FOLLIET Camille

Par Tangi Cavalin, Nathalie Viet-Depaule

Né le 28 mars 1908 à Annecy (Haute-Savoie), mort le 9 avril 1945 à Aix-les-Bains (Savoie) ; prêtre du diocèse d’Annecy, aumônier fédéral jociste (1940), prêtre-ouvrier (1944) ; manœuvre ; résistant.

Issu d’une lignée de commerçants annéciens, quatrième enfant d’une fratrie de huit (au moins un de ses frères devint religieux), Camille Folliet fit ses études chez les Frères des écoles chrétiennes puis au collège catholique de Rumilly (Haute-Savoie) dont le supérieur était un oncle maternel. Dans la perspective de devenir prêtre, il entra en 1926 au grand séminaire d’Annecy. À l’issue de son cursus, interrompu par dix-huit mois de service militaire à Montpellier et trois mois de professorat au collège de Thônes, il fut ordonné prêtre le 21 mai 1932. Quelques mois auparavant, conscient de l’insuffisance de l’enseignement qu’il avait reçu, il avait demandé à son évêque, Mgr Dubois de la Villerabel, de l’autoriser à poursuivre des études à l’Institut catholique de Paris. L’évêque d’Annecy estimait qu’il avait trop de postes vacants dans le diocèse pour que son souhait fût entendu. Il obtint d’être nommé vicaire à Ugine (Savoie), ville dont le maire, André Pringolliet*, était socialiste et où la Société d’électrochimie et d’électrométallurgie des aciéries électriques attirait une population ouvrière importante, composée de nombreux immigrés.

Bien que son curé ne prisât pas l’Action catholique spécialisée, Camille Folliet créa, à Ugine, une section de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC). Celle-ci avait été initiée dans le diocèse en 1931, dans le centre industriel de Chedde. Ce fut avec des jocistes qu’il mesura les enjeux des conflits sociaux de 1934 et 1936 et qu’il organisa des réseaux de solidarité pour collecter, chez les paysans des alentours, pommes de terre et légumes divers pour venir en aide aux grévistes. Mobilisé en Savoie à la déclaration de guerre, affecté par l’armistice, il allait regagner Ugine quand il fut nommé, le 21 octobre 1940, aumônier fédéral de la JOC. Ayant déménagé dans sa ville natale et étant logé à côté de la cathédrale, dans un immeuble baptisé « Maison du Peuple », il entra très vite dans la Résistance.

Sous le couvert d’initiatives pour faire face aux problèmes de l’Occupation (ouverture d’une maison des chômeuses, création de jardins ouvriers, collectes de pommes de terre, etc.), Camille Folliet prit contact avec le réseau de diffusion des Cahiers du Témoignage chrétien et fit en sorte que des filières soient organisées pour cacher des juifs et des réfractaires au Service du travail obligatoire (STO). Passé dans la clandestinité, ayant établi des liens avec des résistants, il s’appuyait sur un réseau de prêtres du diocèse et d’institutions religieuses qui trouvaient les moyens de faire franchir la frontière avec la Suisse ou de gagner le maquis.

Arrêté le 10 juin 1943 par la police secrète italienne (OVRA), incarcéré à Chambéry alors sous la coupe du gouvernement italien, il fut condamné à dix ans de détention et transféré en Italie (Cuneo, Fossano, Padoue), où il fut amené à côtoyer quotidiennement des communistes italiens et yougoslaves avec lesquels il eut à se confronter. Cette cohabitation forcée fut une épreuve fondatrice à laquelle il allait se référer constamment. Après la capitulation de l’Italie, le camp dans lequel il était incarcéré passa sous le contrôle des Allemands qui le fermèrent le 20 mars 1944, libérant les prisonniers. Camille Folliet revint à Annecy peu après le drame du maquis des Glières (mars 1944) vers lequel il avait orienté de nombreux réfractaires du STO. Son nouvel évêque, Mgr Cesbron, qui n’appréciait guère son engagement dans la Résistance et souhaitait lui éviter une autre arrestation, l’envoya faire un stage au séminaire de la Mission de France, à Lisieux. Il trouva de réelles affinités avec la conception missionnaire qui y était mise en œuvre, y exposa sa propre expérience, mais n’entendait pas se couper des événements en cours : « Ici, c’est très chic mais ce n’est pas un milieu réel et j’en ai la fringale, il me semble que la vie est tellement plus vraie et qu’elle peut tellement être plus sacerdotale, mais évidemment ce sera un déménagement de toutes les habitudes bourgeoises. » Après avoir vécu, à Lisieux, le débarquement des Alliés, il rejoignit la toute jeune Mission de Paris, occupant la chambre qui avait été celle de l’abbé Henri Godin* (mort en janvier 1944), rue Ganneron dans le XVIIIe arrondissement, cohabitant avec André Depierre sur lequel il exerça une ascendance certaine. Il décida de partager la condition ouvrière en étant lui-même ouvrier. Il trouva de l’embauche comme manœuvre à l’usine Lorraine-Dietrich/BMW située à Argenteuil (Seine-et-Oise, Val-d’Oise) – qui était sous le contrôle des Allemands –, animant, parallèlement et jusqu’à la libération de Paris, un groupe de jeunes résistants – chrétiens ou non – qui appartenaient au mouvement Nouvelle jeunesse française (NJF). Il participa à l’insurrection de la capitale, prenant part aux combats, et célébra une messe sur le boulevard Saint-Michel. La Libération avait mis fin à son expérience parisienne et, de ce fait, à celle du travail ouvrier. Il lui semblait plus adéquat de maintenir une présence sacerdotale dans la nouvelle armée française, auprès des révolutionnaires communistes issus des rangs des FTP.

Ne concevant pas de retourner dans son diocèse, Camille Folliet accepta donc, en décembre 1944, d’être aumônier dans l’armée de libération sur le front des Alpes. Le 31 mars 1945, il fut touché par une balle en Haute Tarentaise alors qu’il portait secours à un blessé. Il mourut neuf jours plus tard. Il eut droit à des funérailles dans la cathédrale d’Annecy où on lui rendit les honneurs militaires devant une assemblée qui réunissait aussi bien des jocistes et d’autres militants d’Action catholique spécialisée que des résistants, des communistes, des socialistes ou des syndicalistes (CFTC et CGT). Il reçut à titre posthume la Croix de la Légion d’honneur, la Croix de guerre, la Médaille de la Résistance et, plus tardivement (1991), la Médaille des Justes. Il devint une référence pour les prêtres-ouvriers français et auprès des progressistes chrétiens savoyards comme modèle d’engagement, inscrit dans l’histoire, au service d’un monde nouveau à édifier.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article50784, notice FOLLIET Camille par Tangi Cavalin, Nathalie Viet-Depaule, version mise en ligne le 3 juillet 2009, dernière modification le 3 juillet 2009.

Par Tangi Cavalin, Nathalie Viet-Depaule

ŒUVRE : Croquis de prison et chemin de croix inachevé, Annecy, Gardet et Garin, 1945, rééd. Gardet, 1985.

SOURCES : Arch. de la Mission de France, Le Perreux. — Notice de Christian Sorrel, La Savoie, Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, Beauchesne, 1996. — Émile Poulat, Les prêtres-ouvriers. Naissance et fin, Le Cerf, 1999, p. 239 et sq. — Hyacinthe Vuilliez, Camille Folliet, prêtre et résistant, Éditions Le Vieil Annecy/Les Éditions de l’Atelier, 2001. — Charles Suaud, Nathalie Viet-Depaule, Prêtres et ouvriers. Une double fidélité mise à l’épreuve 1944-1969, Karthala, 2004. — Limor Yagil, Chrétiens et juifs sous Vichy, 1940-1944 : sauvetage et désobéissance civile, Le Cerf, 2005, p. 180 et sq.

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