HUGEL Cécile [née HÉGY Cécile, épouse HUGEL, dite]

Par Françoise Olivier-Utard

Née le 8 mars 1925 à Galfingue (Haut-Rhin) ; morte le 17 août 2012 à Wittelsheim (Haut-Rhin) ; ouvrière du textile dans le Haut-Rhin, permanente communiste à Mulhouse, permanente de la FIDF à Berlin-Est ; UFF, syndicaliste CGT, communiste ; membre du secrétariat fédéral communiste du Haut-Rhin (1962-1966), du comité central du PCF (1964-1976) et secrétaire générale de la Fédération internationale démocratique des femmes (1966-1972).

Cécile Hugel
Cécile Hugel
Cliché fournis par la famille

Cécile Hégy naquit le 8 mars 1925 à Galfingue (Haut-Rhin) dans une famille de militants. Son père, Charles (1902-1945), était issu d’une famille de tailleurs de Burnhaupt-le-Bas. Il avait fait son service militaire français chez les tirailleurs marocains, dans la Ruhr occupée, pendant deux ans. C’est à cette occasion qu’il avait été mis en contact avec la classe ouvrière, ce qui l’amena à renoncer à prendre la succession de son père et à devenir mineur de potasse au puits Joseph Else. Il avait adhéré à la CGTU en 1923, puis au parti communiste dans les années trente. Il s’éloigna du catholicisme à partir de 1933. Sa mère, Marie Senn (1905-1983) avait eu une jeunesse très difficile. Sa mère n’ayant pas survécu au déplacement de la famille en Allemagne du nord, à Fulda, pendant les combats de la première guerre mondiale, Marie eut la charge de ses jeunes frères et sœurs jusqu’à leur retour en Alsace, en 1920. Elle n’avait pas de métier, se maria en 1920 et éleva, elle aussi, 6 enfants. Elle rejoignit le parti communiste. Elle aida les réfugiés allemands à passer la frontière vers la Suisse après l’arrivée de Hitler au pouvoir. Elle aussi avait abandonné toute pratique religieuse et rejoint les Libres-penseurs, tradition ouvrière des Frei Denker de la social-démocratie allemande. Elle militait pour les droits des femmes, fonda le groupe UFF de Wittelsheim dont elle assuma la responsabilité jusqu’à sa mort. Elle était par ailleurs devenue membre du Comité mondial des femmes. Sa forte personnalité et l’éducation qu’elle donna à ses filles leur permirent de résister d’abord aux qualificatifs de « païennes » et d’égyptiennes (jeu de mots sur leur nom) lancés par leurs camarades d’école et en firent ensuite des bagarreuses.

Cécile fréquenta l’école primaire de Wittelsheim. Son premier livre en français lui fut offert par les Libres Penseurs de Mulhouse, qui contribuèrent à la mettre régulièrement en contact avec la littérature française, par un service de prêt. En 1938, Cécile Hégy obtint le certificat d’études, puis entra à l’école primaire supérieure d’où elle fut renvoyée après l’annexion nazie de 1940, car ses parents refusaient qu’elle adhère au BDM (Bund Deutscher Mädel, Jeunesses hitlériennes féminines). Elle fut aussitôt envoyée au Pflichtdienst, le 1er janvier 1941, en tant que récalcitrante, dans une usine textile de Reutlingen (Bade-Wurtemberg). Elle était logée dans une famille allemande, ce qui lui permettait de fournir des vêtements civils aux prisonniers français qui voulaient s’évader pour rejoindre un maquis en France. Le médecin de famille, le docteur Schweikhard, résistant responsable des réseaux d’évasion vers la Suisse, réussit à la faire rapatrier à Wittelsheim le 20 mars 1941 au prétexte que sa mère, enceinte de son sixième enfant, avait besoin de ses soins. Cécile trouva un emploi aux mines de potasse, à Wittelsheim, à partir de septembre 1941. Elle aida plusieurs groupes de jeunes gens à passer clandestinement la frontière pour rejoindre la Suisse. Fin 1944, alors que les troupes françaises approchaient, les nazis décidèrent d’enrôler massivement la jeunesse dans la Wehrmacht. Cécile, qui avait passé le permis de conduire à la mine (elle conduisait les engins transportant la dynamite vers les puits), fut considérée comme déjà formée au maniement d’un volant et fut enrôlée d’office dans une batterie de surveillance des avions par radar de la Flak (défense anti-aérienne), en Silésie. Les bombardements rendaient la situation si dangereuse que la cheftaine de groupe allemande décida de fuir pour sauver son groupe de jeunes filles, dont aucune n’était combattante volontaire. Elles marchèrent 4 jours et 4 nuits jusqu’à Dessau (Saxe), où échappant de peu à la qualification de déserteuses, elles furent recueillies dans une caserne ouverte aux réfugiées. Les membres de la famille allemande qui était chargée de l’accueillir le dimanche avaient été sociaux démocrates et avaient un fils amputé des deux jambes à la bataille de Stalingrad. Ils lui proposèrent de l’aider à s’évader. Ils lui indiquèrent où sauter sur le remblai pour s’échapper du train qui la ramenait à la caserne et la cachèrent jusqu’à l’arrivée des Américains. Ceux-ci la renvoyèrent en France dans un convoi de prisonniers et de déportés, en avril 1945. Elle fut démobilisée au Wacken, à Strasbourg, le 8 mai.

Le 13 juillet 1946, elle épousait, à Wittelsheim (Haut-Rhin), Lucien Hugel *, mineur de potasse, qui entra en 1947 au comité fédéral du PCF du Haut-Rhin et devint en 1948 permanent CGT. Tous deux eurent une vie de militantisme parallèle. Le couple eut deux enfants qui perdirent la vie tragiquement, l’un à 22 mois, d’une rougeole compliquée d’une méningite, l’autre à 20 ans, dans un accident de moto.

Le militantisme actif de Cécile débuta dès la Libération. Elle fut d’abord responsable de l’UJFF à Wittelsheim et dans le département du Haut-Rhin. Elle fut aussi syndicaliste CGT en tant qu’ouvrière textile chez Bourcart, à Guebwiller, de 1945 à 1947, puis, après une interruption pour élever ses enfants, à la Cotonnière d’Alsace à Mulhouse, de 1952 à 1962. Elle fut élue déléguée du personnel en 1954. En 1958, elle entra à la direction du Syndicat textile CGT du Haut-Rhin et suivit une école syndicale, puis elle fut appelée en 1960 à la direction nationale de la Fédération CGT de l’industrie textile. Au bureau de l’Union départementale CGT du Haut-Rhin, où elle entra en 1961, elle s’occupa des commissions « Jeunes » et « Femmes ». De 1954 à 1961, Cécile Hugel fut assesseur CGT à l’instance du contentieux de la Sécurité sociale.

Après son adhésion à l’Union des femmes françaises, en 1946, Cécile Hugel entra, en 1949, au bureau départemental de l’UFF. De 1954 à 1982, elle fit partie du conseil national de l’UFF. En 1966, elle fut appelée à Berlin-Est pour assurer l’intérim du secrétariat général de la Fédération démocratique internationale des femmes. Ce fut Cécile qui remit à Eugénie Cotton, présidente et fondatrice de la FDIF, une gerbe de roses à l’occasion de son 85ème anniversaire, célébré à Berlin. Cécile Hugel fut confirmée dans les fonctions de secrétaire générale au congrès suivant et y resta jusqu’en 1972. Sa bonne connaissance de l’allemand facilitait les contacts et les prises de parole en RDA. Son mari Lucien la rejoignit à Berlin un an après, en 1967, comme correspondant de l’Humanité en RDA. Cette période fut la plus exaltante de sa vie militante. Elle voyagea beaucoup et entreprit des actions en Asie (Vietnam, Japon, Inde, Corée), en Afrique (Angola, Congo, Niger, Soudan), en Amérique du sud (Cuba, Chili, Mexique) et au Canada, chez les Inuits. En Angola, elle connut la vie des combattantes du maquis et sa famille resta sans nouvelle d’elle pendant trois mois. Dans la plupart des pays, les femmes avaient des difficultés à faire reconnaître leurs revendications de mères, de travailleuses et de citoyennes. Cécile rencontra les organisations féminines partout dans le monde, en particulier dans les pays où les femmes souffraient d’une dictature ; ayant passé plusieurs frontières dans l’illégalité, elle participa à des séminaires, se rendit sur le terrain, écrivit dans des revues. Elle eut à affronter la diversité des cultures, qui exigeait d’inventer des solutions selon les situations. Cécile usa de toute sa force de caractère pour faire avancer la cause des femmes dans un univers encore très machiste. Son caractère impétueux ne portant pas aux concessions, elle s’était donnée comme devise : « Avancer pas à pas mais toujours prendre parti ». Pendant son mandat, la préparation de l’année internationale des femmes (1975) prit une envergure mondiale grâce à la convergence qui put s’établir avec la Ligue des femmes pour la paix et la liberté. Le nombre des organisations appartenant à la FDIF s’accrut jusqu’à dépasser la centaine. La reconnaissance du travail accompli fut visible lorsque les actions de la FDIF obtinrent la participation de l’ONU, de l’UNESCO et de l’UNICEF.

Sur le terrain politique, Cécile avait adhéré au parti communiste en 1946 et fut élue au comité fédéral du Haut-Rhin du Parti communiste français de 1956 à 1972. En 1962, elle entra au secrétariat fédéral du Haut-Rhin, suivit une école centrale d’un mois et devint permanente, jusqu’à son départ pour Berlin-Est, qui fut précédé d’une école de 4 mois. En 1964, au XVIIe congrès du PCF, elle fut désignée comme membre suppléante du comité central. C’était un choix de Maurice Thorez, qui souhaitait promouvoir des ouvrières car le Comité central n’en comptait alors que trois. Elle y fut réélue aux quatre congrès suivants. Elle démissionna du CC au XXIIème congrès, en 1976, en désaccord avec la ligne développée par Georges Marchais, mais resta cependant active dans les instances parisiennes.

Son mandat à la FDIF se termina en 1972. Cécile fut devint alors permanente du Comité central, au bureau de la politique extérieure du parti communiste et Lucien Hugel fut appelé au secteur international de la CGT. Ils résidèrent à Paris jusqu’en 1976. Elle participa aux activités du Comité français contre les interdits professionnels en Allemagne fédérale et travailla au centre de documentation du comité central et à l’Institut Maurice Thorez. Le couple rentra à Mulhouse de 1976 à 1982, Lucien ayant été élu secrétaire régional permanent de la CGT. En 1976 Cécile fut candidate aux cantonales à Galfingue, dans les cités minières.

Une fois veuve, Cécile se retira à Wittelsheim, chez les siens, dans la cité de mineurs de son enfance et occupa ses loisirs à la lecture. Elle aimait en particulier la poésie et, en histoire de l’art, l’œuvre de Käthe Kollwitz, artiste engagée, au caractère entier.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article50805, notice HUGEL Cécile [née HÉGY Cécile, épouse HUGEL, dite] par Françoise Olivier-Utard, version mise en ligne le 11 juillet 2009, dernière modification le 3 avril 2022.

Par Françoise Olivier-Utard

Cécile Hugel
Cécile Hugel
Cliché fournis par la famille

SOURCES : Interview de Cécile Hégy-Hugel le 27 avril 2010. – Institut d’Histoire sociale CGT- Alsace, Lucien Hugel 1922-1984, brochure rédigée par L. Tinelli et R. Guibert. – Archives de la fédération PCF Haut-Rhin. — Arch. Dép. du Haut-Rhin, 1452 W 1 bis. — Archives de l’Institut CGT d’Histoire Sociale, cartons Main-d’œuvre féminine, notes de Slava Liszek. — Notes de Christine Frantz et Sylvain Schirmann. — État civil.

ICONOGRAPHIE : Photo dans Eugénie Cotton, ouvrage édité par la Fédération démocratique internationale des femmes (non daté, p. 33).

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