GARMY René [GARMY Jean, René]

Par Jacques Girault, Jean Maitron, Claude Pennetier

Né le 28 septembre 1898 à Cunlhat (Puy-de-Dôme), mort le 25 mai 1967 à Paris (VIe arr.) ; instituteur ; syndicaliste, militant communiste puis socialiste SFIO.

Fils de Jean Garmy et de Virginie, Irma Combat son épouse, instituteurs publics, René Garmy adhéra dès 1919 au Parti socialiste SFIO et fut délégué en 1920 au congrès de Tours par la fraction minoritaire du Puy-de-Dôme favorable à la IIIe Internationale. Dès cette époque, il appartint donc au Parti communiste. De 1920 à 1923, il fut un des dirigeants du PC dans le Puy-de-Dôme en même temps qu’il était secrétaire du syndicat unitaire des instituteurs, il était « considéré comme un bon maître, assidu à sa classe et obtenant de bons résultats » (rapport du préfet au ministre de l’Intérieur, 30 mai 1922). Il exerça ensuite dans l’Ariège, à Auzat en 1926, à Soula en 1929, enfin à Dalou. Il avait épousé le 18 août 1923 à Foix (Ariège), Suzanne Villary (voir Suzanne Garmy). Secrétaire du rayon de l’Ariège, il fut candidat du PC dans la circonscription de Pamiers en 1928 et obtint au second tour 2 699 voix sur 14 099 suffrages exprimés. En raison de son état de santé, il orienta son action vers le domaine culturel et devint par la suite critique littéraire à l’Humanité.

En 1930, secrétaire du bureau départemental de l’Ariège, il entra en conflit avec Edmond Ginestet, secrétaire régional pour la Haute-Garonne à propos de l’affaire Jean Baby militant qui fut exclu pour avoir mené une « politique opportuniste ». René Garmy et sa femme critiquèrent la méthode employée par le bureau régional en la circonstance et furent eux-mêmes condamnés par Victor Michaut représentant du bureau politique à l’issue de la conférence régionale tenue à Toulouse les 8-9 février 1930. En 1934, R. Garmy était secrétaire du rayon de Foix et vallée de l’Ariège et, au plan syndical, secrétaire de l’Entente pour la défense des intérêts matériels et moraux des fonctionnaires. Il était assisté de Daniel Soula, instituteur SFIO à Sabarat, secrétaire adjoint et de Cazeneuve, instituteur à Foix, trésorier.

René Garmy fut nommé instituteur à Suresnes à la date du 1er octobre 1934. Il poursuivit alors ses activités culturelles à l’Humanité, mais aussi à l’AEAR et à l’Université ouvrière, participa à la rédaction des Cahiers du contre-enseignement prolétarien en même temps qu’il militait à la section départementale du SNI.

Durant plusieurs années, René Garmy s’affirma comme critique littéraire à l’Humanité. Il s’éleva contre la littérature dite d’évasion qui « travaille essentiellement à masquer l’existence des classes et leur antagonisme » (l’Humanité, 19 août 1933), il y défendit avec vigueur l’esprit du parti, critiquant le populisme qui veut « offrir de nouveaux sujets aux écrivains bourgeois qui n’ont plus rien à dire » (l’Humanité, 3 juin 1935), s’en prenant même à Louis Aragon qui, dans Les Cloches de Bâle, avait procédé à une « analyse marxiste insuffisante » et montré par contre une excessive complaisance à l’égard du rôle des anarchistes et avoir été ainsi « entraîné à une sorte d’idéalisation inconsciente de l’anarchisme ». Finalement, Aragon était exhorté à « renforcer dans ses prochaines œuvres l’éclairage idéologique sans lequel il n’est point de littérature vraiment révolutionnaire » (l’Humanité, 31 décembre 1934). Garmy se montrait ainsi plus sévère que la Litteratournaya Gazeta qui jugeait ce roman d’Aragon « une précieuse contribution au tableau du mouvement ouvrier à la veille de 1914 » (l’Humanité, 22 janvier 1935).

C’était l’époque où Garmy commençait à mettre en cause le Parti communiste qui glissait, selon lui, « vers les illusions parlementaires, la collaboration de classes » (Pourquoi j’ai été exclu…, p. 5). Il cessa alors sa collaboration à l’Humanité, se ralliant à la plate-forme politique développée par Que Faire ?, revue marxiste mensuelle. Finalement, après être intervenu à la conférence du rayon de Suresnes le 1er novembre 1936 puis à la réunion extraordinaire de sa cellule du Plateau-Nord de Suresnes le 25 mars 1937, il fut exclu ainsi que Potié, autre communiste de Suresnes comme « agents du trotskiste Ferrat au sein du Parti ». Il écrivit alors et diffusa seul, en octobre 1937, la brochure Pourquoi j’ai été exclu du Parti communiste, 40 pages et milita avec le groupe Que Faire ? composé pour l’essentiel de André Ferrat, Georges Kagan, Victor Fay, Pierre Rimbert.

L’année suivante, il participa au congrès de Nantes du SNI les 3-5 août 1938 et écrivit dans L’École libératrice le 24 septembre : Si la guerre éclate avec un État fasciste alors que le prolétariat n’est pas au pouvoir, « nous aurons le droit d’utiliser la coïncidence des intérêts du prolétariat avec ceux de la bourgeoisie » mais il conviendra de ne pas renoncer à l’objectif essentiel : « abattre l’ennemi de l’intérieur et l’ennemi de l’extérieur ». En février 1939, lors des élections au conseil syndical de la section départementale de la Seine du SNI, il figurait sur une liste « d’unité confédérale » avec des candidats communistes. Il avait dénoncé en effet dans le bulletin syndical les accords de Munich, « politique de capitulation » qui « rapproche de la catastrophe ». La liste eut trois élus dont Garmy qui obtint 471 voix sur 2 858 votants. Il s’abstint lors de l’élection du bureau.

En 1939, il participa, toujours au titre du SNI, au congrès de Montrouge les 18-20 juillet et, citant Mein Kampf, il déclara : « À votre mot d’ordre de paix à tout prix, nous opposons celui de la lutte à tout prix contre le fascisme de l’intérieur et de l’extérieur. Lutte à tout prix contre la peste hitlérienne et ses alliés français du grand capitalisme et de la presse pourrie. »

Durant l’Occupation, Garmy conserva le contact avec les organisations syndicales enseignantes et participa à l’équipe du journal de la Résistance, Libertés. Début 1944, il fut chargé d’étudier les problèmes de l’école d’après-guerre et fut responsable du syndicat dans l’Ouest parisien. Il travaillait alors à la Bibliothèque nationale. En 1945, domicilié à Suresnes, il enseignait à l’école d’application de Paris. Il lança dans L’École libératrice du 25 juin 1945 un appel pour que les instituteurs répondent aux demandes de la commission d’histoire de l’occupation et de la libération de la France. Il publia dans L’École libératrice d’avril à juillet, une série d’articles sur « l’École d’hier et de demain ».

Lors du congrès national du SNI en décembre 1945, il présenta une motion sur les structures de la CGT qui recueillit 302 voix contre 777 à celle présentée par la majorité : elle demandait notamment la proportionnelle et la liberté des divers courants. Pendant la journée du 28 décembre 1945, lors du congrès, il intervint sur la question des rapports syndicat/politique et approuva la démarche politique de la CGT. Il écrivit des articles dans L’École libératrice en 1946 dans la rubrique « Éducation sociale », sous le titre « Connais ta maison », sur les structures de la CGT. En 1947, il tint une chronique régulière « Révolution et mouvement ouvrier » où il rendit compte d’ouvrages. En novembre 1947 membre du conseil syndical de la section départementale, il annonça sa candidature individuelle à l’élection à la proportionnelle du bureau nationale du SNI. Le 28 décembre 1947, lors du vote, le conseil national lui donna 19 voix.

Il continua jusqu’en 1948 à participer à l’activité du SNI et à collaborer à la rubrique historique de L’École du Grand Paris. Élu en deuxième position de la liste Unité et Action au conseil syndical de la section de la Seine en mars 1945, il ne se représenta pas en février 1948 en raison de ses activités d’historien, mais aussi en raison de divergences sur la conduite de la grève de la Seine de novembre 1947 : il avait été contre la décision de déclencher une grève sans l’accord des instances nationales et avait proposé une motion dans ce sens lors du conseil syndical du 17 novembre 1947.

Dans L’École libératrice du 29 mai 1953, il signa un article intitulé « la tribune des peuples » où il présentait le contenu de revues de gauche

Mais l’essentiel de son action fut avant tout culturelle, en rupture avec celle qui avait été la sienne au temps où, membre du Parti communiste, il collaborait à l’Humanité et avait publié en 1933, au Bureau d’éditions, une Histoire du Mouvement syndical en France des origines à 1914 en deux volumes, œuvre sérieuse par l’utilisation d’une documentation toujours empruntée aux sources, mais aussi œuvre engagée et, de ce fait, idéologiquement marquée. Trois ans plus tard, il donnait aux Éditions sociales internationales, Il était une mine, récit romancé d’une expérience ariégeoise de propriété et d’exploitation collectives de mines de fer qu’il reprit en historien durant la Seconde Guerre mondiale et qu’il présenta comme thèse à l’École Pratique des Hautes Études ; elle fut publiée en 1943 sous le titre La Mine aux mineurs de Rancié, 1789-1848 avec une préface Georges Bourgin. Ainsi consacré, René Garmy allait dorénavant s’intégrer à l’équipe de Georges Lefebvre à l’Institut d’Histoire de la Révolution française et collaborer à ses Annales. En 1962, il publiait au CNRS, en collaboration, dans la série « Recueils de documents relatifs aux États-Généraux, mai-juin 1789 », La séance du 23 juin.

Une de ses dernières manifestations historiennes aura été sa collaboration aux Actes du colloque Robespierre, Vienne, 1965, dans le cadre du Congrès international des Sciences historiques, sous le titre « Aux origines de la légende antirobespierre : Pierre Villiers et Robespierre », il réfuta point par point les affirmations de Villiers, « aventurier des lettres et de la politique » qui, dans ses Souvenirs d’un déporté donnés en 1802, construisit une légende « d’autant plus perfide qu’elle affectait l’impartialité ».

Soucieux de la sauvegarde des documents d’histoire, René Garmy avait légué à l’IFHS qu’il avait contribué à animer, les archives laissées par son beau-père Jean Villary, 1871-1965, archives intéressantes pour la période 1905-1914 qu’il tint lui-même à présenter aux lecteurs du Mouvement social d’avril-juin 1966 sous le titre « Les origines du socialisme en Ariège ».

René Garmy a laissé des manuscrits et des archives. Sa veuve a republié, chez Sudel, le tome I de l’Histoire du Mouvement syndical en France. Bien que leur parcours politique soient très différents, l’œuvre historique de Garmy doit être rapprochée de celles de Maurice Dommanget et de Jean Maitron, instituteurs qui ont mis leur culture au service du mouvement ouvrier et de la culture.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article50648, notice GARMY René [GARMY Jean, René] par Jacques Girault, Jean Maitron, Claude Pennetier, version mise en ligne le 10 juin 2009, dernière modification le 7 octobre 2022.

Par Jacques Girault, Jean Maitron, Claude Pennetier

ŒUVRE : Pourquoi j’ai été exclu du Parti communiste, 1937, 40 p. — Histoire du Mouvement syndical en France des origines à 1914, 2 vol., Bureau d’éditions, 1933. — La Mine aux mineurs de Rancié, 1789-1848, 1943. — Il était une mine, Éditions sociales internationales, 1936.

SOURCES : Arch. Nat., F7/12973, F7/13024, rapport du 16 juillet 1934 ; F7/13121, rapport du 10 février 1930 ; F7/13130, rapport du 22 juin 1932 ; F7/13132, rapport du 13 octobre 1934 ; F7/13744, rapport du 17 novembre 1921. — I.M.Th., bobine 304. — La Voix des travailleurs, décembre 1929, février 1930 et 30 août 1930. — Pierre Monatte, critique du tome II de l’Histoire du Mouvement syndical en France de Garmy, dans La Révolution prolétarienne, n° 191, 25 janvier 1935, p. 18. — Les Cahiers rouges, n° 3, août-septembre 1937, p. 16. — Notes de Mlle Sohn et J.-M. Brabant. — J.-P. A. Bernard, Le PCF et la question littéraire, 1921-1939, PU Grenoble, 1972. — Fonds Dommanget : dossier « militants de la Fédération ». — G. Bourgeois, « Le groupe Que Faire », Communisme, 1984, V. — Notes de Robert Hirsch. — État civil de Cunlhat.

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