GAILLOT Albert

Par Didier Bigorgne

Né le 15 février 1913 à Notre-Dame-de-Lourdes (Canada), mort le 5 janvier 1997 à Charleville-Mézières (Ardennes) ; médecin ; résistant et militant socialiste ; maire de Vireux-Molhain (Ardennes) de 1968 à 1989, conseiller général (1958-1964, 1976-1982).

Fils d’immigrés français, un père médecin-agriculteur et une mère sans profession, Albert Gaillot fit ses études primaires, puis secondaires à Notre-Dame-de-Lourdes, dans la province du Manitoba. Il reçut une éducation anglaise, mais il apprit la langue française avec ses parents aux idées très conservatrices. Benjamin d’une famille de quatre enfants, Albert Gaillot fut fort influencé par son frère aîné qui militait dans un mouvement anarchiste canadien et qui s’était engagé dans un mouvement de lutte contre la ségrégation raciale.

Envoyé en France, à l’âge de dix-huit ans, Albert Gaillot fut confié à un abbé pour passer le baccalauréat et préparer une école militaire. Il obtint son diplôme le 30 octobre 1933 à Paris, mais il poursuivit des études de médecine à partir de 1934, d’abord à la faculté de Tours, puis en qualité d’interne dans les hôpitaux de la Seine et de la Seine-et-Oise. Ayant désobéi à son père, Albert Gaillot fut alors livré à lui-même. Il finança ses études en exécutant des petits métiers comme ouvreur de cinéma et gardien de nuit. Pendant toutes ces années, il découvrit l’antisémitisme, le Front populaire et les réfugiés de la guerre d’Espagne.

Le 3 octobre 1939, Albert Gaillot présentait avec succès sa thèse de médecine. Six jours plus tard, il était appelé au peloton de l’École des officiers de réserve d’Angers. Il fut ensuite incorporé au 22e CIM de Paris d’où il sortit, avec le grade de sous-lieutenant, le 1er février 1940. Le 11 avril suivant, Albert Gaillot fut affecté, en qualité de médecin, à la 1re division d’infanterie coloniale et servit au 4e bataillon de tirailleurs sénégalais qui combattit les Allemands dans la région de Stonne (Ardennes). Le 19 juin 1940, il fut fait prisonnier à Ceintrey (Meurthe-et-Moselle), puis interné au camp de Niederbronn (Bas-Rhin). Libéré le 25 octobre de la même année, il fut rapatrié comme sanitaire pour exercer sa profession de médecin à Chinon (Indre-et-Loire). Albert Gaillot s’engagea alors dans la Résistance : il fit partie du maquis d’Épernon rattaché à l’Organisation de résistance de l’armée (ORA) du 1er janvier 1943 au 27 juillet 1944. Le maquis ayant été transformé en 32e brigade Charles Martel le 26 août 1944, puis en 32e régiment d’infanterie le 15 octobre suivant, Albert Gaillot participa, avec le grade de médecin capitaine FFI, à la libération de la région, en particulier de la ville de Saint-Nazaire. Démobilisé le 21 août 1945, il regagna Chinon. En octobre 1946, il s’installait, en qualité de médecin généraliste, à Vireux-Molhain (Ardennes).

Albert Gaillot adhéra au Parti socialiste SFIO en 1955. Membre de la commission exécutive de la Fédération des Ardennes depuis 1956, il représenta son parti aux élections des 19 et 26 avril 1958 pour le conseil général dans le canton de Givet. Avec 1 473 voix sur 7 226 inscrits et 5 334 votants au premier tour, il arriva en deuxième position derrière le candidat communiste André Mouricou*. Or celui-ci, qui venait d’obtenir sa mutation d’instituteur pour la France d’Outre-mer se retira au second tour, ce qui permit à Albert Gaillot d’être élu conseiller général en rassemblant 2 788 suffrages sur 5 367 votants. Affichant publiquement des désaccords avec le Parti socialiste SFIO, il ne se représenta pas aux élections cantonales des 8 et 15 mars 1964. Conseiller municipal de Vireux-Molhain à partir du 8 mars 1959, puis deuxième adjoint au maire Henri Pecqueur, Albert Gaillot devint maire le 17 octobre 1968, fonction qu’il exerça jusqu’à sa retraite politique en 1989. Entre temps, il avait été le suppléant du député socialiste André Lebon de 1967 à 1978. Il était aussi redevenu conseiller général du canton de Givet le 14 mars 1976 : placé en tête au premier tour avec 2 485 voix sur 9 401 inscrits et 6 044 votants, il l’emporta au scrutin de ballottage en réunissant 4 234 suffrages sur 6 045 votants.

Albert Gaillot était un homme de convictions qui prenait volontiers des distances avec son parti. Ainsi, il se retrouva aux côtés de militants ardennais du Parti communiste et du PSU lors de la journée nationale du 28 juin 1960 pour la paix en Algérie. L’année suivante, il alla plus loin en prenant congé du Parti socialiste SFIO pour marquer sa différence avec la politique menée en Algérie. Il fit aussi partie des personnalités qui appelèrent à voter pour les candidats présentés par la CGT à l’occasion des élections du 13 décembre 1962 pour la caisse primaire de Sécurité sociale. Enfin, confronté à la fermeture de l’usine sidérurgique de la Chiers (900 salariés) à partir du 12 juin 1982 dans sa commune de Vireux-Molhain, Albert Gaillot ne ménagea pas ses critiques contre le gouvernement de gauche de l’époque, surtout contre le Parti socialiste qui le menaça d’exclusion. Il entraîna alors son conseil municipal à la démission. Redevenu maire de Vireux-Molhain, Albert Gaillot reçut des mains du commissaire de la République des Ardennes, à la mi-décembre 1983, la Croix de chevalier dans l’ordre national du Mérite ; lors de la cérémonie, il associa à sa distinction « les gens de la Chiers qui doutent de leur avenir et ont le sentiment que cette usine est la leur ». Dans le même temps, il prit une position très nette en faveur de la construction voisine de la nouvelle centrale nucléaire de Chooz qui débuta en juillet 1982.

Marié à trois reprises et père de cinq enfants (deux garçons et trois filles), Albert Gaillot fut incinéré le 9 janvier 1997 dans l’intimité familiale. Il était titulaire de la Croix de guerre 1939-1945 et de la Croix du combattant volontaire, officier dans l’ordre national du Mérite, titulaire de la médaille d’honneur départementale et communale, administrateur honoraire de l’institut Godinot de Reims (Marne) et président d’honneur du district de Chooz. Depuis le 5 septembre 2003, la salle de réunion du Centre d’innovations et de services des entreprises à Vireux-Molhain porte le nom d’Albert Gaillot.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article50581, notice GAILLOT Albert par Didier Bigorgne, version mise en ligne le 7 juin 2009, dernière modification le 2 juillet 2009.

Par Didier Bigorgne

SOURCES : Arch. Dép. Ardennes, 3 M 7, 8 et 9. — Le Réveil ardennais, 1956-1976. — L’Ardenne syndicale, n° 17, décembre 1962. — L’Union, 13 décembre 1983. — L’Ardennais, 10 janvier1997 et 9 septembre 2003. — Presse locale. — Renseignements communiqués par Xavier Gaillot, fils de l’intéressé.

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