FROLOW Vladimir

Par Michel Pinault

Né le 20 août 1890 à Saint-Pétersbourg (Russie), mort le 3 août 1973 à Faverolles-sur-Cher (Loir-et-Cher) ; études à la Sorbonne et à l’Institut polytechnique de Pétrograd ; naturalisé français en 1928 ; ingénieur hydrologue puis chercheur scientifique en hydrologie à la faculté des sciences de Paris ; militant communiste à partir de 1934, résistant communiste (groupe de l’Université libre, Front national universitaire), syndicaliste. du SNERS et de la FEN-CGT.

Vladimir Frolow était le fils d’Alexandre M. Frolow (1870-1964) – lui-même fils d’un officier de la cavalerie de la garde impériale – ingénieur à Pétrograd, membre de l’Académie des sciences d’Ukraine, prix Lénine et prix Staline, et d’Emma Krause (1847-1942).

Ayant appris le français au contact de sa gouvernante, Vladimir Frolow vint en France avant 1914 pour y mener des études supérieures à la Sorbonne, mais retourna en Russie en raison de son mauvais état de santé (tuberculose). Il y obtint, après la guerre, son diplôme d’ingénieur des constructions civiles à l’Institut polytechnique de Pétrograd. Il se maria en 1917, dans cette ville, avec Anna Gretchakowsky (1891-1981), issue de la noblesse héréditaire, diplômée d’histoire de l’art. Ils eurent un fils, Nikita, né en 1922 à Pétrograd. Marié et père de famille, il revint seul en France, en 1923, pour y préparer une thèse de doctorat. Sa femme le rejoignit, puis ses deux frères : Serge et Anatole. Serge sortit premier de l’école d’agronomie coloniale de Nancy (Meurthe-et-Moselle) et fit ensuite une carrière de météorologue ; Anatole devint spécialiste d’art byzantin et professeur à la Sorbonne.

Vladimir Frolow commença une carrière d’ingénieur, comme chef du service d’études à la Compagnie cotonnière du Niger (1923-1929) et chef du service des études hydrauliques de Syrie (jusqu’en 1932). Le 29 mai 1934, il soutint sa thèse d’ingénieur docteur, préparée sous la direction du professeur Léon Lutaud (faculté des sciences de Paris).

À partir de 1932, il se consacra à la recherche scientifique. Il était attaché au Laboratoire de géographie physique et de géologie dynamique de la faculté des sciences de Paris du professeur Léon Lutaud, boursier de la Caisse nationale des Sciences (1937), chargé de recherches au CNRS (1939) et maître de recherches (1946). Dès 1932, il fut membre du comité national de l’Union de géodésie et de géophysique. En 1936, il devint secrétaire de la commission des eaux souterraines de l’Association internationale d’hydrologie, son vice-président de 1951 à 1954. En 1940, il créa la commission de la Seine et de son bassin dont il devint le secrétaire général. En 1948, il devint vice-président de l’Association internationale d’hydrologie et participa aux travaux de l’UNESCO sur la zone aride.

Après son retour de Syrie, il adhéra au Parti communiste (en 1934, selon le télégramme de Roland Leroy* adressé à sa mort à sa famille). Selon sa fille, Jeanne Laberrigue-Frolow, Vladimir Frolow était parti en Syrie « avec des idées profondément généreuses » ; il fut marqué par son séjour et en revint très révolté contre la colonisation telle qu’il l’avait découverte et avec une « nouvelle perception du monde » : athéisme, marxisme. Il participa alors au CVIA où il fréquentait Paul Rivet*, Frédéric Joliot*, ainsi qu’à l’Union des intellectuels français. Il était aussi proche de Marcel Prenant* qui travaillait, à la Sorbonne, dans le laboratoire voisin du sien, ainsi que d’Ernest Kahane* avec lequel il militait au groupe Jeune science (1936-1937).

Naturalisé avec son épouse, en 1928, il fut mobilisé en septembre 1939 dans le même régiment que Louis Aragon* : celui-ci dressa le portrait de Vladimir Frolow dans son roman, Les Communistes, sous les traits du météorologue Gréboff. Il fut ensuite affecté aux recherches intéressant la défense nationale. Le 11 juin 1940, il quitta Paris pour la Touraine. En septembre 1940, de retour à Paris, il reprit contact avec le PCF (André Voguet, René Le Gall, Marthe Blanc) et entra dans la résistance, dans le groupe de L’Université libre. En janvier 1941, aidé de Georges Dudach, il déménagea au 63 rue Claude-Bernard, quittant l’appartement du 6 square Albin-Cachot, coïncidence qui lui permit d’échapper de peu, avec sa famille, à la Gestapo.

Il resta à Paris pendant toute l’Occupation, militant dans les organisations du PCF et du Front national universitaire. Il était, en particulier, chargé de la direction d’un triangle (groupe de trois militants) comprenant Frédéric Joliot et Victor Henri. Parmi d’autres fugitifs accueillis à son domicile, rue Claude-Bernard, il hébergea, un mathématicien juif et sa femme, biologiste au laboratoire de Marcel Prenant, et organisa leur départ vers la Suisse. À l’été 1944, il participa aux combats de la Libération dans un maquis du Loir-et-Cher, au cours desquels son fils, Nikita, fut tué. Ce dernier, étudiant à Paris sous l’Occupation, était réfractaire au STO, FTP ; il mourut au maquis de Loches, le 20 août 1944 (médaille militaire avec palmes).

Après la guerre, Vladimir Frolow n’eut aucune responsabilité au sein de l’appareil communiste. Il participa aux travaux de la commission Langevin-Wallon. Il était actif à l’Association des travailleurs scientifiques, au SNESRS (FEN-CGT), à l’association France-URSS et à France-Tchécoslovaquie, dont il était co-président avec Jean Effel. Sa femme, Anne, adhéra en 1945 au PCF et enseigna le russe à l’Université nouvelle pendant une quinzaine d’années. En 1968, il écrivit et publia un long poème dédié à la mémoire de son fils Nikita, tombé sous les balles allemandes. Resté fidèle à ses engagements politiques jusqu’à la fin de sa vie, Vladimir Frolow s’interrogeait cependant : « Et si Kravchenko avait pourtant eu raison ? »

Sa fille, Jeanne Laberrigue-Frolow, née à Paris en 1925, est docteur ès sciences, directeur de recherches émérite au CNRS. Elle a été chercheur au laboratoire de chimie nucléaire de Frédéric Joliot, au Collège de France, puis à l’Institut de Physique nucléaire d’Orsay et à l’Université Pierre et Marie Curie (elle fit un séjour à l’Institut unifié de recherches nucléaires de Doubna – URSS – en 1958). Elle était membre du Parti communiste.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article50531, notice FROLOW Vladimir par Michel Pinault, version mise en ligne le 6 juin 2009, dernière modification le 17 octobre 2022.

Par Michel Pinault

ŒUVRE CHOISIE : « Le Niger moyen étude potamologique », thèse 1934, Annales de géographie, 1936, vol. 45, n° 254, p. 206-209. — « La mesure du mouvement de la mer », La Pensée, n° 2, 1939, p. 106-107. — Paulette Bachellerie, Nikita et Vladimir Frolow, Aimée Péreau et Jacques Valla, Quelques compléments à la météorologie de Paris, par le collectif de la rubrique météorologie, Paris, Gauthier-Villars, collection du Bassin de la Seine, 1945, 20 p. — L’Eau des continents et ses mécanismes. Paris, Éditeurs français réunis, 1951, 200 p. — « Les variations récentes du climat », La Pensée, septembre-octobre 1955. — Wladimir Frolow, Hommage à Nikita Frolow, maquis tué à l’ennemi, Honfleur, Pierre Jean Oswald, 1968, 34 p. (recueil poétique).

SOURCES : Papiers et souvenirs de Jeanne Laberrigue-Frolow, Archives privées. — Notice nécrologique (carrière scientifique) non signée, 2 p. — 58 récits de résistance universitaire, Paris, ACREN, 1948. — Entretiens avec Jeanne Laberrigue-Frolow (10 février 1992 et 28 janvier 2009).

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