PATINAUD Marius, Antoine

Par Jean Lorcin, Gérard Raffaëlli

Né le 11 novembre 1910 à Saint-Chamond (Loire), mort le 23 mars 1987 à Saint-Étienne ; ouvrier armurier ; secrétaire du Syndicat des métaux de Saint-Étienne (Loire) ; secrétaire régional du Parti communiste ; après la Libération, membre du Comité central du Parti communiste, député de la Loire, sous-secrétaire d’État au Travail.

Congrès du PCF en 1947, délégation de la Loire
Congrès du PCF en 1947, délégation de la Loire
Marius Patinaud derrière la mention "Loire".

Fils d’un père maçon, Antoine Patinaud, né en 1880, et d’une mère ménagère, Anne Caraud, née en 1882, devenus « fortement sympathisants » du Parti communiste, il fut élevé à l’école pratique de Saint-Chamond puis à l’École des Beaux-Arts de Saint-Étienne. Il commença à travailler comme ajusteur chez Chavannes-Brun puis chez Martin Gallet de 1925 à 1928. Il fut ensuite employé de 1928 à 1937 comme graveur sur armes à la Manufacture française d’armes et cycles de Saint-Étienne. Il était, après son service militaire, sergent de réserve. Il épousa une dactylo sympathisante communiste, fille d’un retraité de la Compagnie du gaz de Saint-Étienne.

Il adhéra au Parti communiste au début de 1936 (selon son autobiographie du 2 août 1938, mais en 1935 selon un questionnaire de 1949). Il révéla ses capacités de militant syndical et d’organisateur, à l’occasion de la grande grève qui paralysa la Manufacture Française d’Armes et Cycles pendant trois mois, du 3 août au 4 novembre 1937. Le conflit eut pour origine le refus du directeur Mimard de faire bénéficier les employés des bureaux et des magasins, soit 41,7 % du personnel, d’un contrat collectif spécial semblable à la convention collective des employés, techniciens et agents de maîtrise de la Métallurgie, ainsi que d’un réajustement immédiat des salaires. Mimard voulait en effet imposer à son personnel « spécial », surtout féminin, la convention collective du commerce de détail stéphanois qu’il n’avait même pas signée. Sous l’impulsion de Patinaud, l’occupation de l’usine fut décidée et il fut, avec Joseph Ramier, poursuivi pour « avoir empêché Mimard d’exécuter ses marchés passés avec l’État ». Il fut condamné à 3 mois de prison avec sursis et 100 francs d’amende le 23 août 1928. Il épousa Eugénie Charlotte Vente à Saint-Étienne, le 28 février 1935 ; le couple n’eut pas d’enfant.

Devant l’intransigeance patronale, Marius Patinaud, devenu secrétaire du comité de grève multiplia les articles dans l’hebdomadaire communiste, le Cri du peuple. Le 2 septembre 1937, il dénonça en Mimard un « vieillard (qui) semble prendre plaisir à créer la souffrance et la misère dans les foyers des travailleurs, [...] retarde de 50 ans et semble vivre dans la préhistoire ». Il réclama des pouvoirs publics « qu’ils prennent leurs responsabilités et nationalisent la Manufacture française ».

Dès lors, Patinaud, qui prit en charge l’organisation de l’occupation (aménagement d’un local rebaptisé « Sacco-et-Vanzetti ») devint pour le Parti communiste, auquel il avait adhéré en 1935, tout à la fois un symbole et un militant précieux. L’hebdomadaire du parti le décrivait ainsi le 16 septembre 1937 : « ...Jamais militant n’a autant mérité sa popularité. C’est un ouvrier de la meilleure qualité... toujours prêt à tout entendre, à tout comprendre avec une rare intelligence et une finesse qui déconcerte l’adversaire. »

Les locaux furent évacués le 20 septembre. Les grévistes se rassemblèrent désormais au Conservatoire, prêté par la mairie, puis, en raison de la rentrée scolaire, le 1er octobre, dans la salle « Sacco et vanzetti » de la Bourse du Travail de saint-Étienne, mais organisèrent le blocus de la Manufacture, où des piquets de grève furent installés. Les incidents se multiplièrent.

Après le mois d’octobre qui vit échouer une négociation à cause du refus de Mimard de reconnaître la grève en tant que telle, le mouvement s’effrita progressivement mais l’occupation se poursuivit. Un arbitrage aboutit au réembauchage prioritaire des grévistes, à une augmentation uniforme de 100 F (ils gagnaient en moyenne 250 à 350 F), à l’élaboration d’une convention collective. Le 4 novembre, les ouvriers décidèrent de reprendre le travail.

Par la suite, Patinaud dénonça la non-application des accords par Mimard ; mais désormais son rôle dépassait le cadre de la Manufacture. Ayant quitté son emploi le 3 août 1937, lors de « la grève Mimard » il devint membre à cette date du bureau régional de la Loire du PC et participa à la conférence nationale de Montreuil (22-23 janvier 1937) et au congrès d’Arles en décembre. Il devint, en 1938, secrétaire régional et rédacteur en chef du Cri du Peuple, journal de la région. Secrétaire du syndicat des métaux de Saint-Étienne, il devint, en juillet 1938, assesseur de l’Union des métaux de Loire et Haute-Loire puis secrétaire aux côtés de Joseph Ramier du Syndicat des métaux de Saint-Étienne. Il militait également aux Amis de l’URSS. Il intervint dans la presse communiste pour dénoncer les projets prêtés à Daladier d’établir « au moment où le chômage augmente, la semaine de 60 heures ». C’est dans le même esprit qu’il s’éleva en mars 1939 contre les pleins pouvoirs accordés à Daladier. Il avait conduit également le mouvement de protestation contre la répression à l’égard des grévistes du 30 novembre 1938. A la suite de cette répression, avouait-il en mai 1939, 3 000 membres de la CGT avaient démissionné.

Mais l’attitude à l’égard de la guerre, puis le Pacte germano-soviétique divisèrent le mouvement syndical. Début août 1939, Marius Patinaud demanda dans un article du Cri du peuple l’interdiction des journaux prohitlériens et antisémites et que soient protégées les croyances et les races. Il était alors secrétaire régional du PCF. Le 12 août 1939, il écrivit au maire de Saint-Étienne pour protester contre l’organisation des élections à la bourse du travail où les syndicats contrôlés par les communistes n’avaient pu voter. Il réclama donc au nom des vingt et un syndicats concernés la création d’une commission municipale de contrôle pour vérifier les effectifs des syndicats, les comptes de la bourse du travail et faire procéder à de nouvelles élections.

Cette intervention n’eut pas de suite et Patinaud, à qui Gabriel Roucaute (voir ce nom), mobilisé, avait transmis ses fonctions de secrétaire régional, ainsi que six autres dirigeants communistes du département, membres de l’UD-CGT dissoute, qui avaient organisé, le 22 octobre 1939, une réunion sans autorisation préalable dans les locaux de l’Amicale laïque de la Baraillère à Saint-Jean-Bonnefonds (Loire), fut arrêté, en application du décret sur la propagande communiste, le 22 octobre 1939 ou le 28 — selon certains témoignages, les gendarmes se seraient contentés de dresser procès-verbal le 22, l’arrestation n’ayant eu lieu qu’un peu plus tard : Marius Patinaud aurait utilisé ce répit pour transmettre le secrétariat fédéral à Paul Fouillouse, mais la délégation lyonnaise ne tint pas compte de cette nomination. Il fut condamné le 10 mai 1940 par le Tribunal Militaire à cinq ans de prison et 500 francs d’amende pour « propagation de mots d’ordre émanant de la 3e Internationale communiste » et « tentative de reconstitution » de parti dissous ». Emprisonné à Saint-Étienne puis à Clermont-Ferrand, de là à la maison d’arrêt à la Centrale de Riom puis à Mauzac, il fut transféré après trois tentatives d’évasion à la prison militaire de Bergerac où il était responsable des 86 communistes détenus dans cette ville. Condamné à mort, il réussit à s’évader la veille de son exécution, en juillet 1944, avec ses codétenus grâce à un coup de main du bataillon FTP de la Dordogne. Il éduqua alors les jeunes FTP du 4e Bataillon et participa pendant 15 heures, le 6 août, à Virolles, à un combat au cours duquel il risqua plusieurs fois la mort. Son frère Léon, né en 1905, mourut le 20 octobre 1943 à Saint-Chamond et Francis (Francisque), né en 1914, mourut le 11 septembre 1982 à Saint-Chamond. Tous deux furent prisonniers en Allemagne.
Sa sœur, Marcelle, fut résistante dans le groupe Buckmaster .

À la Libération, Marius Patinaud fut élu conseiller municipal, adjoint au maire de Saint-Étienne – il avait dans ses attributions les Pompes funèbres.

Marius Patinaud participa, avec la CGT, à la bataille de la production pour vaincre le fascisme hitlérien _ « le geste le plus révolutionnaire de l’heure est de produire », rappelait-il au congrès du Comité central _ non seulement dans son secteur, l’armurerie, à la Manufacture d’Armes de Saint-Étienne (MAS), mais aussi dans les mines où, le 4 mars 1945, aux côtés de Billoux, Marius Patinaud lançait un « appel à l’effort et à l’union ». Il réclamait en échange l’épuration des cadres « vichyssois », suspects de « sabotage » (Marius Patinaud, « Epurer et produire », Le Cri du Peuple, 9 octobre 1944), et une nationalisation plus authentique que dans le Nord, où la nationalisation « est une véritable prime à la trahison des trusts houillers », lançait-il au congrès national du PC en juin 1945.

Cet effort commun de ceux des patrons qui étaient restés « patriotes », des techniciens et des ouvriers appelait une union, voire une « fusion » (Marius Patinaud, « Union dans l’action », Le Cri du Peuple, 12 janvier 1945) des deux grands partis de gauche, le Parti communiste et le Parti socialiste, représentés respectivement par Marius Patinaud et Claudius Buard pour le PC, Jean Robert pour le PS. Aux yeux des communistes, la première application devait en être la présentation d’une liste unique, sur la base du programme minimum du CNR, aux prochaines élections municipales et cantonales, comme en 1935. Le PS ayant demandé de reporter la constitution d’une liste commune au deuxième tour des élections municipales de mai 1945, cette union allait éclater entre les deux tours : en effet, le PS, par « anticommunisme », prétendait Patinaud (Marius Patinaud, « Mort à l’anticommunisme », Le Cri du Peuple, 18 mai 1945), a préféré faire alliance avec des forces qualifiées de « réactionnaires », voire de « pétainistes » par Patinaud et les autres communistes, dont le MRP, avec lequel il n’était pas question pour le PC de pactiser. En effet, ce dernier faisait prévaloir la défense de l’école laïque, menacée, disait Patinaud, par le maintien des subventions aux écoles libres mises en place par Vichy. Il ne renonçait pas pour autant à la politique de la « main tendue » que préconisait Maurice Thorez en 1936, comme en témoignait la présence de représentants de la Jeune République sur la liste commune présentée par le PC (Marius Patinaud, « Réaction et main tendue », Le Cri du Peuple, 16 mai 1945).

Le résultat ne s’est pas fait attendre : au lieu du communiste Buard, maire adjoint depuis la Libération, dont la liste était arrivée en tête au premier tour, ce fut le Docteur Muller, du MLN, qui devait être élu maire par une majorité hétéroclite réunissant les socialistes, le MRP et la droite. Patinaud, réélu conseiller municipal (mai 1945-octobre 1947), se rangea désormais, avec les autres élus communistes, dans l’opposition.

En janvier 1945, le Parti communiste le proposa au comité départemental de Libération de la Loire, chargé de répartir les sièges laissés vacants par l’épuration de conseillers généraux compromis avec le régime de Vichy, pour le canton de Saint-Étienne Nord-Est. Au 1er tour des élections cantonales du 23 septembre 1945 dans le même canton, son principal adversaire était le candidat socialiste SFIO Aimé Malécot, présenté par l’Union Démocratique et Sociale de la Résistance (UDSR), qui bénéficiait de l’appui du MRP, les deux autres candidats, Étienne Montélimard, candidat indépendant de la Démocratie, et Georges Veyez, candidat du Comité stéphanois de Défense des Intérêts communaux, présentés sous des étiquettes « banales et vaguement réactionnaires », étant inconnus de la masse de la population, de sorte que les adversaires des communistes soupçonnaient Marius Patinaud d’avoir suscité ces candidatures fantaisistes dans le seul but d’empêcher Aimé Malécot d’être élu au premier tour. De fait, Patinaud, devança de peu, dans un canton réputé être « un fief communiste » (« Nos commentaires », L’Espoir, 24 septembre 1945), son principal adversaire, avec 8 471 voix contre 7 986 sur 18 208 suffrages exprimés, les deux autres candidats recueillant respectivement 1 268 et 482 voix. Le maintien au deuxième tour de Montélimard, en faveur de qui se désistait Veyez et qui se révéla être un membre du Front National, donc un “sympathisant communiste », semblait, aux yeux de ses adversaires, devoir favoriser l’élection de Patinaud en prolongeant la confusion (« Farce ou imposture ? », L’Espoir, 29 septembre 1945). En revanche, aux yeux du candidat communiste arrivé en tête au premier tour, le maintien au deuxième tour de son adversaire Malécot, en dépit des appels intéressés de Patinaud à la discipline républicaine, supposait que le candidat socialiste comptait être élu avec le seul appoint des voix, qualifiées de « réactionnaires » (Marius Patinaud, « Vers de nouveaux succès », Le Cri du Peuple, 1er octobre 1945), du MRP, comme aux récentes élections municipales. De fait, Malécot l’emporta sur Patinaud par 11 217 voix contre 9 369, Montélimard ne recueillant que 702 suffrages. Marius Patinaud ne se représenta pas en 1949, face au RPF Michel Durafour : il laissa Louis Ollier (voir ce nom), réputé plus « dur » (L’Espoir, 15 mars 1949) que lui, le soin de représenter, au risque de se faire battre, le PC dans cette circonscription devenue difficile.

Il fut élu député de la Loire le 21 octobre 1945. A cette élection, la Résistance n’était déjà plus qu’un argument supplémentaire : les anciens partis politiques retrouvaient leur attrait d’avant-guerre. Les communistes se séparèrent des MURF qui ne réunirent qu’un nombre infime de voix. La liste MRP de Georges Bidault, ministre des Affaires Etrangères, qui obtint 126 938 voix, devançait partout celle de Marius Patinaud, dont l’influence était moindre que celle de Buard : elle ne recueillit que 86 605 voix, sur 372 911 inscrits, soit 23%.
A l’élection législative du 2 juin 1946, le PC maintint ses positions d’octobre 1945. Marius Patinaud, qui avait axé sa campagne sur la renaissance du pétainisme, en la personne d’Antoine Pinay, ancien conseiller national de Vichy, fut réélu avec 85 294 voix : seul le MRP Georges Bidault le précédait avec 101 881 voix, contre 44 598 voix à Antoine Pinay qui devançait les candidats du RGR, Eugène Claudius-Petit, et de la SFIO.

Marius Patinaud conserva ses voix et maintint ses positions à l’élection législative du 10 novembre 1946 où la liste communiste qu’il présidait obtint 85 143 voix sur 287 320 suffrages exprimés, 292 092 votants et 382 053 inscrits, contre 85 292 le 2 juin 1946 et 88 900 en 1945. A Saint-Chamond, Patinaud ne parvint pas à modifier l’image d’avant-guerre d’Antoine Pinay dont l’attitude pendant la guerre était jugée irréprochable par la population, en dépit des efforts des communistes.

A l’élection législative du 17 juin 1951, la liste communiste se maintint mieux que dans l’ensemble du pays, avec 23 % des voix, bien que le PC fût déclaré « en perte d’influence dans la Loire » (Arch. Dép. Loire, 2 W 98. Préfet Loire, Saint-Étienne, 4 janvier 1951) comme dans l’ensemble de la France. En dépit des apparentements, Marius Patinaud fut réélu avec 81 784 voix contre 92 776 à Antoine Pinay et 90 547 à Georges Bidault. Les communistes avaient bénéficié du maintien hors apparentement d’une liste RPF dirigée par Jean Nocher. En dépit de ce succès relatif, Patinaud se vit reprocher un recul de 3 671 voix sur le scrutin de 1946 et la non réélection du candidat communiste Albert Masson, de Roanne, qui a fait perdre un siège au PC dans la Loire.

Il apporta son soutien à la candidature d’Albert Masson lors de l’élection partielle du 18 mai 1952, après le suicide de la députée communiste Denise Bastide, mais manifestait quelque mauvaise humeur devant le peu d’empressement des militants communistes aux réunions et l’abstention de nombre d’électeurs, peut-être abusés, dit-il, par le « bluff » de la « baisse » Pinay, au premier tour, autant de signes, en réalité, du « malaise » du Parti à cette date (Arch. Dép. Loire, 2 W 95. RG, Saint-Étienne, 8 mai 1952).

Après le départ du général de Gaulle, le 20 janvier 1946, il fut nommé sous-secrétaire d’Etat au Travail et à la Sécurité Sociale,dans le ministère Gouin du 26 janvier au 24 juin 1946, puis sous-secrétaire d’Etat au Travail dans le ministère Bidault du 24 juin au 16 décembre 1946. Ambroise Croizat, son ministre de tutelle, le chargea particulièrement de la Sécurité Sociale ».

Dans le parti, dont il avait suivi en 1944 l’école centrale, il fut nommé secrétaire régional de la Loire, à la place de Roucaute qui partit à Alès et alla siéger au Comité central, et membre suppléant en 1945 puis titulaire en 1949 du Comité Central. Il fut responsable de la section centrale d’organisation, adjoint de Léon Mauvais. A ce titre, il assistait au bureau politique et était classé, en mars 1948, 20e dans la hiérarchie du parti.

En 1947, à la suite de la fondation du RPF, Marius Patinaud se déchaîna contre le général de Gaulle, « factieux dont le dessein est d’instaurer la dictature et d’établir une politique de trique contre le travail » (Le Patriote, 2 mai 1947). La victoire du RPF aux élections municipales a renforcé la tension à l’automne de 1947. Marius Patinaud refusa brutalement, à l’occasion de la célébration du 11 Novembre, de prendre part à une cérémonie organisée par des « fascistes », ce qui lui valut une réponse cinglante du maire Alexandre de Fraissinette, qui avait passé par Buchenwald et Mauthausen : « Vous me reprochez de vous avoir invité à une manifestation officielle conformément aux règles élémentaires de la correction. Si je ne l’eus fait, vous m’auriez injurié de ne pas l’avoir fait. Si je le fais, vous m’injuriez de l’avoir fait. L’injure est votre seule arme. Vous outragez mes amis, les traitez d’Hitlériens. Permettez, Hitler m’a nourri, logé et … battu dix-huit mois durant. Que me reprochez-vous ? »son secours » ? Regrettez-vous qu’il ne m’ait donné la mort ? Bon débarras !!! diriez-vous. » (L’Espoir, 12 novembre 1947).

Au cours de la manifestation qui a marqué à Saint-Étienne la grève de novembre 1947, le 29 novembre, on vit le député Marius Patinaud, ceint de son écharpe parlementaire aux côtés des autres élus communistes, franchir, en tête du cortège qui se rendait à la préfecture où une délégation devait être reçue par le Préfet, les premiers barrages policiers avant que les forces de police, encerclées, ne lancent des grenades lacrymogènes. Pour Marius Patinaud, « la manifestation puissante se déroulait dans le calme et dans l’ordre le plus parfait, lorsque les gardes mobiles ont provoqué les manifestants et les ont attaqués à la grenade et aux bombes lacrymogènes. Ils pensaient sans doute que les travailleurs de la Loire qui se sont courageusement battus contre les Boches pouvaient avoir peur de quelques centaines de gardes mobiles et être effrayés par des bombes lacrymogènes. Les travailleurs de Saint-Étienne ont corrigé comme ils se devaient les provocateurs ! » (Journal Officiel, 29 novembre 1947, p. 5 385). Leurs adversaires estimaient en revanche que la provocation était dans l’autre camp.

A la suite d’un attentat contre le siège du PC qui a suivi la manifestation du 29 novembre, Marius Patinaud, tout en stigmatisant une « provocation » qu’il attribuait aux « bandes fascistes du R.P.F. », appela les communistes au « calme » et fit luire l’espoir d’une reprise du travail à l’issue d’une « grève générale » qui, disait-il, n’avait jamais été « politique » et ne s’était pas terminée par un échec, comme le prétendaient ses adversaires.

L’année suivante, c’est dans les mêmes termes qu’après avoir assisté aux obsèques du mineur Barbier, décédé au cours de l’attaque du Puits Cambefort, à Firminy, par les mineurs en grève le 22 octobre 1948, le député de la Loire s’adressait à la Fédération communiste de ce département : la grève des mineurs, disait-il, ne s’est pas terminée par « un échec total », bien que la « solidarité » n’ait pas « joué au maximum » : « Acculés à la misère, les mineurs ont été contraints de reprendre le travail après plusieurs semaines de grève » (Arch. Dép. Loire, 85 W 204. RG, Saint-Étienne, 4 décembre 1948).
En 1949, Marius Patinaud s’inquiétait, voire s’indignait du peu d’assiduité des militants aux réunions du Parti alors que la campagne des partisans de la Paix battait son plein.

Inquiet de voir le PC perdre des sièges aux élections cantonales, il les invitait par ailleurs à faire preuve de « moins de rigidité » doctrinale auprès des militants socialistes (Arch. Dép. Loire, 85 W 160. RG, Roanne (Loire), 16 avril 1949).

À partir de février 1953, à la suite de désaccords avec Lecœur, il devait tomber en disgrâce. On lui reprocha tout à la fois sa tiédeur vis-à-vis du Pacte germano-soviétique, son attitude à Riom dont il n’est cependant pas fait mention dans sa réponse au questionnaire de 1949, de sorte qu’on pouvait lui reprocher d’avoir « pris des libertés avec la vérité », rappelait Théo Vial-Massat (Salah Chabane-Chaouche, La vie politique à Saint-Étienne (1951-1958) à travers les élections, MM, Saint-Étienne, 1989, p. 35) et la conduite des actions locales entre 1947 et 1953.

Charles Fiterman évoque cet épisode dans Profession de foi : « Dans l’année qui suivi mon adhésion au Parti communiste, une crise secoua la fédération. L’homme qui la dirigeait, Marius Patinaud, était un "leader charismatique", cumulant la fonction de secrétaire départemental avec une responsabilité nationale auprès de la direction du parti, la présidence de l’agence de presse communiste (l’UFI) et un mandat de député. Un homme d’envergure, vénéré par les membres du parti malgré un style autoritaire caractéristique de l’époque. Il fut dénoncé par un camarade, arrêté avec lui en 1940, comme ayant signé l’allégeance à Pétain à la suite du procès de Riom [il y a confusion entre le procès des dirigeants de la IIIe République, à Rioms, pour lequel des responsables communistes demandèrent à être cités comme témoins à charge, et le procès de Patinaud de ses amis]. Il l’avait fait pour entrer dans Résistance une fois libéré. Mais il avait omis de le signaler dans sa « bio ». en 1945 et avait organisé ensuite le silence. Il fut démis de toutes ses fonctions et ramené à la base, ce qui provoqua un débat d’une rare intensité dans la fédération. La ferveur aveugle et inconditionnelle avec laquelle une bonne partie des communistes le soutinrent me surprit. »

Auguste Lecœur le rendit responsable de la diminution des effectifs de la Fédération de la Loire. On a pu aussi lui reprocher d’avoir soutenu André Marty, qui venait fréquemment dans la région roannaise. Il fut progressivement déchargé de toutes ses responsabilités, au risque d’affaiblir l’audience du PCF à Saint-Étienne. Ecarté du bureau fédéral, il n’avait plus aucune responsabilité dans le comité fédéral et, par la suite, aurait perdu la place qu’il occupait à l’UFI, agence d’information communiste. Pendant la campagne des élections municipales, il n’intervint pour ainsi dire pas. Il ne prenait plus la parole, et n’écrivait plus dans le quotidien régional du parti Le Patriote. Il fut enfin écarté du Comité central du parti en 1954. Cet effacement a pesé sur l’élection législative du 2 janvier 1956 où le PC n’a réuni que 76 805 suffrages dans la Loire, contre 82 508 en 1951, soit un recul de 6,9%.

Retiré de la vie politique depuis 1954, Marius Patinaud dirigea à Saint-Étienne un atelier de confection.

Marius a eu un enfant, Hervé, né 1946 et décédé dans un accident en 1984, dans le Rallye du Forez auquel il participait.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article50579, notice PATINAUD Marius, Antoine par Jean Lorcin, Gérard Raffaëlli, version mise en ligne le 7 juin 2009, dernière modification le 29 juillet 2019.

Par Jean Lorcin, Gérard Raffaëlli

Congrès du PCF en 1947, délégation de la Loire
Congrès du PCF en 1947, délégation de la Loire
Marius Patinaud derrière la mention "Loire".

ŒUVRE : Nombreux articles dans Le Cri du Peuple, dont « Pour en sortir : Nationalisation de la Manufacture Française d’Armes et Cycles de Saint-Étienne » (2 septembre 1937), « Où en sommes-nous chez Mimard ? » (3 février 1938), « Après le vote des pleins pouvoirs : 60 heures par semaine ? » (23 mars 1939), « Ils se démasquent un peu plus chaque jour : Mauvaise foi patronale : De « l’honnêteté » de certains » » (13 avril 1939), « Epurer pour reconstruire » (5 octobre 1944), « Les trusts contre la France : Une preuve de trahison » (9 octobre 1944), « Liste unique ! » (18 octobre 1944), « Il faut le dire » (20 octobre 1944), « Produire ! Produire ! » (24 octobre 1944), « Justice pour eux » (28-29 octobre 1944), « Sous la pression des trusts : Voudrait-on liquider la Résistance » (3 novembre 1944), « Bilan de scandales » (4-5 novembre 1944), « Avec tous ! » (9 novembre 1944), « Et les petits retraités ? » (11-12 novembre 1944), « Les responsables ! » (18-19 novembre 1944), « Pas d’ordre sans justice » (20 novembre 1944), « Les fauteurs de vie chère » (21 novembre 1944), « De mieux en mieux » (22 novembre 1944), « C.F.V.E. : 7.000.000 pour 1944, 16.000.000 pour 1945 : Mais c’est de déficit ! » (23 novembre 1944), « 1945 ? Année de la Victoire ! » (30-31 décembre 1944 et 1er janvier 1945), « Honneur aux délégués soviétiques » (11 janvier 1945), « Pour en sortir » (13-14 janvier 1945), « A chacun ses responsabilités » (19 janvier 1945), « La ruée » (23 janvier 1945), « Au Comité Central du P.C.F. : « Unir ! Combattre ! Travailler ! » proclame Maurice Thorez » (25 janvier 1945), « La presse patriote en péril ! » (26 janvier 1945), « Ravitaillement » (6 février 1945), « Tout simplement » (10-11 février 1945), « Coup mortel ! » (15 février 1945), « Pas ça ! » (1er mars 1945), « Laïcité et union » (9 mars 1945), « Vichy pas mort ! » (22 mars 1945), « Guerre et salaires ! » (26 mars 1945), « Apprentis sorciers » (28 mars 1945), « La paix scolaire » (31 mars-1er et 2 avril 1945), « Mort au pétainisme ! » (3 avril 1945), « Le nouvel attentisme » (4 avril 1945), « Pétain ne ferait pas mieux » (5 avril 1945), « Carence intéressée ! » (6 avril 1945), « Pain cher » (9 avril 1945), « Pain cher et salaires » (10 avril 1945), « Quelques vérités ! » (11 avril 1945), « Les élections ! » (13 avril 1945), « Femmes bravo ! » (1er mai 1945), « Pour écraser les trusts et le fascisme ! » (3 mai 1945), « Pas d’équivoque » (8 mai 1945), « Et maintenant ? » et « Contre la réaction ! » (9 mai 1945), « A Saint-Étienne la liste commune républicaine gagne 7.000 voix sur le premier tour » (14 mai 1945), « Les élus de la réaction » (15 mai 1945), « Réaction et main tendue » (16 mai 1945), « Unité républicaine » (17 mai 1945), « Mort à l’anticommunisme » (18 mai 1945), « Provocations à la grève » (1er juin 1945), « Le scandale Jean Nocher » (4 et 6 juin 1945), « La vérité sur « Les Geôles de la liberté » » (13 juin 1945), « Renaissance ! » (16-17 juin 1945), « Marius Patinaud a exalté l’effort de production des travailleurs des villes et des champs de notre Région, face aux hommes des trusts, saboteurs de la Renaissance française, par le Travail et la Démocratie » (30 juin-1er juillet 1945), « Discipline républicaine » (25 septembre 1945), « Vers de nouveaux succès » (1er octobre 1945), « Eux et nous » (22 mai 1946), « Leur peur » (23 mai 1946), « Les promesses et les actes » (24 mai 1946), « Le plan de la réaction » (25 mai 1946), « Les chiens aboient … » (28 mai 1946), « Frapper les trafiquants » (29 mai 1946), « L’esprit de Goebbels » (31 mai 1946), « Sortir du provisoire » (9 octobre 1946), « Le nouveau Soubise » (10 octobre 1946), « La bataille du « Oui » » (11 octobre 1946), « S’abstenir c’est trahir ! » (12 octobre 1946), « La France a voté oui » (14 octobre 1946), « Le vrai scandale » (30 octobre 1946), « Les otages » (7 novembre 1946), « Gauche contre Droite » (8 novembre 1946), « Votez républicain ! » (9 novembre 1946), et dans Le Patriote, dont « Les candidats de la paix » (12 mars 1949), « Contre le Pacte atlantique, votez pour la paix » (19 mars 1949), « Pour la paix et l’indépendance du pays » (26 mars 1949), « Les Fuyards » » (31 mars 1951), « Il faut changer de politique … » (7 octobre 1949).

SOURCES : Arch. Dép. Loire, 4 M 588 ; 2 W 18, 2 W 34, 2 W 8O, 2 W 82, 2 W 85, 2 W 96-99, 2 W 108, 2 W 124 ; 85 W 50, 94, 103, 133, 160, 198, 200, 204, 206 ; 97 VT 48 ; 199 VT 46 ; 354 VT 1-2 ; 633 VT 19. — Notes prises par Maurice Moissonnier sur le journal de grève d’un membre de la direction de la MFAC (1937), Henri Coron. — Journal Officiel, 29 novembre 1947. — Bulletin municipal de la Ville de Saint-Étienne, 24 août 1944, 18 mai 1945. – Articles cités. — La Tribune, 1936-1939. — Le Cri du peuple, 1937-1939, 30 septembre-1er octobre 1944 (« Marius Patinaud est de retour parmi nous »), 9 novembre 1944 (« Epurer et produire, déclare M. Patinaud »), 24 novembre 1944, 10 janvier 1945,12 janvier 1945, 5-6 mai 1945, 19-21 mai 1945, 29 mai 1945, 2 juillet 1945, 7-8 juillet 1945 (« Marius Patinaud vient d’être élu membre du Comité Central du P.C.F. »), 11 octobre 1946, 8 novembre 1946 (« Marius Patinaud »), 9 novembre 1946 (« Marius Patinaud et Buard font applaudir le programme de notre Parti »). – Le Cri de la Loire, 29 mars 1951. — La République du Soir, 25 aoüt 1944. – Le Patriote, 29 septembre 1945, 18 février 1946, 19 mars 1946, 30 mai 1946 (« Une magnifique réunion de M. Marius Patinaud »), 11 octobre 1946 (« M. Patinaud invite les Stéphanois à voter « Oui » »), 9 novembre 1946 (« Une belle réunion de Patinaud »), 2 mai 1947, 1er décembre 1947, 9 décembre 1947,7 février 1949, 19 mars 1949, 6 mai 1949, 13 juin 1949 (« » On veut réinstaurer les méthodes hitlériennes », démontre M. Patinaud »), 7 octobre 1949, 7 avril 1950, 14 avril 1950, 31 mars 1951, 11 juin 1951, 17 avril 1952, 22 avril 1952, 2 mai 1952,. – Le Patriote du Soir, 29 septembre 1945. – L’Espoir, 24 septembre 1945, 29 septembre 1945, 24 octobre 1945, 2 novembre 1946, 12 novembre 1947, 1er décembre 1947, 9 décembre 1947 (« On aura tout vu : Patinaud prêche le calme et la reprise du travail »), 15 mars 1949, 14 juin 1951, 19 juin 1951. – L’Echo du Sud-Est, 1er décembre 1947. — La Dépêche, 7 novembre 1946, 9 novembre 1946 (« Collusion entre MM. Patinaud-Petit-Pinay »), 1er et 9 décembre 1947, 7 octobre 1949, 10 décembre 1949, 16 décembre 1955. — Le Monde, 23 juillet 1953 (« M. Patinaud député communiste de la Loire est « mis en sommeil » »), 12 janvier 1954 (« M. Patinaud écarté du bureau fédéral communiste de la Loire »). — Berceau de Paris, 27 janvier 1946. — Papiers Thévenon. – Paul Marabuto, Les partis politiques et les mouvements sociaux sous la IVe République : historique, organisation, doctrine, actualité,Paris : Sirey, 1947, VIII - 507 p.. — Annie Kriegel, Les communistes français : essai d’ethnographie politique, Paris, Seuil, « Politique », 1968, 320 p. – Pétrus Faure, La Terreur rouge, Saint-Étienne, Imprimerie Dumas, 1975, 166 pages. — Jean Merley et Monique Luirard, « Les Grèves de 1947 à Saint-Étienne », in : Histoire, économie, sociétés. Journées d’études en l’honneur de Pierre Léon (6-7 mai 1977), Presses Universitaires de Lyon, 1978, pp. 151-186. — Monique Luirard, La Région stéphanoise dans la guerre et dans la paix (1936-1951), Centre d’Études foréziennes/Centre Interdisciplinaire d’Etudes et de Recherches sur les Structures régionales, 1980, V-1 024 pages. — Sylvie Guillaume, Antoine Pinay ou la confiance en politique, Presses de la Fondation nationale des Sciences politiques, 1984, 231 pages. — Hervé Blettery, Le mouvement ouvrier dans la Loire sous la 4e République. Pluralisme syndical et unité d’action dans la région stéphanoise (1944-1948), Mémoire de Maîtrise, Saint-Étienne (Dir. M. Luirard), 1985 (Arch. Dép. 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Sanguedolce, Parti pris pour la vie : l’aventure des hommes, préface de Louis Viannet, Paris, VO éd., « Horizon syndical », 1993, 24 cm., 279 p. — Philippe Buton, Les lendemains qui déchantent : le Parti communiste français à la Libération, Paris : Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1993, 352 p. — René Gentgen, La Résistance civile dans la Loire : de sa naissance à la Libération, préface de Lucien Neuwirth, Lyon, Éditions Lyonnaises d’Art et d’Histoire, 1996, 24 cm., 206 pages. — « L’emprisonnement et l’acquittement des « 18 de Roanne » », Cahiers d’histoire de l’Institut CGT d’Histoire Sociale de la Loire Benoît Frachon, n° 1 _ Juillet 2000. — RGASPI, Moscou, autobiographie du 2 août 1938 ; questionnaire de 1949 ; document sur son attitude en 1939-1944 (consulté par Claude Pennetier). — Charles Fiterman, Profession de foi, Seuil, 2005, p. 41-43. – Notes de Claude Pennetier et de Jean-Michel Steiner. — Notes de sa nièce, Monique Mollanger.

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