Par Michel Dreyfus, Jean Magniadas
Né le 7 avril 1920 à Nice (Alpes-Maritimes), mort le 25 mai 2011 à Paris (XXe arr.) ; contrôleur des installations éléctro-mécaniques aux PTT ; résistant ; syndicaliste CGT des PTT, militant communiste, membre du bureau de la Fédération CGT des PTT (1954-1960) ; membre du Conseil économique et social.
Le père de Maurice Gastaud était tailleur pour femmes. Blessé pendant la Première Guerre mondiale, il exerça ensuite la profession de chef d’atelier à la Manufacture de tabac de Nice. Il milita au Parti communiste ainsi qu’au Secours rouge et fut un ami de Virgile Barrel* ; à la Libération, il fut maire de Tourette-du-Château (Alpes-Maritimes). La mère de Maurice Gastaud fut couturière à Nice puis à Paris. Elle adhéra également au PC où elle milita à Vincennes (Seine, Val-de-Marne), notamment contre le colonialisme. Du fait de son action dans la Résistance, elle fut incarcérée, à l’âge de soixante-cinq ans, à La Roquette et aux Baumettes, puis à la prison Barberousse à Alger, et fut condamnée avec sursis.
Pupille de la Nation, Maurice Gastaud obtint le brevet d’enseignement primaire supérieur, section arts et métiers. Il entra en 1937 à l’École nationale supérieure des PTT dont il sortit, en avril 1939, contrôleur des installations éléctro-mécaniques. Il devait faire toute sa carrière professionnelle aux PTT, mais celle-ci fut souvent contrariée par son engagement syndical.
Maurice Gastaud adhéra en septembre 1940 au Parti communiste clandestin. Entré au même moment dans la Résistance, d’abord sous le pseudonyme de « Gramont », — d’autres suivirent —, il mena une action patriotique dans les rangs de l’Organisation spéciale (OS) du Front national, créa des groupes clandestins et contribua à la formation de Libération nationale PTT, dont les fondateurs furent Emmanuel Fleury*, Henri Gourdeaux* et Fernand Piccot*. Il diffusa la presse clandestine dans les centraux téléphoniques et procura des renseignements à la Résistance. En contact avec « l’état-major de la Résistance », il fournit des informations d’ordre militaire permettant des actions de sabotage ou de bombardement qui furent utilisées par la Royal Air Force.
Bien qu’activement recherché par la Gestapo, Maurice Gastaud poursuivit son action dans la région parisienne, en relation avec Grodzenski, alors l’un des responsables clandestins de l’Union des syndicats de la région parisienne. En juin 1944, il conduisit des résistants des Milices patriotiques poursuivis par la Gestapo dans un maquis de Lormes (Nièvre). Il organisa plusieurs centaines de postiers dans les Milices patriotiques et recruta des résistants pour les FTP. Fin juillet 1944, il organisa un coup de main pour s’emparer de la réserve d’essence du Central téléphonique Nord, permettant ainsi d’acheminer des véhicules vers le maquis de Lormes. Puis, à la veille de l’insurrection, il prit l’initiative d’enlever dans l’usine de la Thomson Houston, située dans le XVe arrondissement à Paris, un prototype de repérage des sous-marins commandé par les Allemands. Cette action, réalisée avec quatre membres des FTP et trois membres des Milices patriotiques, fut d’une grande importance militaire. À partir de mai 1944, en liaison avec l’Union des syndicats de la région parisienne, Maurice Gastaud impulsa les Milices patriotiques qui, à Paris, connurent un développement important. Il fit partie des dirigeants de la grève insurrectionnelle des PTT parisiens, prit part à la Libération de la capitale en dirigeant les groupes de combat, en liaison avec le Comité parisien de Libération (André Tollet, André Carrel, etc.), et contribua à protéger efficacement les centraux téléphoniques de Paris. Ultérieurement, il devait faire au Comité parisien de Libération un récit détaillé de son action durant ces années.
Le 2 octobre 1944, Maurice Gastaud fut détaché auprès de l’état-major de la Résistance PTT, puis il fut mis à la disposition du ministre de l’Air Charles Tillon* comme attaché à son cabinet. Le 20 août 1946, le comité militaire national FTPF décerna à Maurice Gastaud, commandant FTP, un diplôme de dirigeant de la Résistance PTT, notamment pour son rôle essentiel dans la lutte armée et l’insurrection parisienne. Maurice Gastaud, qui avait fini la guerre comme capitaine FFI homologué, fut médaillé de la Résistance, titulaire de la Croix de guerre (Étoile de Vermeil) et, en 1984, fut promu au grade de chevalier de la Légion d’honneur, à titre militaire.
À la Libération, Maurice Gastaud reprit des responsabilités au Parti communiste en tant que dirigeant de la section du XVIe arr. de Paris, puis de secrétaire de celle du VIIIe arr. En 1945, il fut, pendant quelque temps, rédacteur au quotidien Ce soir.
Des témoignages de dirigeants de la Fédération CGT des PTT, il ressort que cette dernière, reconstituée clandestinement en 1943, put réapparaître au grand jour, à la Libération, avec des structures toutes prêtes : les militants qui avaient dirigé les Comités populaires, les Milices patriotiques et les Comités de grève les transformèrent très rapidement en sections syndicales. Mis à la disposition de la CGT en juin 1947, Maurice Gastaud devint l’un des secrétaires de la Région parisienne de la Fédération CGT des PTT. Il eut entre autres responsabilités la mise en place de la Sécurité sociale dans les PTT, en liaison avec les mutuelles des PTT, ainsi que le suivi du Mouvement de la paix. Il fut aussi chargé des questions d’organisation, des problèmes de la formation des cadres syndicaux et de l’activité en direction de la jeunesse. Il participa également à la création d’une colonie de vacances à La Bocca (près de Cannes, Alpes-Maritimes) qui devait connaître un grand succès. Plus tard, il entra à l’exécutif de l’Union des syndicats de la région parisienne.
Maurice Gastaud s’occupa également de la création de l’association des Anciens combattants Libération nationale PTT, tout en assurant la responsabilité de « liquidateur régional » de la Résistance PTT, c’est-à-dire la certification des états de service dans les rangs du Front national. À sa création en 1947, Libération nationale PTT fut présidée par Henri Gourdeaux* et Maurice Gastaud en fut le secrétaire adjoint. Libération nationale PTT fut affiliée à l’Association des anciens francs-tireurs et partisans français, puis devint une des composantes de l’Association nationale des anciens combattants de la Résistance (ANACR), fondée en 1954 à Limoges.
En 1950, Maurice Gastaud fut élu à la commission exécutive de la Fédération CGT des PTT puis, en 1954, entra au bureau fédéral. Il devait y siéger jusqu’en 1960. À ce titre, il assuma notamment la responsabilité des problèmes d’éducation syndicale et, en liaison avec Henri Raynaud*, des questions concernant la Sécurité sociale. Il participa aussi à l’établissement de relations avec des organisations syndicales étrangères et fut délégué à plusieurs congrès de la Fédération syndicale mondiale (FSM).
L’activité syndicale de Maurice Gastaud l’exposa à la répression de l’administration des PTT. Il fut suspendu par cette dernière le 27 novembre 1947 pour faits de grève, puis muté et affecté au Centre Marcadet en février 1948. Une nouvelle sanction de « suspension de fonctions », au motif « d’incitation à la désobéissance et de refus d’obéissance », le frappa en novembre 1948. Une décision tout aussi arbitraire l’envoya à Orléans (Loiret) où, en janvier 1949, un conseil de discipline l’affecta définitivement. Le 22 octobre 1949, Maurice Gastaud fut rayé des cadres et ne devait pas être réintégré avant 1967. Il devait terminer sa carrière par sa titularisation, le 17 février 1984, comme « chef de centre de classe supérieure ».
En 1958, la CGT envoya Maurice Gastaud à Brazzaville pour diriger un stage d’éducation de cadres des syndicats de l’Afrique équatoriale. Des actions de ce type étaient alors possibles en raison du climat de semi-liberté qu’il y avait alors au Congo. Lorsqu’il revint en France, Louis Saillant*, alors secrétaire général de la Fédération syndicale mondiale (FSM), en accord avec Benoît Frachon*, proposa à Maurice Gastaud d’aller organiser et diriger la formation syndicale dans le cadre d’une Université ouvrière africaine (UOA) établie en Guinée. Il contribua à son édification et devait y rester cinq ans. Il put ainsi établir des relations entre la CGT et la FSM d’une part et des mouvements syndicaux africains d’autre part, dans les pays encore colonisés comme dans ceux déjà libérés ou en voie de libération, tels la Guinée-Bissau, le Cap Vert, l’Angola et le Mozambique.
À son retour, la FSM demanda à Maurice Gastaud de devenir son représentant permanent à l’UNESCO. Il y resta de 1969 à 1974, intervenant activement sur les différentes questions de la compétence de cette organisation, en particulier sur la politique culturelle générale, l’éducation permanente, les droits de l’homme dans de nombreux pays. Avec l’accord et le soutien du directeur général de l’UNESCO Maurice Gastaud organisa une importante exposition de cent peintres, dont les œuvres furent vendues au profit des mouvements de libération des colonies portugaises. Cette activité contribua à une meilleure connaissance et appréciation par l’UNESCO des activités de la FSM et de ses organisations membres, donc de la CGT. Ainsi, l’Institut Louis Saillant, organisme de coopération syndicale de la CGT, reçut en décembre 1990 un prix de l’UNESCO en reconnaissance de sa contribution exemplaire dans le domaine des droits de l’homme.
En 1974, la FSM confia à Maurice Gastaud la mission d’être son représentant syndical permanent en Afrique, à Brazzaville. Il y renforça les liens, établis lors de son précédent séjour, avec les mouvements syndicaux et les mouvements de libération de la région. Les tensions s’aggravèrent au Congo, ce qui conduisit la FSM à rappeler Maurice Gastaud en France. Il reprit une activité au secteur international de la CGT, où il s’occupa plus particulièrement des relations avec les syndicats des pays en voie de développement et travailla, en coopération avec des économistes, sur les questions du Nouvel ordre économique, international et social.
Nommé membre de section du Conseil économique et social en 1984, Maurice Gastaud fut chargé, à ce titre, de rapporter sur une saisine d’origine gouvernementale portant sur l’évaluation des rapports économiques entre la France et la Hongrie ; ce rapport fut adopté à l’unanimité. Il poursuivit son activité au secteur international de la CGT, en particulier à travers de nombreux écrits sur diverses questions internationales, notamment sur le Nouvel ordre économique international.
Maurice Gastaud consacra ensuite l’essentiel de son activité militante à faire connaître l’action de la Résistance et à en faire vivre la mémoire. En raison de ses états de services dans la Résistance, il devint en 1992, à la demande d’André Tollet, président du Musée de la Résistance nationale, secrétaire de la commission d’histoire de cet organisme. Il assura ensuite, jusqu’en 2004, la direction de la revue du musée. Il prit plusieurs fois position, notamment en 2004 et en 2007, en faveur du Parti communiste.
Il se maria à Fontenay-sous-Bois le 12 novembre 1958 avec Rollande Caingui dont il divorça en octobre 1975. Il se remaria à Paris (XXe arr.) le 9 avril 1976 avec Marie -Dominique Brugère.
Il reçut la Légion d’honneur en 2005.
Par Michel Dreyfus, Jean Magniadas
SOURCES : Arch. de la Fédération CGT des PTT, renseignements fournis par Cassandre Jouot qui en fut l’archiviste (notamment Rapport d’activité illégale du capitaine FFI Gastaud Maurice). Fonds Maurice Gastaud, Arch. IHS CGT, 30 CFD.. — État civil.