MÉRAT Lucien, Pierre, Auguste

Par Alain Dalançon

Né le 23 août 1891 à Charny-le-Bachot (Aube), mort le 9 octobre 1957 à Charny-le-Bachot ; professeur agrégé d’allemand ; militant syndicaliste, secrétaire de la FGE, secrétaire du SPES, puis du SNES ; militant socialiste.

Ses parents,Jules Mérat et Marie-Louise Luquin, étaient agriculteurs. Lucien Mérat resta profondément attaché à ses origines paysannes et à son village natal où il pratiquait régulièrement la chasse et la pêche.

Titulaire du baccalauréat en 1910, il obtint une licence ès-lettres (1912) et un diplôme d’études supérieures (1913) à la faculté des lettres de Nancy. Il partit en Allemagne comme assistant français à Magdebourg (1911) puis à Francfort-sur-le Main (1913). Boursier d’agrégation à Nancy (1913-1914), il fut reçu à l’agrégation d’Allemand en 1914 (15e sur 26), la même année que Maurice Husson. Il partit accomplir son service militaire en août 1914 au 37e régiment d’infanterie. Blessé le 14 novembre 1914 (bras gauche paralysé) à Bixschoote, il fut réformé en 1916 au grade de caporal, pour blessure de guerre, et pensionné (40%).

Nommé professeur d’allemand au lycée de Brest (Finistère) à la rentrée des classes en 1916, Lucien Mérat fut muté en 1918 au lycée de Troyes (Aube) où le proviseur signalait qu’il présidait l’association sportive. Il se maria dans cette ville le 8 avril 1922 avec Lucienne Sageon qui décéda en 1936.

À la suite d’une inspection, l’inspecteur général fut très louangeur en raison de son cours, exposé sans prononcer un mot de français. Il dut le signaler à l’Ecole Alsacienne pour laquelle il fut mis à la disposition pour cinq ans à partir de 1924. Mais il la quitta l’année suivante en raison d’un différend financier. Il réintégra l’enseignement public au lycée de Reims (Marne) en 1925, avant d’être muté au lycée de Versailles en 1926. Il demanda et obtint en 1927 le petit lycée Condorcet à Paris puisqu’il habitait Viroflay (Seine-et-Oise) bien desservi par la gare Saint-Lazare. Quatre ans plus tard, il était muté au grand lycée Condorcet et vint alors habiter Paris dans le XIIe arrondissement. Il y enseigna jusqu’à sa retraite en 1949.

Lucien Mérat s’engagea très tôt dans les premières organisations syndicales. Militant de la CGT, il militait à la fois au Syndicat national des professeurs de lycée autonome (S3) et au Syndicat confédéré des professeurs de lycée dont il devint le secrétaire en 1929. Cette même année, il fut élu co-secrétaire de la nouvelle Fédération générale de l’enseignement-CGT, représentant le second degré (avec Félicien Lebaillif pour l’enseignement primaire et Ludovic Zoretti pour le supérieur), responsabilité qu’il assuma ensuite seul jusqu’en 1940. À ce titre, il faisait également partie de la direction de la Fédération générale des fonctionnaires.

Il siégeait en outre à la commission de l’enseignement et de l’éducation ouvrière mise en place par la CGT après son XXe congrès (septembre 1929). Dans ce cadre, il fut le rapporteur d’un projet de réforme de l’Éducation nationale adopté par la confédération. En 1931, il entra à la fois à la commission administrative de l’Union des syndicats confédérés de la Région parisienne et à celle de la CGT. Il collaborait régulièrement à son quotidien, Le Peuple. Il écrivit dans L’Œuvre, le 26 septembre 1934, un article titré « Les fonctionnaires et le discours de M. Doumergue », qui constituait une lettre ouverte au président du Conseil. Il se disait blessé par une phrase visant les militants syndicalistes : « Vous affirmez devant l’opinion publique que les fonctionnaires qui ont la confiance de leurs camarades ne sont pas attachés à leur tâche professionnelle. C’est une affirmation gratuite et une contre-vérité ». Il en profitait pour critiquer les décrets-lois et demandait d’autres solutions à la crise. Il recommandait « Ne nous calomniez pas. » et « Ne faites pas surgir dans nos consciences un conflit redoutable entre notre loyalisme et notre dignité. » Il signait « fils et arrière petit-fils de paysans de France, ancien caporal au 37e d’infanterie, réformé pour blessures de guerre, agrégé de l’Université, secrétaire de la Fédération de l’enseignement à la CGT ». Cette lettre fut largement diffusée dans les organes syndicaux et reçut un accueil favorable des fonctionnaires français.

À cette époque, il fit partie, dès sa fondation, du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes et entra à son bureau, rédigeant de nombreux articles contre le fascisme alimentés par une analyse précise de la situation en Allemagne. Plus tard, à l’été 1936, il fut signataire de la déclaration des intellectuels républicains au sujet de l’Espagne, alertant « l’opinion française de ce puissant retournement de conscience universelle et du devoir incombant à notre démocratie », estimant que « la neutralité ne doit pas être une duperie » et appelant le gouvernement français à rétablir « ses relations commerciales avec un gouvernement ami », en faveur du Droit et de la Paix.

En mai 1936, il se félicita de la victoire du Front populaire et de la réunification de la CGT et écrivit à la une de L’Université syndicaliste, devenue l’organe du nouveau syndicat confédéré unifié des professeurs de lycée, un éditorial qui faisait face symboliquement à celui rédigé par Georges Cogniot. En 1937, il fut membre fondateur du Syndicat du personnel de l’enseignement secondaire et membre de sa commission exécutive. Après la déclaration de guerre, il remplaça Maurice Janets, mobilisé, comme secrétaire général du syndicat jusqu’à sa dissolution en 1940.

Lucien Mérat était en même temps militant socialiste de la SFIO à Paris dans la 12e section. Au congrès de la CGT de 1938, il fut signataire de la motion « Syndicats ».

Pendant la guerre, il fit partie du Comité de résistance universitaire qui se préoccupa de préparer, à partir de 1943, la réapparition du syndicalisme universitaire unifié. Il fit donc tout naturellement partie de la direction du nouveau Syndicat national de l’enseignement secondaire à la Libération, chargé de la commission pédagogique et, à ce titre, il fut rapporteur aux congrès de 1945 et 1946 de la réforme de l’enseignement qui était en préparation par la commission Langevin-Wallon. Il était en même temps membre de la CA de la FGE. Dans les débats préparatoires au congrès fédéral de 1946, il défendit le maintien de la FGE à la FGF et ne fit plus partie de la direction de la fédération de l’enseignement qui prit le nom de Fédération de l’Education nationale.

En février 1948, au moment des discussions sur le devenir de l’unité dans le syndicalisme français, il fit paraître dans Force Ouvrière un article pour appeler les enseignants à rejoindre la nouvelle confédération et fut signataire du même appel paru dans L’Université syndicaliste. Fin mars et début avril 1948, en compagnie notamment de Francis Perrin, Maurice Janets, Pierre Galoni, Gilbert Walusinski, il appela à nouveau les membres de la Fédération générale de l’Enseignement de l’ancienne CGT à rejoindre le courant « Force Ouvrière » pour fonder un syndicat d’enseignants dans la CGT-FO.

Retraité en 1949, il se retira dans son village natal.

A la suite de son décès en 1957, Pierre Dhombres et Albert-Claude Bay lui rendirent hommage dans L’Université syndicaliste du 15 octobre, suivis par Louis Dumas dans L’École libératrice du 18 octobre.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article50848, notice MÉRAT Lucien, Pierre, Auguste par Alain Dalançon, version mise en ligne le 16 juillet 2009, dernière modification le 17 février 2021.

Par Alain Dalançon

SOURCES : Arch. Nat., F17 25335. — Arch. PPo. 306 et Ba/1686. — Arch. IRHSES. dont presse syndicale. — Arch. Dép. Aube, état civil, registres matricules 1911. — Force Ouvrière, hebdomadaire de la CGT-FO, 12 février, 1 et 8 avril 1948. — D. Stephany, Le personnel de la CGT de 1936 à 1939, op. cit. DBMOF, notice non signée rédigée par Jean Maitron. — Notes de Louis Botella et de Jacques Girault.

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