-Falco. Tous deux trouvèrent des alliés de choix chez Justin Godart*, Marc Sangnier et Maria Vérone*, pionnière du féminisme, avec lesquels ils tinrent une réunion publique le 6 février 1931 à Paris, salle des Sociétés savantes.

Professeur à la faculté de droit de Paris de 1943 à 1954, Paul Gemähling continua de publier de nombreux ouvrages au fil des évolutions survenues dans le domaine auquel il avait consacré sa compétence juridique et sa combativité. Il eut six enfants de son mariage avec Marguerite Regimbal, agrégée de l’Université, qui milita aussi au Sillon.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article50363, notice GEMÄHLING Paul [écrit parfois GEMÄLHING] par André Caudron, version mise en ligne le 28 mai 2009, dernière modification le 1er novembre 2016.

Par André Caudron

ŒUVRE : La femme ouvrière et la maternité, L’Action populaire, Reims, 1906. — Le travail des enfants dans l’industrie, Reims, 1907. — La concentration commerciale sans grands magasins, Paris, 1912. — Vers la vie. La décroissance de la natalité et l’avenir de la France, Bordeaux, 1913. — Intellectualisme et sociologie, Paris, « La Nouvelle Journée », 1920. — Trois politiques financières : Allemagne, Angleterre, France, Paris, 1920. — Le procès de l’intelligence, 1922. — Paul Bureau, 1924, en collaboration. — Les grands économistes. Textes et commentaires, Bordeaux-Paris, 1925. — L’immoralité, péril pour la race, Bordeaux, 1925. — Le régime de la prostitution à Strasbourg, les réformes qui s’imposent, Strasbourg, 1925. — Un dossier. Les maisons publiques, danger public. L’exemple de Strasbourg. Documents et témoignages, avec Henri Strohl, Strasbourg, 1925. — Statistiques choisies et annotées, Strasbourg-Paris, 1926. — La faillite d’un système. La réglementation de la prostitution jugée d’après les faits, Bordeaux, 1927. — La réglementation administrative de la prostitution jugée d’après les faits, Bordeaux-Paris, 1933. — Les maisons publiques, danger public, avec Daniel Parker, Paris, 1945. — Le proxénétisme en France, les scandales de la prostitution réglementée, Paris, 1946. — La fin d’un scandale. Les maisons publiques seront fermées, avec Daniel Parker, Paris, 1946. — Préface de Vers un nouveau régime des mœurs. La police féminine : son rôle dans la lutte contre le proxénétisme et la prostitution, de B. Rolland et H. Reybier, 1947. — La statistique des divorces en France, Paris, 1947. — Structures familiales comparées, Paris, 1953. — Une expérience sociale. Le pain du jour, boulangerie coopérative, Paris, s.d. — L’action en justice des associations en vue de la répression des outrages aux bonnes mœurs, Cahors, s. d. — Pourquoi et comment lutter contre la prostitution réglementée, Cahors, s.d.
Collaboration : Revue d’économie politique.

SOURCES : Qui êtes-vous ? Annuaire des contemporains, 1924. — Dictionnaire de biographie française, XV, 1981 (Henri Tribout de Morembert). — Henri Temerson, Biographies des principales personnalités françaises décédées au cours de l’année 1962, 1964. — Ernest Pezet, Chrétiens au service de la cité, Nouvelles Éditions latines, 1965. — Jeanne Caron, Le Sillon et la démocratie chrétienne, Plon, 1967. — David Daubioul, Les Cahiers de la Nouvelle journée, mémoire de maîtrise, Université de Lille III, 1990. — Séverine Dard, L’Union temporaire contre la prostitution réglementée et la traite des femmes, 1926-1946, mémoire de maîtrise, Université Paris I, 1992.

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