Par Henri Wehenkel
Né le 15 janvier 1893 à Kahler (Luxembourg), assassiné par les nazis le 25 juin 1942 à Kassel (Allemagne) ; secrétaire général puis président du Parti communiste luxembourgeois (PCL) ; responsable du Secours rouge.
Fils d’un douanier monarchiste et catholique, Zénon Bernard apprit le métier de serrurier. Il se fit d’abord remarquer par son activité sportive qui fut à l’origine de sa rupture avec le milieu familial. Zénon Bernard épousa Barbara Weis (1895-1937), puis Gertrude Lemmer. Engagé comme ouvrier à l’usine de Differdange, il adhéra à la veille de la Première Guerre mondiale au groupe socialiste dissident du cordonnier anarchisant Droessaert qui se réclamait des idées de Gustave Hervé. Après le départ des troupes allemandes, Bernard fut élu secrétaire du conseil ouvrier de Differdange. Il dirigea l’occupation de l’usine qui déclencha la grève générale de la métallurgie luxembourgeoise en mars 1921 et l’intervention des troupes françaises. Bernard fut arrêté le 2 mars sous la fausse accusation d’avoir appelé aux armes.
Membre de la fraction communiste constituée en novembre 1920 après le retour de Reiland* de Moscou, il participa à la fondation du PCL et fut délégué au 3e congrès de l’IC en 1921. Après la défection de Reiland*, le congrès de février 1922 désigna Bernard comme son successeur. Il dirigea le Parti pendant la période de la traversée du désert qui dura jusqu’en décembre 1928. Le PCL faisait alors partie intégrante du « rayon » d’Alsace-Lorraine. Ses faibles moyens étaient absorbés par les tâches qui lui incombaient au nom de la solidarité internationale. Bernard sut gagner la confiance des nombreux militants espagnols, polonais, italiens, hongrois qui s’étaient fixés au Grand-Duché ou étaient simplement de passage. Quand le Secrétariat politique de l’IC chargea le 7 septembre 1928 les délégués italiens présents au VIe congrès de mettre en œuvre la reconstitution du PCL en tant que section à part entière de l’Internationale, ceux-ci s’adressèrent bien entendu à Bernard.
Un rapport du délégué de l’IC, Werner, décrivait en 1931 les conditions de travail de Bernard : « Il était jusqu’ici l’homme de l’agit-prop. En même temps, l’édition de l’Arbeiterstimme, le nouveau journal du PCL, et une grande partie des travaux administratifs du Parti se trouvaient dans ses mains. En plus, son logement est en permanence rempli d’étrangers, parce qu’il sert de bureau pour le Secours rouge. »
Avec le renouvellement du Parti, le rôle de Bernard s’estompa. Tandis qu’Urbany* en devenait le dirigeant effectif, Bernard se contenta du titre plus honorifique de président. « Si Zénon était l’âme du Parti, Urbany* en était le cerveau, » selon Useldinger* qui fut le n° 2 après 1945. La popularité de Bernard se confirma lors des élections de 1934, où il fut élu député et aussitôt invalidé par la majorité de droite qui préparait une loi pour interdire le Parti communiste. Le discours que prononça Bernard lors de la séance inaugurale de la nouvelle Chambre, le 27 novembre 1934, fut une profession de foi en faveur de la nouvelle ligne communiste.
Déchargé de la responsabilité directe du Parti, Bernard put se consacrer entièrement aux activités du Secours rouge qui prenaient une importance nouvelle avec la montée du fascisme. Ce fut Bernard qui organisa le départ des volontaires pour l’Espagne, ce fut aussi lui qui eut la haute main sur le travail illégal en direction de l’Allemagne nazie en étroite liaison avec les émissaires du KPD (Kommunistische Partei Deutschlands, Parti communiste d’Allemagne) installés sur place, W. Gräfe et W. Kreikemeyer. La Gestapo lui reprocha lors de son procès d’avoir été à l’origine de la reconstitution du KPD de Trèves entre 1934 et 1936 et d’avoir été « le chef d’un service de courriers », dont l’activité se serait étendue à la Sarre, à la Rhénanie et à la Ruhr. En 1940, Bernard fut condamné par la justice luxembourgeoise pour avoir procuré un passeport luxembourgeois à Maurice Thorez*.
Bernard fut arrêté par la Gestapo en septembre 1940, condamné pour haute trahison et assassiné dans la prison de Kassel.
Par Henri Wehenkel
SOURCES : RGASPI, 495 130 5 et 29, 495 233 7. — Archives nationales Luxembourg, Justice, Fonds76, mouvement ouvrier 1880-1940, dossiers 198/135-207 ; fonds Bodson : dossier Steichen. — Centre Jean Kill Luxembourg, dossiers : 1940-1945, Témoignages, Biographies — Centre Jean Kill (ouvr.coll.), Beiträge zur Geschichte der Kommunistischen Partei, Luxembourg 1981. — H. Wehenkel, Der Antifaschistische Widerstand in Luxemburg, Luxembourg, 1985. — D. Scuto, Sous le signe de la grande grève de mars 1921, Luxembourg 1990. — H. Wehenkel, D’Spueniekämpfer, volontaires de la guerre d’Espagne partis du Luxembourg, Luxembourg 1997.