GESLIN Gisèle [épouse FRESIL]

Par Alain Prigent, François Prigent

Née le 22 novembre 1925 à Guingamp (Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor) et morte le 9 avril 2009 à Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor) ; ouvrière ; militante de la JOC ; responsable CGT à Chaffoteaux-et-Maury ; membre du bureau de l’UD CGT des Côtes-du-Nord (1950-1953) ; conseillère municipale PCF de Saint-Brieuc (1971-1977).

Cordonnier, son père s’occupait aussi de l’octroi tandis que sa mère ménagère mourut jeune sans pouvoir élever ses deux filles. Après avoir obtenu son certificat d’études, Gisèle Geslin travailla dès l’âge de 13 ans à Guingamp comme apprentie dans un atelier de couture chez Julienne. Cette entreprise de confection ferma ses portes en 1948, en raison du tarissement des marchés militaires.

Dans ce contexte, elle prit contact avec les structures de la JOC à Guingamp, animées par Jean Prual* (ouvrier des usines Tanvez, engagé au MRP avant d’être adjoint PCF à Saint-Brieuc) et l’Abbé Cottin* (futur prêtre ouvrier, dont l’influence se fit sentir sur cette génération de jocistes). Au sein de la JOC, la tradition et la pédagogie des enquêtes ouvrières déclenchèrent rapidement une prise de conscience des problèmes de la classe ouvrière, dont elle faisait l’expérience à Chaffoteaux-et-Maury à Saint-Brieuc.

En effet, à partir de 1948, Gisèle Geslin travaillait à la robinetterie de cette usine du Légué, spécialisée dans la production de matériel de chauffage domestique. Principale concentration ouvrière briochine, l’entreprise employait plus de 400 personnes, dont une forte proportion de main d’oeuvre féminine non-qualifiée.

Depuis le licenciement des délégués CGT, au terme des grèves de 1947, l’usine était dépourvue d’organisation syndicale. Mais les prises de parole devant l’entrée principale étaient fréquentes de la part des militants syndicaux venus des usines voisines, qui haranguaient les ouvriers allant à l’embauche.

En août 1949, le député communiste Marcel Hamon* écrivit dans l’hebdomadaire L’Aube Nouvelle une série d’articles sur l’usine du Légué, intitulée « Le bagne briochin ». Cette réalité sociale ne fut pas contredite par les RG qui adressèrent au préfet un rapport très documenté sur l’entreprise, indiquant que « le directeur, les chefs d’atelier, les contre maîtres traitaient les ouvriers comme des esclaves ». En septembre 1949, Gisèle Geslin accepta d’être déléguée suppléante lors des élections professionnelles, au contact de Michel Cadoret*, également passée par la matrice de la JOC, qui avait participé à la reconstitution difficile du syndicat CGT. Comme la totalité de la liste, elle fut élue le 12 octobre 1949, « au désespoir du patron de choc, M. De Boisseau, qui n’hésitait pas à user de la répression contre le monde du travail ».

Dans cette configuration de tensions sociales, une grève dure paralysa l’entreprise pendant trois semaines au début de l’année 1950. Très engagée dans ce conflit, Gisèle Geslin accéda au bureau de l’UD CGT lors du congrès fédéral du 4 juin 1950, marqué par ailleurs par le passage dans la clandestinité du secrétaire général Roger Ruelleu*, inculpé dans l’affaire des 12 canons de Saint-Brieuc. Les principaux responsables de la CGT comme de la fédération communiste des Côtes-du-Nord avaient été arrêtés le 11 mai 1950, après une manifestation en gare de Saint-Brieuc contre le passage d’un train en provenance de Brest, transportant des tourelles de canon à destination de Rochefort.

Le 21 janvier 1951, Gisèle Geslin se maria avec Paul Frésil*, catholique également, rencontré au sein même des espaces militants locaux de la JOC et de la CGT. Symbolique du décrochage de réseaux militants du bloc conservateur, ce type de trajectoire militante (JOC-CGT-PCF) est à mettre en perspective avec les filières militantes socialistes (JOC-CFDT-PSU-PS). L’endogamie militante et les engagements de couple étaient d’ailleurs une des caractéristiques de ce type de parcours militants féminins.

À l’instar de la répression qui toucha les autres responsables syndicaux, dont Michel Cadoret, Gisèle Geslin fut licenciée au motif officiel d’absence de rendement, lorsqu’elle voulut bénéficier de son congé de maternité. Si le tribunal des prud’hommes de Saint-Brieuc condamna la direction de l’entreprise, elle ne fut pas pour autant réintégrée. L’affaiblissement de la CGT se solda au final par la désagrégation de la représentation syndicale à Chaffotteaux-et-Maury, jusqu’aux années 1960 (émergence de réseaux CFTC autour de Michel Cadoret, qui concurrençaient fortement les nouvelles filières CGT).

Adhérente du PCF, Gisèle Frésil continua à militer au sein des milieux catholiques progressistes en compagnie de son mari et de Jean Prual notamment. Ainsi, elle signa, avec une part importante des militants chrétiens, qui confluèrent une décennie plus tard au PSU, une adresse à l’Evêque du diocèse de Saint-Brieuc le 4 mars 1954, condamnant la prise de position de la hiérarchie catholique à l’égard des prêtres-ouvriers. Le délitement de sa pratique religieuse était caractéristique de ces franges catholiques qui initiait un renouvellement profond des pratiques militantes.

En 1971, Gisèle Geslin, présentée par la section du PCF, fut élue à 46 ans conseillère municipale sur la liste d’union menée par Yves Le Foll* (député PSU en 1967 et 1973) à Saint-Brieuc. En 1977, le laboratoire briochin d’union des gauches allant des militants communistes aux chrétiens de gauche, autour d’un pivot socialiste se brisa devant l’opposition frontale entre le PCF et le PS, en concurrence pour le leadership à gauche. Cette situation contrastait avec les configurations des autres villes bretonnes, dans lesquelles l’union de la gauche s’imposait de façon nouvelle. Candidate à un second mandat, Gisèle Geslin ne fut pas réélue, comme l’ensemble de la liste PCF conduite par Edouard Quemper*, devancée au premier tour par la liste Le Foll, qui passa en bloc au second tour. Elle participa activement à la campagne des législatives de 1978, qui vit l’affrontement entre Edouard Quemper et Yves Dollo* pour la succession de Yves Le Foll, maire de Saint-Brieuc entre 1965 et 1983. Véritable troisième tour des municipales, ce scrutin porta le candidat communiste en tête au premier tour, avant de voir la victoire de la droite au second tour.

Éloignée du monde de la production, Gisèle Geslin abandonna progressivement ses responsabilités syndicales et son activité politique pour se consacrer à sa vie familiale, continuant néanmoins à animer la bibliothèque du comité d’entreprise EDF où travaillait son mari. À sa retraite en 1981, elle géra un camping à Trégastel sur la côte de granit rose.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article50387, notice GESLIN Gisèle [épouse FRESIL] par Alain Prigent, François Prigent , version mise en ligne le 29 mai 2009, dernière modification le 3 juin 2009.

Par Alain Prigent, François Prigent

SOURCES : Arch. Dép. des Côtes-d’Armor, 12 W 45, rapport des RG au préfet du 23 août 1949. — Arch. de l’Évêché de Saint-Brieuc. — Arch. de l’UD-CGT des Côtes d’Armor. — Arch. de la fédération PCF. — L’Aube nouvelle. — Ouest-Matin. — Une semaine dans les Côtes-du-Nord, supplément de l’Humanité Dimanche. — Témoignage cité in Ariel Nathan, Mémoires ouvrières à Saint-Brieuc, années 1950, CAC, 1981 (Arch. Dép. Côtes-d’Armor, 6bi49). — François Prigent, « Les femmes dans les milieux de gauche (syndicats et partis) dans les Côtes-du-Nord de la Libération aux années 1968 : prosopographie, réseaux, militances », in Sens Public, avril 2009, actes du colloque européen de Lyon (28-29 mars 2007), Les Femmes dans l’action militante, syndicale et revendicative de 1945 à nos jours. — Entretien avec Paul Frésil, janvier 2008.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
fiches auteur-e-s
Version imprimable