BRAZZINI Roger, André

Par Jean-Pierre Besse, Marc Giovaninetti

Né le 4 octobre 1917 à Paris (XIIe arr.), mort le 31 mai 2015 au Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis) ; tourneur, directeur des services sociaux-médicaux du Blanc-Mesnil (93) ; secrétaire de la région Paris-Nord des Jeunesses communistes en 1937, membre du comité national de la JC en 1939, résistant responsable de l’interrégion bordelaise des JC, membre du comité fédéral de Seine-et-Oise du PCF de 1945 à 1951, membre du comité national de l’ANACR.

Fiche de police pendant l’Occupation.

Roger Brazzini est le troisième fils, sur sept enfants, d’un couple d’immigrés italiens des environs de Florence. Le père était un ébéniste qualifié, et trouva du travail dans le faubourg Saint-Antoine, où son fils naquit à l’hôpital Saint-Antoine. Quand Roger eut neuf ans, la famille s’installa à Pierrefitte, dans un quartier de bicoques conquis sur les terrains maraîchers de la banlieue nord. Le père construisit lui-même sa maison, et le quartier ne fut que très progressivement équipé en électricité, en eau courante, en gaz et en voierie.

Après le certificat d’études, Roger Brazzini devint apprenti tourneur-robinetier à l’âge de 13 ans, puis il se forma au métier de tourneur-mécanicien. Il travailla six ans dans la robinetterie puis fut embauché dans une usine mécanique de Stains le jour-même où y débutait la grève de la fin mai 1936. Il adhéra au Parti communiste et aux Jeunesses communistes pendant la grève, et devint dès 1937 le secrétaire des JC pour la région Paris-Nord, en siège à Saint-Denis. Il bénéficia cette année-là d’un stage d’un mois à l’école du Parti à Arcueil, et au 11e congrès des JC à Issy-les-Moulineaux, il fut élu au comité national de l’organisation présidée par Raymond Guyot.

Ayant été reporté d’incorporation avant la guerre pour une otite mal soignée, il fut à nouveau réformé temporaire en septembre 1939. Il fut arrêté le 13 mars 1940 avec quantité d’autres militants communistes de la Plaine Saint-Denis pour « propagande illicite et reconstitution de ligue dissoute », et enfermé à la prison de la Santé. Au moment de l’exode, les prisonniers encadrés de gardes mobiles quittèrent la région parisienne. Suivant le canal de Briare, ils arrivèrent à la Loire, où profitant de la confusion, Brazzini réussit à s’échapper. Il rentra à pied en région parisienne, où il reprit son travail et son activité militante. Jugé à Périgueux, il fut condamné par contumace à cinq ans de prison, et déchu de la nationalité française qu’il avait acquise avec le reste de sa famille. Prévenu par son frère que des policiers s’étaient présentés à la maison, il put se sauver de son usine en faisant le mur et rentra dans une stricte clandestinité. Recevant ses instructions de Lucien Dorland, il reconstitua plusieurs groupes de jeunes communistes, et fut à nouveau condamné par contumace. On lui confia alors, en équipe avec André Merlot, le transport de matériel de propagande par valises sur la ligne de démarcation, à Montceau-les-Mines, où ils remettaient leur chargement à Jean Lautissier qui le redistribuait en Zone Sud.

Il participa à la reconstitution du PC en Gironde et en Charente-Maritime, il était en 1941 dans les Landes et fit l’objet de trois mandats d’arrêt le 5 et 12 décembre 1940 et le 30 avril 1941 et d’une circulaire de recherche en février 1942. Fin 1941 la direction des JC l’avait en effet envoyé renforcer l’interrégion de Bordeaux. Il travailla sur différents chantiers, comme serrurier, comme bûcheron, comme vendangeur, et organisait la diffusion de propagande et participait à des actions de sabotage. Après qu’un ami cafetier l’eut prévenu que la police le recherchait, il fut affecté à la région de La Rochelle en mai 1942. Là encore, après avoir tenu près d’un an, il manqua de peu de se faire arrêter, par la Gestapo cette fois qui l’attendait au bureau du chantier où il travaillait. Il s’enfuit en toute hâte sur son vélo. Coupé de tous contacts, il rejoignit Paris puis alla travailler dans des fermes en Vendée. Il reconnaît avoir alors commis une imprudence en retournant à Bordeaux où il espérait renouer des contacts. En frappant à la porte d’une adresse connue, il entrevit une silhouette coiffée d’un chapeau à travers la vitre, comprit que la police était là, et prit ses jambes à son cou. Il essuya quelques coups de feu, fut longuement poursuivi, et dut son salut à une porte cochère derrière laquelle il se tapit pour reprendre souffle. Il retourna alors en Vendée où il reprit finalement contact avec la Résistance des Francs-Tireurs et Partisans. Il a participé à plusieurs combats de maquisards en août 1944, maniant le fusil-mitrailleur. À la Libération, il a occupé Melle, dans les Deux-Sèvres, mais a ensuite refusé de s’engager dans l’armée pour terminer la guerre. Ses actions lui valurent d’abord la médaille de Combattant volontaire, et plus tard il fut décoré de la Légion d’honneur sous un gouvernement de gauche.

Rentré à Pierrefitte à la Libération, il ne reprit que quelques mois son emploi d’ouvrier. À la fondation de l’UJRF (Union de la Jeunesse républicaine de France) qui remplaçait la JC au congrès d’avril 1945, il devint permanent, secrétaire adjoint de la région Paris-Nord. Il fut aussi élu conseiller municipal de Pierrefitte, et participa en juillet aux États-généraux de la Renaissance française. Passé au Parti, il fut appelé à travailler comme directeur de la gestion de Filles de France, le journal de l’Union des Jeunes Filles de France dont la rédactrice en chef était Madeleine Vincent. Il s’adapta sans difficulté à ce nouveau travail, mais quand la revue dut faire le choix de devenir un simple organe militant plutôt qu’une revue visant le grand public, elle ne fut plus distribuée en kiosque et on eut moins besoin de lui.

Il s’était marié en janvier 1947 avec Simone Hurel, la fille de l’ancien adjoint au maire du Blanc-Mesnil, mort en déportation. Le maire de cette commune alors en Seine-et-Oise, Eugène Le Moign, fit appel à lui pour organiser les services de santé de la ville, avec ce qui relevait du bureau de bienfaisance, et notamment le tout nouveau centre médico-social. Il y faisait fonction de directeur administratif, mais étant dépourvu de diplôme adéquat, le préfet ne voulait pas le titulariser, et il fallut pour cela l’insistance du médecin en chef du centre. Il occupa sa fonction pendant trente-cinq ans, jusqu’à atteindre l’âge de la retraite en 1983.

Parallèlement, il continuait à assurer des responsabilités politiques, comme secrétaire de la section du Blanc-Mesnil du PCF pendant une vingtaine d’années. Mais à une conférence fédérale de Seine-et-Oise, à Argenteuil, alors qu’il était membre du comité fédéral depuis les sessions précédentes, André Marty qui présidait lui reprocha son attitude pendant la Résistance et le fit retirer, l’accusant de faiblesse pour être resté coupé du Parti pendant trop longtemps. Il ne retrouva jamais sa place, même après la mise à l’écart de son censeur. Au cours des années 1950, il participa à tous les affrontements parisiens de la Guerre froide, et fut blessé par la police lors des manifestations contre de Gaulle en mai 1958.

Tout le temps des mandats de Le Moign, jusqu’en 1965, il assistait aux réunions du bureau municipal. Autant comme militant politique que comme fonctionnaire communal, deux fonctions intimement liées dans son cas, il a activement participé au développement de cette commune passée de 20 000 à 50 000 habitants, le service qu’il dirigeait décuplant ses effectifs d’une vingtaine à quelques deux-cents personnes.

À l’âge de 93 ans, Roger Brazzini habitait toujours au Blanc-Mesnil avec son épouse. Le couple eut trois enfants, deux garçons et une fille, Josiane, qui occupa un poste de responsabilité à Tourisme et Travail. Le vieux militant se montra très actif dans les associations de retraités et surtout d’anciens résistants, l’ANACR (Association nationale des anciens Combattants de la Résistance), à laquelle il appartenait depuis sa fondation, qui lui permit de témoigner lors de fréquentes conférences en Seine-Saint-Denis, et qu’il présidait au Blanc-Mesnil. Il fut décoré de la Légion d’honneur en 2000.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article50793, notice BRAZZINI Roger, André par Jean-Pierre Besse, Marc Giovaninetti, version mise en ligne le 8 juillet 2009, dernière modification le 13 décembre 2019.

Par Jean-Pierre Besse, Marc Giovaninetti

Fiche de police pendant l’Occupation.
Roger Brazzini, carte de combattant FFI, 1944
Roger Brazzini, discours en hommage à Pierre Quemeneur,
rue de l’Abbé Niort, Le Blanc-Mesnil, années 1960

SOURCES : Arch. PPo., activités communistes pendant l’Occupation, carton 6. — Arch. de la justice militaire du Blanc, registre du tribunal militaire de Périgueux. — L’Avant-Garde, n° 807, 14 avril 1939. — Albert Ouzoulias, Les Bataillons de la Jeunesse. Les Jeunes dans la Résistance, Ed. sociales, 1967. — Michel Slitinsky (témoignages), Trois filles, vingt garçons, la Résistance en Gironde, Bordeaux, 1968. — La Renaissance, hebdomadaire de l’ancien canton d’Aulnay — Le Parisien, 2006. — Roger Brazzini, Souvenirs de grand-père, inédit, 1996, 80 pages. — Site des associations du Blanc-Mesnil. — Entretien avec l’intéressé et son épouse, février 2011.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
fiches auteur-e-s
Version imprimable