FRENAY Henri. Pseudonymes dans la Résistance : CHARVET ; GERVAIS

Né le 19 novembre 1905 à Lyon (Rhône), mort le 6 août 1988 à Porto-Vecchio (Corse) ; créateur du premier mouvement de Résistance intérieure, le Mouvement de Libération nationale (MLN) ; animateur de Combat ; fondateur de l’Union démocratique et socialiste et la Résistance (UDSR) ; fédéraliste européen.

Henri Frenay perdit son père pendant la Première Guerre mondiale. Il fut donc élevé par sa mère. Il fit ses études au lycée Ampère de Lyon ; on le présenta alors comme conservateur proche de l’Action française. En 1924, il suivit l’exemple familial et entra à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr. Deux ans plus tard, il en sortit sous-lieutenant, affecté dans l’Armée du Rhin, puis envoyé en Syrie. Revenu en France en 1933, il fut admis en 1935 à l’École Supérieure de Guerre, il en sortit capitaine.
En 1935, sa rencontre avec Berty Albrecht, féministe et antifasciste, le transforma. Il fit la connaissance de réfugiés allemands antinazis et voulut découvrir le nazisme notamment par la lecture de Mein Kampf, puis en suivant les cours du Centre des hautes études germaniques.

Capitaine affecté comme officier d’État-Major sur la Ligne Maginot en 1939, Henri Frenay vécut la défaite militaire de juin 1940, au sein du 43e Corps d’Armée. Fait prisonnier par l’armée allemande, Henri Frenay réussit à s’évader et à rejoindre la zone libre le 15 juillet. Il n’accepta pas l’occupation allemande et organisa avec Berty Albrecht, dès août 1940, un embryon de réseau du premier mouvement historique de Résistance intérieure, le Mouvement de libération nationale (MLN). Il fit imprimer un journal alors intitulé Les Petites Ailes et qui devint Vérités.

Le militaire qu’il était resté attendait du maréchal Pétain un double jeu. Nommé au Deuxième Bureau de l’État-Major de l’Armée (service du renseignement militaire) à Vichy, il travailla à créer des liens avec les mouvements naissants en province pour former le Mouvement de Libération Française (MLF). Il quitta l’armée et se consacra à son réseau. Il choisit assez rapidement la clandestinité. Fin 1941, en zone libre, le journal Vérités, après la fusion avec Liberté, se transforma en Combat. Il coopéra avec le mouvement Franc-Tireur animé par Jean-Pierre Lévy. Ses rapports avec Emmanuel d’Astier de la Vigerie et le mouvement Libération furent plus difficiles.

Henri Frenay, désillusionné par Pétain, se rapprocha de De Gaulle fin 1941. Cependant ses contacts secrets avec le ministre de l’Intérieur Pierre Pucheu, même s’ils furent marqués par un refus de rallier son mouvement aux services secrets français, compromirent l’image de Frenay aux yeux de résistants comme Emmanuel d’Astier de la Vigerie et Jean Moulin qu’il rencontra en juillet 1941 et avec qui il finit par coopérer. Six mois plus tard, Moulin organisa avec lui le financement de Londres et contribua à faire fusionner plusieurs réseaux et à faire converger les trois plus importants mouvements de la zone libre (Franc-Tireur, Libération, Combat), jusqu’à la création des Mouvements Unis de la Résistance (MUR) dont Frenay fut un des membres du comité directeur. En septembre 1942, il rencontra à Londres le chef de la France libre, et partagea ses conceptions de la Résistance. Il prit aussi contact avec les membres du BCRA dont le colonel Passy. Les divergences virent le jour plus tard, lorsque de Gaulle donna place aux partis dans la mise en place du Comité national de la Résistance.

Henri Frenay connaîtra alors de sérieux désaccords avec Jean Moulin, délégué du Général de Gaulle, considérant que celui-ci cherchait délibérément à diminuer l’efficacité du MUR au profit de mouvances communistes. Moulin, voulait séparer fondamentalement le combat politique de la résistance militaire, rappelant que c’était au gouvernement exilé à Londres puis à Alger d’assumer la fonction politique, alors que Frenay, affirmant l’échec du régime des partis de la IIIe république, demandait que la résistance s’affirme comme mouvement politique autonome créant de nouvelles institutions.

À partir de mars 1943, Henri Frenay aida le Rassemblement national des prisonniers de guerre (RNPG) de François Mitterrand contre l’autre mouvement de prisonniers de guerre, celui de Michel Cailliau, neveu du général de Gaulle. Laissant la direction de son mouvement à Claude Bourdet, « Charvet » (Frenay) partit en juin 1943, à Londres, puis en juillet, à Alger où, le général de Gaulle lui remit la Croix de la Libération.

Henri Frenay fut très influent au ministère de l’Intérieur du Comité français de la Libération nationale d’Alger. Néanmoins, du fait de ses idées opposées à celles du général de Gaulle, il n’obtint qu’un poste de second plan en novembre 1943, le Ministère des Prisonniers, Déportés et Réfugiés, poste qu’il conserva au Gouvernement provisoire de la République française, de 1944 à octobre 1945.

La Résistance l’avait fait évoluer vers la gauche. Il se réclamait d’un socialisme non marxiste, Il fonda avec François Mitterrand l’Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR).

Adversaire résolu du PCF qui l’attaqua dans l’Humanité, Henri Frenay répondit en traduisant le journal en justice.

Frenay démissionna de l’UDSR. Président de l’Union européenne des fédéralistes (UEF), il se battit pour la construction européenne. Il participa au congrès de La Haye en 1948, qui créa le Mouvement européen. Frenay démissionna de la présidence de l’UEF après le rejet de la Communauté européenne de défense (CED) en 1954 et se rapprocha de la SFIO qui le présenta sans succès aux élections législatives de 1958. Le retour du général de Gaulle lui sembla utile pour donner de nouvelles institutions et mettre fin à la guerre d’Algérie. Cependant, en 1965, il participa à la promotion de l’éventuelle candidature de Defferre à la présidence. Ses dernières de positions historico-politiques furent sa dénonciation de Jean Moulin comme « cryptocommuniste », campagne qui contribua à ternir momentanément l’image des chefs de la Résistance.

Il avait épousé le docteur Chilina Ciosi, dont il avait fait la connaissance durant la guerre.

Il était Grand-Croix de la Légion d’honneur et Compagnon de la Libération.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article50787, notice FRENAY Henri. Pseudonymes dans la Résistance : CHARVET ; GERVAIS, version mise en ligne le 3 juillet 2009, dernière modification le 1er août 2022.

ŒUVRE : Combat, éd. Denoël, 1946. — La Nuit finira, éd. Robert Laffont, 1973. — Volontaires de la Nuit, Robert Laffont, 1975. — L’Énigme Jean Moulin, éd. Robert Laffont, 1977.

SOURCES : Dictionnaire historique de la résistance, Robert Laffont, 2006, notice par Robert Belot. — Pierre Péan, Une jeunesse française. François Mitterrand, 1934-1947, éd. Fayard, 1994. — Robert Belot, Henri Frenay, de la Résistance à l’Europe, éd. du Seuil, 2003. — Pierre Giolitto, Henri Frenay : Premier résistant de France et rival du Général de Gaulle, éditions L’Harmattan, 2005. — Robert Belot, Observer l’Allemagne hitlérienne à travers ses minirités à l’étranger. Henri Frenay au Centre d’études germanique de Strasbourg (1937-1938), Presse généraliste, 2022.

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