PATTINIEZ Émile, Frédéric. pseudonymes : Léon, Le Jour

Par Yves Le Maner, complété par Jean-Claude Magrinelli

Né le 11 janvier 1904 à Dunkerque (Nord), mort le 30 janvier 1992 à Châteauroux (Indre) ; ouvrier du textile puis de l’électricité ; syndicaliste CGTU puis CGT et militant communiste du Nord puis de l’Indre ; résistant, déporté.

Émile Pattiniez
Émile Pattiniez
Cliché fourni par sa famille

Né le 11 janvier 1904 à Dunkerque, fils de Gérard Pattiniez, ouvrier du port, et de Berthe Nonnez, sans profession, Émile Pattiniez perdit son père à l’âge de trois ans. Sa mère fut alors obligée de confier ses quatre jeunes enfants à l’Assistance publique. Placé chez une ouvrière à Aubers (Nord), Émile Pattiniez y fut élevé jusqu’à la Première Guerre mondiale. À l’âge de treize ans, il commença à travailler dans les fermes. Établi à partir de 1921 au Marais-de-Lomme (Nord), il travailla pendant deux ans dans une usine textile puis, jusqu’à son service militaire, comme employé de bureau. Finalement, en 1925, il entra comme aide machiniste à la centrale électrique de Sequedin. L’année suivante, il réussit avec quelques camarades à créer un syndicat CGT et fit partie de sa commission administrative. Il s’était marié à Lomme le 8 septembre 1923 avec Renée Lefebvre.

Ayant adhéré au Parti communiste en 1930, il devint rapidement secrétaire de la cellule de Lomme. Excellent organisateur, il tenta d’appliquer le mot d’ordre de « bolchevisation » en suscitant la création de cellules d’entreprise dans plusieurs usines de la région de Lomme-Haubourdin (Crépy, Le Blan, Nicolle, Desmet, Kuhlmann, etc.). Membre du comité du rayon d’Haubourdin, il se chargea plus particulièrement de la constitution de cellules dans les communes de la périphérie ouest de Lille. Entré au comité régional du PC, il fut candidat, sans succès, aux élections législatives de 1936 dans la 5e circonscription de Lille, recueillant 3 297 voix sur 22 454 inscrits.

Après la signature du Pacte germano-soviétique qu’il refusa de condamner, Émile Pattiniez fut exclu du syndicat CGT. Il fut versé au terrassement du gaz après avoir dû cesser de travailler à la centrale. Clandestin dès 1940, nommé responsable du parti pour le Nord, il participa, aux côtés de Martha Desrumeaux, aux premières réunions de réorganisation du PC clandestin dans le Nord de la France, à Flines-lez-Raches dans l’été 1940 et appartint au premier collectif formant la direction fédérale qui se réunit à Templeuve le 17 juillet 1940. Il eut notamment pour tâche d’organiser des « groupes de trois » dans la région lilloise ; ces petites unités devaient lancer des actions armées contre l’occupant (sabotage, attentats). Il assista Martha Desrumeaux, avec Louis Lallemand, Joseph Hentgès, Siméon Leroy et Henri Fiévez, pour la direction illégale de la Fédération du Nord. A partir de la fin jun 1940, il fabriquait à la ronéo des tracts et journaux, dont Espoir distribué dans la région d’Armentières. Il fut aussi chargé de distribuer une brochure précisant les revendications des mineurs du Nord et du Pas-de-Calais mais un de ses fils ayant été arrêté, il fut recherché par la Gestapo.

Il se réfugia dans le Sud Ouest en janvier 1942, sous le fausse identité de Pollet, où il devint responsable interrégional, et fut déplacé à nouveau en août 1942 en Meurthe-et-Moselle sous la fausse identité de’Édouard Monier, né le 11 août 1903 à Auduncourt (Doubs). .

Émile Pattiniez fut arrêté à Champigneulles (Meurthe-et-Moselle) le 15 novembre 1942, par le commissaire Lucien Bascou et ses hommes de la section anticommuniste de la XVe brigade mobile, au domicile de Lucien Becker à Champigneulles. Cette arrestation découlait elle-même de l’arrestation, à Paris, de Lucien Richier « chargé par son parti des expéditions de tracts antinationaux dans la région de l’Est. » (AD 54 : 2101 W 9 : Rapport du chef du SRPJ Charles Courrier du 18 novembre 1942, de 24 pages dactylographiées et WM 328 : Rapport du commissaire divisionnaire chef des services des RG du 18 novembre 1942) Une série d’opérations simultanées furent menées, avec l’aide des Renseignements Généraux, à Nancy, Épinal et Commercy qui conduisirent à l’identification de 24 personnes et à l’arrestation de 21 d’entre elles parmi lesquelles Odile Arrighi alias Jacqueline Solane, Charles Désirat alias René Petit et son agent de liaison Edmonde Chaumeil alias Éliane Perrault. (AD 54 : 2101 W 9 : Rapport de Charles Courrier du 22 décembre 1942). Voici dans quelles conditions fut arrêté Émile Pattiniez. La police arrêta d’abord Becker puis « peu après, un individu qui tentait de fuir sitôt qu’il fut en présence des inspecteurs. Il exhibait une carte d’identité au nom de Monier Édouard, Émile. Peu après, il convenait se nommer en réalité Pattiniez Émile et être déjà condamné par la cour d’appel de Douai à une peine de deux années d’emprisonnement pour diffusion de tracts, et recherché pour l’exécution de la peine. Une fouille minutieuse permettait de découvrir dans ses chaussures son adresse à Nancy : 34 rue de l’Équitation. La perquisition opérée aussitôt amenait la découverte dans sa chambre d’instructions et d’un matériel qui ne laissaient aucun doute sur son activité antinationale, et qui donnait à penser qu’il convenait de voir en lui, à tout le moins, un chef régional (…). Il a été découvert chez lui, notamment : un matériel de faussaire constitué par des cachets dateurs, tampons encreurs, (…) ; un cachet de la mairie de Faulx (récemment cambriolée), la matrice d’un cachet de la mairie de Pont-à-Mousson ; un matériel servant à la confection de tracts et de rapports notamment une machine à écrire, des stencils vierges et usagés (…) ; le journal communiste La Voix de l’Est en langue allemande ; des instructions politiques et militaires émanant de l’organe central notamment celles intitulées Considérations et directives pour l’élaboration d’un plan de mobilisation et d’action générale, Comment rédiger un rapport mensuel, Au sujet des cadres, Aux responsables du FN, Circulaire n°2 A tous les membres du parti (…) éditée par la Région de Meurthe-et-Moselle (…), circulaire de M. Jacques Duclos (…), Instructions aux cadres subalternes et aux militants pour la recherche de renseignements militaires touchant la sécurité de l’armée allemande. Des renseignements émanant des cadres subalternes ou des militants (concernant les horaires des trains de troupe, note sur l’arrivée des recrues allemandes au 17 octobre 1942, note sur l’emplacement, la garde, les moyens d’accès, de divers services militaires allemands, leur importance, (…) note sur les collaborateurs actifs de la région Varangéville-Saint-Nicolas, un rapport militaire portant des renseignements sur la situation, l’importance, l’armement des postes militaires allemands (…) de la région de St-Nicolas et mêmes renseignements sur le poste de police et de gendarmerie française de Saint-Nicolas, des notes signées faussement Mathilde Nicot, portant des renseignements sur les mouvements de troupes allemandes dans la même région et sur l’état d’esprit des ouvriers, un état sur le mouvement social ouvrier dans onze usines de la région Saint-Nicolas, Varangéville, Dombasle. Un morceau (40 cm environ) de cordon Bickford ou mèche lente. Les autorités d’occupation se sont saisi de Pattiniez en raison de ce que son activité et celles de certains complices tendait à mettre en échec la sécurité de l’armée allemande. » (AD 54 : 2101 W 9 : Rapport de Charles Courrier du 18 novembre 1942) Le transfert eut lieu « sur la réquisition des autorités d’occupation le 18 novembre ». (AD 54 : 1739 W 1 : Dossier 82 : Rapport du commissaire Bascou du 25 novembre 1942 et 2101 W 9 : Note de Courrier au juge d’instruction du 11 août 1943).

Livré à la Gestapo deux jours plus tard, il fut déporté à Sachsenhausen (Allemagne) où il resta jusqu’en avril 1945. Le 4 mai 1945, il fut libéré par l’armée soviétique. De retour en France le 2 juin, il reprit son travail fin 1945.

Il fut décoré de la médaille de la résistance et de la croix de guerre.

Émile Pattiniez combattit la scission syndicale de 1947 et guida Roger Pauwels aux débuts de son activité militante. Il demanda par la suite à être muté dans une centrale hydraulique et vint à Eguzon (Indre) où il dirigea pendant neuf ans le syndicat CGT.

En juillet 1957, il prit sa retraite. Au sein de la direction fédérale communiste de l’Indre, il fut membre de la commission de contrôle financier, de 1959 à 1968 au moins. Il fut également secrétaire de la section communiste d’Argenton-sur-Creuse dans les années 1960. Surtout, il s’occupa de la Fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes (FNDIRP) dont il fut président départemental.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article50744, notice PATTINIEZ Émile, Frédéric. pseudonymes : Léon, Le Jour par Yves Le Maner, complété par Jean-Claude Magrinelli, version mise en ligne le 23 juin 2009, dernière modification le 12 octobre 2020.

Par Yves Le Maner, complété par Jean-Claude Magrinelli

Cliché fourni par Jean-Claude Magrinelli.
Émile Pattiniez
Émile Pattiniez
Cliché fourni par sa famille

SOURCES : Arch. Dép. Nord, M 37/90B ; M 154/101. – Arch. comité national du PCF. — RGASPI 495/270/2764. — SHD GR 16 P 460769. - L’Enchaîné, 24 avril 1936. — Jean Estager, Ami, entends-tu. La résistance populaire dans le Nord-Pas-de-Calais, Paris, Messidor-Éditions sociales, 1986. — Jean-Marie Fossier, Nord-Pas-de-Calais, zone Interdite. Mai 1940-Mai 1945, Paris, Éditions sociales, 1977. — Témoignage d’É. Pattiniez. — R. Gaudy, Les porteurs d’énergie, Paris, Temps actuels, 1982. — Renseignements recueillis par M. Rault. — Notes de Paul Boulland et d’Odette Hardy-Hémery. — Notes de Patrick Pattiniez. — État civil en ligne cote 3 E 12628, vues 10-11.

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