FALLAS René, Henri. Pseudonyme : MAGNIN René

Par Gilles Morin, Michel Blondan

Né le 27 février 1922 à Giraumont (Meurthe-et-Moselle), mort le 1er février 2019 ; professeur agrégé ; résistant (Lorraine, MLN), membre de l’Assemblée consultative provisoire (1944-1945) ; militant communiste puis socialiste ; syndicaliste de la FEN et du SNES ; secrétaire de la fédération du Nord du PSA, puis du PSU ; membre de la CAP du PSA (1959-1960), puis du comité politique national du PSU (1960-1962).

René Fallas en 1953
René Fallas en 1953
Communiqué par Jacques Baynac

Fils d’Henri, Ernest, Élysée Fallas, instituteur, et de Renée, Marie-Thérèse Thiebaud, institutrice, René Fallas naquit dans un milieu profondément républicain et laïque : son père était adhérent du Parti radical sans y militer pour autant. Élève au petit lycée Henri-Poincaré à Nancy (Meurthe-et-Moselle) à partir d’octobre 1927, René Fallas poursuivit ses études dans le même établissement secondaire où il passa les deux parties du baccalauréat en 1937 et 1938 avant d’intégrer la classe préparatoire de mathématiques spéciales.

La formation intellectuelle de René Fallas fut marquée par la littérature de gauche, notamment Sans famille, d’Hector Malot, Le Talon de fer, de Jack London, La Mère, de Gorki, L’Espoir, de Malraux et la presse de même tendance : il lisait L’Œuvre, L’École libératrice, La Patrie Humaine, La Lumière et souvent Le Populaire et l’Humanité. Il n’appartenait alors à aucune organisation, si ce n’est à une association sportive et à un petit groupe informel au lycée Poincaré favorable au Front populaire, à l’Espagne républicaine et antimunichois, groupe qui avait écrit une lettre collective à Léon Blum après son agression en 1936.

Elève au lycée Henri Poincaré depuis 1927, René Fallas entra au lycée Henri-IV à Poitiers en 1939 en mathématiques spéciales. Lors de la défaite, il fut évacué et arriva à la gare de Limoges le 17 juin 1940 où il entendit le discours du maréchal Pétain. Réfugié au collège de Saint-Yrieix, il quitta celui-ci le 2 août 1940 pour rejoindre la zone occupée mêlé à un convoi d’Alsaciens et muni d’une fausse adresse établie par un secrétaire de mairie du Haut-Rhin. René Fallas abandonna le convoi en gare de Belfort pour rentrer à Nancy. Inscrit à la Faculté des Sciences de cette ville, il fut admis au grade de licencié ès sciences le 14 juin 1941 et obtint un DES de sciences physiques en juin 1943 ainsi que plusieurs certificats d’études supérieures : en physique générale, mathématiques générales, mécanique rationnelle, physique appliquée, chimie générale.

L’étudiant René Fallas s’engagea dans la Résistance pendant l’hiver 1941-1942 aux côtés de Marcel Leroy. Ce dernier, instituteur public catholique, né à Nancy en 1904, syndiqué au SNI, membre de la Jeune République, ancien secrétaire du député du Front populaire Philippe Serre, était en contact avec divers noyaux de Nancéens ayant refusé l’Occupation et dont certains diffusaient La Lorraine libre, organe du Front National, avec l’emblème V à croix de Lorraine. Le destin de René Fallas était désormais scellé et soudé à celui de Marcel Leroy, le fondateur de Lorraine. Ce journal clandestin dont le premier numéro apparut en mai 1942, fut diffusé jusqu’en Franche-Comté septentrionale et dont le nom devint celui d’un mouvement de la Résistance intérieure d’importance régionale.

En novembre 1942, René Fallas et Marcel Leroy rencontrèrent à Nancy Jacques Lecompte-Boinet – fondateur de l’ONR (devenu Ceux de la Résistance) – qui leur parla d’opérations aériennes à venir. Cette perspective pouvait ouvrir Lorraine – mouvement de Résistance à vocation civile et politique jusque-là et sans contact direct avec Londres – à une activité militaire. En mars 1943, il y eut une rencontre à Paris avec Pierre Brossolette, arrivé secrètement en France avec Passy, le chef du BCRA de Londres, dans le cadre de la mission « Arquebuse-Brumaire » pour établir des relations durables avec l’ensemble des mouvements de zone-Nord.

Pour Lorraine, le virage fut réellement pris en mars et avril 1943, quand Michel Pichard, un officier de la France Libre parti de Londres pour devenir le chef du bloc Est du Bureau des opérations aériennes puis le coordinateur national, arriva à Nancy afin de rencontrer ceux dont on lui avait remis les coordonnées et qui devaient l’aider à implanter, en Lorraine et en Franche-Comté septentrionale, le BOA, service relevant du BCRA et organisateur, les nuits de pleine lune, des parachutages d’armes, d’explosifs, de fonds et de matériel au profit de la Résistance intérieure de la zone Nord. Le BOA avait été réé et supervisé par Jean Moulin dans le cadre de l’unification des mouvements de résistance. Michel Pichard obtint le consentement de René Fallas. Le BOA put s’appuyer sur Lorraine dont les membres constituèrent les premières équipes de réception, en recrutèrent de nouvelles et prospectèrent terrains, caches et abris.

Début mai 1943, de retour d’une mission en Suisse, René Fallas rencontra Jean Moulin, alias Max, qui connaissait Lorraine, le mouvement et le journal. Les premières équipes de réception et l’embryon d’organisation de ces parachutages reposaient, à Belfort, sur Henri Chaignot, Henri Dugois, Roger Glasson, Jean Sonet, et, à Vesoul, sur Marcel Dumont, Pierre Choffel, Louis Drouhin et Jean Parmentier, sans oublier les autres courageux « gens de la lune » dont beaucoup furent victimes de la répression féroce qui s’ensuivit. En Haute-Saône, dans le Territoire de Belfort et dans le Pays de Montbéliard, les rapports du BOA furent plus étroits avec Lorraine qu’avec l’OCM, CDLR ou bien encore Ceux de la Libération, ce qui marquait une originalité au regard du reste de la zone Nord.

Le 30 juin 1943, René Fallas, qui venait de soutenir son DES de physique, entra dans la clandestinité. Après l’arrestation de l’imprimeur de Lorraine, le 1er juillet 1943, celle de Marcel Leroy le 20 juillet et le premier parachutage le 17 août près de Belfort, il assuma la responsabilité du journal et du mouvement, comme il en avait reçu le mandat de Marcel Leroy dont il était l’adjoint. À Paris, début octobre, René Fallas sortit Lorraine, à Alfortville en novembre et décembre, à Paris en 1944. Bien connu sous le pseudonyme de Magnin, en référence au héros de L’Espoir d’André Malraux, il devint aussi Jacques Chevalier, Jean Lambert, Jean-Marie Colle, Lermuseaux.

En 1944, René Fallas se déplaça beaucoup (Paris, Dijon, Belfort, etc.), participa à la mise sur pied des FFI et entra en relation avec différentes autorités civiles et militaires de la région D (dont Dijon était la capitale). Durant l’été 1944, il prépara l’installation des Comités départementaux et locaux de la Libération. En D1, il travaillait avec Claude Monod, de l’état-major FFI, mais aussi avec Jean Bouhey et Jean Mairey, c’est-à-dire l’équipe du commissariat de la République de Bourgogne et Franche-Comté. Sur le plan militaire, René Fallas œuvrait avec Pierre Jolinon, alias Excellence ou capitaine Jouvenet, officier d’opérations et successeur de Michel Pichard. Lorraine étant membre fondateur du MLN avec les MUR et d’autres mouvements de la zone Nord en janvier 1944. René Fallas devint membre du comité directeur du MLN et, en avril 1944, délégué de celui-ci en Bourgogne/Franche-Comté.

Sorti de la clandestinité, René Fallas-Magnin siégea à l’Assemblée consultative à Paris (validé par celle-ci le 7 novembre 1944 et reconduit en juin 1945) au nom du MLN, tandis que d’autres membres de Lorraine s’impliquaient dans la vie des Comités départementaux ou locaux de la Libération. Il se vit attribuer la Médaille de la Résistance française, avec rosette. Les services accomplis dans la Résistance, tant à la tête du mouvement Lorraine que près l’état-major FFI du territoire de Belfort, valurent à René Fallas le grade homologué de capitaine FFI. En outre, par décret du 26 juin 1945, il put porter le grade de lieutenant de réserve d’infanterie.

Après la guerre, René Fallas fut enseignant au lycée Henri-Poincaré de Nancy (1947-1948), au lycée Kléber de Strasbourg (1948-1949), au collège H. Vogt de Commercy (1949-1951). Professeur agrégé de sciences physiques, il fut muté en 1951 au lycée Faidherbe de Lille où il resta jusqu’en 1987, pour y enseigner en classes préparatoires, et où il fut promu professeur de chaire supérieure, à compter du 1er janvier 1977.

Les engagements de René Fallas postérieurement à la guerre sont significatifs. Il appartint au Parti communiste français de 1945 à 1951, avant de militer à la Ligue des droits de l’Homme et dans diverses associations laïques. Syndiqué au SNES, il fut membre de la CA du Nord de la FEN et responsable du Club des Jacobins du Nord.

René Fallas fut initié à la franc-maçonnerie au sein de la loge L’évolution morale, O de Lille du GODF en 1956, puis il fréquenta la loge La Raison, O. de Paris, de 1960 à 1979, la Loge du Devoir et de la Raison, O. de Paris de 1979 à 1993. Il accéda aux Hauts grades, Chapitre Les Amis bienfaisants (18e), vallée de Paris, le 26 février 1980, conseil philosophique, les Amis Bienfaisants (30e) camp de Paris, le 10 avril 1986, et au Consistoire de l’Île-de-France (31e), le 5 septembre 1989. Il se vit attribuer l’honorariat à partir de 1993.

Durant la guerre d’Algérie, René Fallas fut candidat aux élections cantonales en avril 1958 à Lille-Sud. À l’automne 1959, secrétaire de la fédération du Nord de l’Union des forces démocratiques (UFD), après l’adhésion de Pierre Mendès France et des membres du Comité d’action démocratique, il adhéra au PSA avec ses amis Jacobins et devint secrétaire de la fédération PSA et membre de la dernière Commission administrative permanente du parti. À la veille du congrès de fusion avec l’UGS, René Fallas fut de ceux qui manifestèrent des réticences comme Daniel Mayer et Maurice Laval. La fusion dans le Nord fut très difficile, les débats portant sur la question de la laïcité. Ils se traduisaient par de violentes querelles avec Bernard Smagghe, militant de l’UGS, qui fit de lui un portrait sous forme de croquemitaine, symbole d’un laïcisme de tradition combiste. La direction du PSU dut envoyer deux membres du bureau national au congrès fédéral de juin et, à une voix de majorité, il fut désigné secrétaire de la fédération.

Membre du premier comité politique national du PSU en 1960, René Fallas ne fut pas reconduit au congrès de Clichy en mars 1961 où il avait été cosignataire d’un amendement sur la laïcité. Il s’était élevé durant la préparation du congrès contre la présence au PSU de militants chrétiens, écrivant à Yves Dechézelles en février 1961 : « Les membres du PSA pouvaient croire, mais ils ne s’affichaient pas. Ils n’affichaient pas. Ce qui est impossible, c’est la présence d’enseignants confessionnels, de gens qui mettent leurs enfants à l’école libre et de militants de l’Action catholique ouvrière. La lutte contre l’Église catholique n’est pas un problème idéologique, mais c’est une base nécessaire de notre parti ». Mis en minorité, il perdit de ce fait le contrôle de la fédération du Nord et il se consacra alors à la constitution d’une tendance au plan national.

René Fallas fut le premier non élu au CPN au congrès de 1961, mais Daniel Mayer, estimant que l’équilibre entre les anciennes appartenances du PSU n’était pas respecté, démissionna en sa faveur et il réintégra la direction nationale. Il manifesta de nouveau régulièrement ses craintes envers une l’influence cléricale sur le PSU, mais, selon Marc Heurgon, l’un de ses adversaires d’alors, il n’était guère écouté. René Fallas présenta une motion au congrès d’Alfortville de novembre 1961 qui ne fut même pas discutée. Lors du vote final, son texte compta 42 mandats sur 709 exprimés. Il présenta, de nouveau, un texte au conseil national de juillet 1962, avec Charles Lussy*, celui-ci compta 5,7 % des suffrages. Il se rapprocha des mendésistes, signa la lettre des 47 amis de l’ancien président du Conseil publiée dans Le Monde du 11 juillet 1962, puis anima la tendance D au congrès de 1963. René Fallas quitta le PSU après le congrès de 1963 et resta en relations avec Charles Lussy et l’avocat Claude Willard avec lesquels il publia le bulletin Pour une République démocratique, laïque et sociale.

Sur le plan syndical, René Fallas militait dans les rangs de la majorité autonome de la FEN et du SNES s’opposant résolument au progrès du courant Unité et Action. En janvier 1967, lors des premières élections de la CA académique du nouveau SNES, il constitua avec Le Borzec* une liste « Pour l’autonomie syndicale » contre la « Liste d’union pour la gestion du S3 », rassemblant les secrétaires du S3, militants Unité et Action (Cyprien Bocquet), Autonomes (Marie-Joseph Moeglin et Fernand Matton) et de l’École émancipée. Si la liste conduite par Fallas et Le Borzec n’obtint que 27,9 % des suffrages exprimés, en revanche, aux élections suivantes de mai-juin à la CA nationale, la liste Autonome conduite par Louis Astre obtint dans l’académie 39 % des suffrages, ce qui permit à René Fallas, dont le nom y était porté, d’être élu titulaire avec Matton.

Au congrès national du SNES de mars 1969, René Fallas se fit remarquer par son intervention sur la laïcité, précisant : « [Ce] ne peut être le socialisme, dont il existe plusieurs chapelles : c’est l’opposition à la religion d’État, au dogmatisme d’État, au parti unique. » Il fut réélu, en juin 1969, titulaire de la CA nationale parmi les 16 titulaires de la liste Unité Indépendance et Démocratie. Ce fut la dernière fois qu’il figura sur une liste UID.

René Fallas adhéra en 1977 à l’Association Nationale des Médaillés de la Résistance Française. Il fut membre du conseil d’administration de cette association dans la Région Nord-Pas-de-Calais en 1984 et fut vice-président de 1988 à 2007.

À partir de 1984, René Fallas entama des recherches sur la période 1940-1945. Il préfaça le livre de Gérard Chauvy, Aubrac, Lyon 1943, où, mettant en cause les témoignages contradictoires produits depuis la guerre, il écrivit alors : La Résistance « n’est pas un mythe », mais « les mythomanes de la résistance et leurs thuriféraire sont légion ».

René Fallas fut décoré de la Croix de chevalier de la Légion d’honneur, à Paris, le 22 juin 1987,
Il était franc-maçon, membre de la loge "Les Amis Bienfaisants", Grande loge de France, rite Écossais.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article50517, notice FALLAS René, Henri. Pseudonyme : MAGNIN René par Gilles Morin, Michel Blondan, version mise en ligne le 5 juin 2009, dernière modification le 15 juillet 2019.

Par Gilles Morin, Michel Blondan

René Fallas en 1953
René Fallas en 1953
Communiqué par Jacques Baynac

ŒUVRE : « Lorraine : Journal clandestin et Mouvement de résistance de la zone interdite. Lorraine en Franche-Comté », Souviens-toi, 1944-1994 : cinquantenaire de la Libération, Fédération des Amicales FFI du Doubs, Jura-Nord, Territoire de Belfort, 1994, p. 224-233. — « Lorraine, le BCRA et le BOA en 1943 », Bulletin des Amicales FFI, n° 21 (1995), p. 36-39.

SOURCES : Arch. nat. 72AJ 42, dossier Jean-Jacques Mayoux ; 72AJ 59, Lorraine, témoignage Henri Chaignot ; 72/AJ/60, témoignage Pascal Copeau ; 72AJ 72, dossier Résistance ; 72AJ 81, Volontaires de la liberté ; 72AJ 165, Meurthe-et-Moselle, Historique de Lorraine, par René Fallas, s.d., 18 p. dactyl. [2 versions, dont l’une est apostillée par C. Valton , 15.10.1949] ; 72AJ 949 ; F/1cII/205. — Service historique de la Défense, Bureau Résistance, 16P 215415. — Arch. Dép. Territoire de Belfort, 128 W2. — Arch. IRHSES, notes d’A. Dalançon. — Les Élections législatives1958, La Documentation française. — Tribune socialiste, 18 juin 1960. — Courrier du PSU, janvier 1961. — Grandhay Jean-Claude, La Haute-Saône dans la Deuxième Guerre mondiale, t. 1 : Les opérations aériennes, 1943-1944, Vesoul, ERTI, 1989. — François Marcot, Les voix de la Résistance : tracts et journaux clandestins francs-comtois, Besançon, Cêtre, 1989. — Pichard Michel, L’Espoir des ténèbres : parachutages sous l’Occupation, Histoire du BOA, Paris-Vesoul, ERTI, 1990. — Bernard Grelle, Naissance d¹une fédération PSU, le Nord 1955-1963, Syros, 1975. — Marc Heurgon, Histoire du PSU, t. 1, La Découverte, 1994. — Fichiers adhérents du PSU. — Correspondance de René Fallas avec les auteurs, 2007-2009. — Conseil philosophique "Les Amis des Bienfaisants", récit de l’itinéraire philosophique de René Fallas-Magnin jusqu’en septembre 1988, 12 p. — Dossier reprographié, Réné Fallas-Magnin, , Préliminaires et engagement "faire quelque chose" (août 1939 à mars 1943). Face aux Allemands (avril 1943 à novembre 1944), 71 p., janvier 2017, Éditions N.N.-Saulve, Impression Valplan (Il s’agit essentiellement de documents).

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