FONTANOT Spartaco [dit Paul]

Par Antonio Bechelloni, Jean-Pierre Besse, Daniel Grason

Né le 17 janvier 1922 à Monfalcone (Gorizia, Italie), fusillé le 21 février 1944 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; tourneur sur métaux ; militant communiste ; résistant FTP-MOI ; un des condamnés du procès dit de l’Affiche rouge.

Bochure d’Antonio Bechelloni consacrée aux Trois Fontanot
Bochure d’Antonio Bechelloni consacrée aux Trois Fontanot
Photo de Spartaco en haut.

Fils de Jacques et de Lucie, née Furdo, immigrés italiens antifascistes, il arriva en France avec ses parents à l’âge de deux ans, dans le département du Nord, puis à Nanterre où il rejoignit ses cousins Nerone et Jacques 22 rue des Basses-Groues (rue des Trois-Fontanot) à Nanterre (Seine, Hauts-de-Seine). Après l’école élémentaire, il suivit les cours du collège technique de Puteaux et obtint son CAP. Il aurait aimé poursuivre des études, devenir ingénieur, mais les moyens de la famille ne le permettaient pas. Il entra comme tourneur à la Maison Bellanger, 19 rue du Mans à Courbevoie. Il se syndiqua à la CGT et il était sympathisant communiste. Il s’inscrivit aux cours du soir et du dimanche matin à l’École des arts et métiers à Paris.
En mars 1943, son père et sa soeur furent arrêtés ; recherché il quitta le domicile paternel. Il craignait également d’être requis pour aller travailler en Italie. Il rencontra un responsable des Jeunesses communistes qui lui conseilla d’entrer dans les FTP et lui présenta Arthur (Eugène Martinelli). Celui-ci lui indiqua son pseudonyme, Paul, matricule 10166. Le 1er avril 1943 il entra dans la clandestinité, devint FTP permanent, prit le nom de Lantier, héros du roman Germinal d’Émile Zola, habita 40 boulevard de Belfort à Montreuil-sous-Bois (Seine, Seine-Saint-Denis). Il fut présenté par Arthur à Secondo (Alfredo Terragni), responsable politique du 3e détachement composé d’Italiens. Il fit connaissance avec Robin (Rino Della-Negra), Michel (Ernato Paganini), Marc (Georges Cloarec), Léon (Roger Rouxel), Louis (Henri Karayan), Marcel (Leo Kneler), Tommy (Thomas Elek), René (Robert Witchitz) et Colette (Tuba Klesczelski), agent de liaison.
Il participa avec le 3e détachement à un jet de grenades le 4 mai 1943 dans les bureaux du Fascio à Paris. En juin 1943, il fut affecté à l’équipe spéciale chargée des actions contre l’occupant qui se constituait alors avec Marcel Rajman, Léo Kneler et Raymond Kojitski. Dans certaines actions, Spartaco Fontanot apportait les armes. Le 10 juillet 1943, il était dans l’équipe qui jeta des explosifs à la Feldkommandantur de Choisy-le-Roi (Seine, Val-de-Marne). Il participa le 28 juillet à l’attentat qui devait viser le général Von Schaumburg, commandant du Grand Paris, mais qui n’atteignit pas sa cible. L’engin explosa peu après le passage de la voiture de son successeur. Le 20 août, l’équipe spéciale tua un capitaine allemand au Kremlin-Bicêtre (Seine, Val-de-Marne). Il devait aussi, le 29 septembre 1943, participer à l’attentat contre Julius Ritter, responsable du STO, mais fut remplacé au dernier moment par Léo Kneler. Il participa à l’action du 20 octobre. Vers 19 h 10 un FTP jeta une grenade contre la vitrine d’un restaurant occupé par les Allemands au 62 rue Caumartin (IXe arr.). Le combattant se perdit dans la foule, empêchant les gardiens de la paix de faction de riposter.
Des inspecteurs de la BS2 l’arrêtèrent le 13 novembre 1943 à Montreuil-sous-Bois dans son domicile clandestin. Les policiers saisirent dans le logement un pistolet automatique, des documents et des tracts. Interrogé dans les locaux des Brigades spéciales à la préfecture de police, il fut battu, torturé. Livré aux Allemands, incarcéré à la prison de Fresnes, Spartaco Fontanot fut l’un des vingt-quatre accusés qui comparurent le 18 février 1944 devant le tribunal du Gross Paris qui siégeait rue Boissy-d’Anglas (VIIIe arr.). La presse collaborationniste, dont Le Matin, s’en fit l’écho : « Le tribunal militaire allemand juge 24 terroristes ayant commis 37 attentats et 14 déraillements. Un Arménien, Missak Manouchian, dirigeait cette tourbe internationale qui assassinait et détruisait pour 2 300 francs par mois. »
Condamné à mort à l’issue d’un procès expéditif, il fut passé par les armes le 21 février 1944 au Mont-Valérien à 15 h 24 avec vingt et un de ses camarades. Des amis habitant rue du Mont-Valérien rapportèrent à ses parents que les condamnés transportés en camion chantaient la Marseillaise.
Son nom figure sur « l’Affiche rouge » éditée par les Allemands : « Fontanot, communiste italien, 12 attentats. » Son inhumation eut lieu dans le carré des corps restitués aux familles dans le cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne).
Dès 1945, le conseil municipal de Nanterre donna à la rue des Basses-Groues le nom des Trois-Fontanot en hommage à Spartaco, Jacques et Nerone. Il fut décoré de la croix Vermeil et de la Médaille de la Résistance à titre posthume. Le nom de Spartaco Fontanot figure sur les plaques commémoratives dédiées au groupe Manouchian au 19 rue au Maire à Paris (IIIe arr.), à Marseille, près de la gare d’Évry-Petit-Bourg (Essonne) où furent arrêtés Missak Manouchian et Joseph Epstein (colonel Gilles) et au Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis) ainsi que sur la cloche commémorative du Mont-Valérien et le monument aux morts de Nanterre.

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Dernière lettre
 
Le 21 février 1944
Mon cher papa,
Ma chère maman, Ma chère sœur,
Dans quelques minutes je serai parti rejoindre Nérené (son cousin Guisco Spartaco, René) , car aujourd’hui à quinze heures aura lieu mon exécution.
Mon cher -papa, je vais mourir, mais il ne faut pas que le chagrin vous abatte, toi et ma chère maman ; il faut que vous soyez forts, aussi forts que je suis en ce moment.
Ma mort n’est pas un cas extraordinaire, il faut qu’elle n’étonne personne et que personne ne me plaigne, car il en meurt tellement sur les fronts et dans les bombardements qu’il n’est pas étonnant - que moi, un soldat, je tombe aussi.
Oui, je comprends bien que ce sera dur pour, vous tous qui m’aimez, de ne plus me voir, mais encore une fois, je vous en conjure, il ne faut pas pleurer.
J’écris ces quelques lignes d’une main ferme et la mort ne me fait pas peur. J’aurais voulu vous serrer une dernière fois sur ma poitrine mais je n’en pas le temps.
Pendant toute ma captivité, j’ai souvent pensé vous, mais jamais je n’ai eu un moment de défaillance ; j’espère qu’il en sera de même pour vous.
Mes chers parents, je termine cette courte lettre en vous embrassant bien fort et en vous criant courage.
Papa, maman, sœurette, adieu
 
Spartaco
 
[Sans date]
Ma chère maman,
De tous et de toutes, je sais que ce sera toi qui souffriras le plus et c’est vers toi qu’ira ma dernière pensée. Il ne faut en vouloir à personne de ma mort, car j’ai moi-même choisi destin.
Que puis-je t’écrire, car quoique j’aie l’esprit clair je ne trouve pas mes mots ? Je m’étais engagé dans l’Armée de la Libération et je meurs quand la victoire éclate... Je vais être fusillé, tout à l’heure avec mes vingt-trois camarades.
Après la guerre, tu pourras faire valoir tes droits de pension. La prison te fera parvenir mes affaires personnelles, je garde le maillot à papa pour que le froid ne me fasse pas trembler.
Ma chère sœur, il ne faut pas trop penser à moi, ne sois pas triste ; marie-toi à un bon gars et, à tes enfants, tu parleras cet oncle qu’ils n’ont pas connu.
Mon cher papa, il faut que tu sois fort, d’ailleurs il est impossible que l’homme et la femme qui m’ont mis au monde ne soient pas forts.
Encore une fois, je vous dis adieu. Courage.
 
Votre fils Spartaco

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Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article50645, notice FONTANOT Spartaco [dit Paul] par Antonio Bechelloni, Jean-Pierre Besse, Daniel Grason, version mise en ligne le 10 juin 2009, dernière modification le 24 janvier 2022.

Par Antonio Bechelloni, Jean-Pierre Besse, Daniel Grason

Bochure d'Antonio Bechelloni consacrée aux Trois Fontanot
Bochure d’Antonio Bechelloni consacrée aux Trois Fontanot
Photo de Spartaco en haut.
Gloire à nos martyrs (italiens)
Gloire à nos martyrs (italiens)
Cinq jeunes martyrs italiens : Spartaco Fontanot, Eusébio Ferrari, Rosine Bet, Remo Pierallini, Franco Fioranni.

SOURCES : Arch. PPo., PCF carton 15 rapports hebdomadaires des Renseignements généraux sur l’activité communiste, BA 1752, 77W 2122. – DAVCC, Caen, Boîte 5, Liste S 1744-098/44 (Notes Thomas Pouty). – Boris Holban, Testament, Calmann-Lévy, 1989. – Stéphane Courtois, Denis Peschanski, Adam Rayski, Le sang de l’étranger. Les immigrés de la MOI dans la Résistance, Fayard, 1994. – Antonio Bechelloni, Les trois Fontanot, Nerone, Spartaco et Jacques, nanterriens, fils d’immigrés italiens, morts pour la France, Société d’histoire de Nanterre, juin 2002. – Archivio centrale dello Stato, Roma, Casellario politico centrale, busta Giacomo Fontanot. – Lettres de fusillés, Paris, France d’abord, 1946. – Piero Malvezzi e Giovanni Pirelli (sous la dir.), préface de Thomas Mann, Lettere di condannati a morte della Resistenza europea, Torino, Einaudi, 1964. – Lettres de fusillés, présentées par Étienne Fajon, Paris, Messidor, 1985. – Enciclopedia della Resistenza e dell’antifascismo, vol. II, Cremona, Edizioni La Pietra, 1975. – Pia Carena Leonetti, Les Italiens du maquis, Paris, Éd. Mondiales, 1968. – Claudio Pavone, Une guerre civile : essai historique sur l’éthique de la résistance italienne, Paris, Le Seuil, 2005. – Site Internet Mémoire des Hommes.

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