GARNIER Jean [CGT, Maine-et-Loire]

Par Roger Pierre

Né le 18 octobre 1904 à Montélimar (Drôme), mort à le 22 avril 1966 Allan (Drôme) ; employé aux usines de chaux et ciments de Lafarge ; syndicaliste.

Employé en qualité de surveillant aux usines de chaux et ciments de la vallée du Rhône appartenant au puissant trust Lafarge, réputé à la fois pour sa dureté et son paternalisme, Jean Garnier y fut le secrétaire du syndicat CGT créé le 30 juin 1936, avec 630 membres sur 700 employés dans ces établissements. Il dirigea en juillet 1936 une grève de douze jours, avec occupation, qui obligea la direction à accorder 30 à 40 % d’augmentation et la reconnaissance du syndicat. Mais le patronat, préparant sa revanche, embaucha des hommes de main, encouragea sous couvert de « syndicat professionnel » la formation d’un noyau PPF, et les incidents, dès 1937, se multiplièrent.

Une grève de solidarité, le 11 juin 1937, faillit tourner au lock-out, et après avoir infligé diverses brimades à Garnier, la direction le releva en octobre 1937 de ses fonctions de surveillant pour l’affecter, comme manœuvre, au chargement et déchargement des wagons, puis elle se refusa à comparaître devant la commission de conciliation en déclarant que cette rétrogradation était « une question de discipline intérieure ». Enfin, le 15 novembre, Jean Garnier, Adrien Soubeyran (voir ce nom), secrétaire adjoint du syndicat, deux délégués et neuf de leurs camarades furent avisés de leur licenciement sous prétexte d’un affaiblissement de la production par rapport à 1936. À la volonté de détruire le syndicat et d’étouffer les revendications s’ajoutait la hargne de Henri Pavin de Lafarge qui venait d’être battu par le socialiste Froment*, le 17 octobre précédent, à l’élection du conseiller général, dans le canton de Viviers-Le Teil sur lequel les Lafarge régnaient, de père en fils, depuis quarante-cinq ans.

Devant l’échec des pourparlers, le 27 décembre 1937, les ouvriers des chaux et ciments du Teil et Viviers et, par solidarité, ceux de Cruas et de Montélimar (Drôme) se mirent en grève, au nombre de près d’un millier. Le conflit qui déjà prenait un caractère politique, devint une épreuve de force de résonance nationale entre les grévistes, soutenus par la CGT et toutes les organisations du Front populaire, aidés par un vaste mouvement de solidarité, et la direction de Lafarge menant par des milliers de tracts, d’affiches et de journaux une campagne acharnée appuyée par le patronat, le PPF, toute la presse de droite et même par les syndicats chrétiens (voir Maurice Neuville). Lafarge, en janvier, ferma ses usines ; le conflit, envenimé par des pressions de tout genre et par les provocations du PPF fut jalonné de graves incidents et il se prolongea durant cent sept jours, jusqu’en avril 1938.

La reprise eut lieu, sur de vagues promesses de réembauchage qui ne furent pas tenues. Un an et demi après la grève de juin, un an après celle de décembre-avril, Jean Garnier fut condamné en mars 1939 par le tribunal correctionnel de Privas à un mois de prison pour faits relatifs à la première grève, et à un mois de prison avec 50 francs d’amende pour la seconde.

Jean Garnier alla s’embaucher dans une scierie de Portes-lès-Valence (Drôme) et s’établit au village voisin de Beauvallon. Il y fut arrêté en 1942, mais réussit à s’échapper et il gagna le maquis de La Roche-Saint-Secret (Drôme). Sous le pseudonyme de Louis, il fut l’un des responsables de la compagnie qui protégea à la fin de décembre 1943 l’attaque d’un train de permissionnaires allemands à Donzère. Affecté par la suite aux FTP du Gard et de Lozère, il y dirigea sous les noms de « Labeille » ou « commandant Barry » diverses opérations, dont celle qui aboutit à la capture d’un général allemand. Il fut nommé à la Libération commandant de la place de Nîmes.

Jean Garnier avait adhéré au Parti communiste pendant la clandestinité et il fut, avec le colonel Rol-Tanguy et d’autres officiers de la Résistance, délégué à Versailles ; cependant il resta à l’armée où il conserva son grade de commandant, sans obtenir toutefois d’avancement au cours des campagnes d’Indochine et d’Algérie, pendant lesquelles il fut suspecté de sympathie pour les « rebelles » et étroitement surveillé.

« Le commandant Garnier » se retira à Allan (Drôme) et fut en 1964 candidat du Parti communiste aux élections du conseil général dans son canton de Marsanne.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article50654, notice GARNIER Jean [CGT, Maine-et-Loire] par Roger Pierre, version mise en ligne le 10 juin 2009, dernière modification le 11 juin 2009.

Par Roger Pierre

SOURCES : Arch. Dép. Ardèche, 15 M 19-31. — Le Travailleur alpin, 1936. — La Voix populaire, 1936-1939. — Le Réveil populaire, 1936-1937. — G. Serret, Chaux et Ciments de Lafarge, Éd. de L’Émancipation, Nîmes, 1938. — Renseignements recueillis auprès de la famille par Marceau Brès.

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