BOBST Hermann

Par Peter Huber

Né le 31 janvier 1886 à Sissach (Bâle-Campagne), décédé le 6 avril 1961 à Zurich ; membre fondateur du PCS, délégué au 1er plénum du Comité exécutif de l’Internationale communiste (CEIC) (1922) et au10e plénum (1929) ; membre du bureau politique du Parti communiste suisse (1927-1930) ; exclu du Parti en 1932 ; réadmis au PS, exclu en 1935 ; militant trotskyste après1945.

Né dans une famille de passementiers à domicile, Hermann Bobst fit son apprentissage de typographe à Neuchâtel, où il adhéra en 1903 au syndicat et au PS. En 1909, il se maria avec Helena Wahli, dont il eut trois enfants. En 1913, il fut élu secrétaire général du syndicat des ouvriers du papier et des arts graphiques, et le fut jusqu’en 1919. Habitant Zurich depuis le début de la guerre, membre de l’extrême gauche du PS, il était proche des idées du syndicalisme révolutionnaire. Collaborateur du groupe ultragauche Forderung, dirigé par son ami Jakob Herzog, proche des « tribunistes » hollandais, il fut exclu du PS en 1919 par l’aile gauche organisée autour de Fritz Platten.

Fondateur, avec J. Herzog, de l’ancien Parti communiste (Altkommunisten) et de son organe Neue Ordnung, il rejoignit la gauche socialiste en 1921, lorsque celle-ci rompit avec le PS, afin de fonder le PCS avec leurs partenaires ultragauches. Bobst se rapprocha des positions léninistes, abandonna son antiparlementarisme virulent et défendit la ligne de front unique dès son début. Spécialiste du PCS pour les questions syndicales, il devint la bête noire des syndicalistes modérés. Avec son compagnon J. Herzog, il représenta le Parti communiste suisse au 1er plénum du CEIC (février-mars 1922) et fustigea, devant les délégués, les « communistes purs », réticents au travail dans les syndicats réformistes et hostiles au front unique. Néanmoins, J. Herzog et Bobst firent preuve d’une certaine indépendance et de courage en s’abstenant de condamner les positions défendues par l’Opposition ouvrière lors du vote des délégués.
Revenu en Suisse, il quitta la rédaction du quotidien communiste Basler Vorwärts pour devenir rédacteur à l’organe zurichois Der Kämpfer. Élu au comité central en 1922, il siégea pendant de longues années au Parlement communal (1925-1931) et cantonal (1923-1932). Il resta lié au travail syndical, comme secrétaire du syndicat des ouvriers du vêtement et du cuir, un des rares syndicats sous direction communiste, qui fut exclu de l’Union syndicale suisse en 1930. Dans un premier temps, Bobst salua, avec enthousiasme la ligne de la « Troisième période ». Membre du bureau politique depuis 1927, il fut maintenu à sa direction lors de la mise au pas du PCS par le Komintern en 1929. Pendant l’été 1929, il fit un deuxième voyage à Moscou pour y représenter le Parti au 10e plénum du Comité exécutif de l’Internationale communiste. Plusieurs orateurs, parmi lesquels O. Kuusinen, D.Z.

Manouilski et W. Ulbricht, critiquèrent durement « l’opportunisme » du PCS et celui de J. Humbert-Droz en particulier. Bobst préféra ne pas prendre la parole.

De retour en Suisse, il commença peu à peu à mettre en doute la nouvelle orientation politique du Komintern telle qu’elle était appliquée en Suisse. Tout en admettant que le Komintern avait raison pour l’essentiel, il douta de la validité de la « stratégie de l’offensive » pour la Suisse. Devant le comité central et le bureau politique, il défendit la thèse selon laquelle les conditions nécessaires pour l’application de la nouvelle stratégie n’étaient pas réunies en Suisse. Le Parti condamna les réticences exprimées par Bobst qu’il nomma « théorie des spécificités historiques de la Suisse ». Bobst avança, à juste titre, que la situation économique de la Suisse ne pouvait pas être comparée à celle de l’Allemagne. Les industriels suisses, selon Bobst, étant encore capables — comme au temps de la « stabilisation relative » de 1924-1928 — de faire de petites concessions aux travailleurs, les grèves ne prenaient pas automatiquement une dynamique de la « confrontation finale » avec l’État et les dirigeants sociodémocrates. Évincé du bureau politique lors du 5e congrès (1930), il fut exclu du Parti en janvier 1932.

L’expulsion de Bobst coïncida avec une forte poussée à gauche au sein du PS zurichois, lequel accepta sa demande de réintégration, malgré l’avis contraire des directions cantonale et nationale, qui le considéraient comme un cheval de Troie au sein du PS qu’il aurait toujours combattu. La gauche zurichoise — en moyenne une génération plus jeune que Bobst — l’accepta à bras ouverts. Cet épisode fut de courte durée : lorsque la droite du PS reprit en main le Parti, la gauche en fut expulsée. Celle-ci se rapprocha très vite d’un PC faisant ses premiers pas en direction du front populaire. Bobst resta en dehors des deux partis et se retira du militantisme. Ce n’est que dans l’après-guerre, et dans une situation nouvelle, qu’il reprit son activité politique.

Cependant, il n’adhéra ni au PS, ni au Parti du Travail, qui, dans les premières années de l’après guerre et jusqu’au début de la guerre froide, furent un vaste rassemblement de la gauche, bien éloigné du sectarisme du PCS des années 1930. Bobst rejoignit le groupe trotskyste Proletarische Aktion, fort d’une cinquantaine de militants en Suisse alémanique, qui, à partir de 1953, s’appela Sozialistischer Arbeiterbund. Secrétaire de sa section zurichoise pendant plusieurs années, Bobst mourut subitement le 6 avril 1961.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article50849, notice BOBST Hermann par Peter Huber, version mise en ligne le 16 juillet 2009, dernière modification le 10 décembre 2018.

Par Peter Huber

ŒUVRE : H. Bobst, Wie helfen wir uns gegen Reaktion, Lohnabbau und Arbeitszeitverlängerung ?, [sans lieu], Verlag der KPS, 1921. — H. Bobst, Tatsachen gegen Schimpfepisteln undVerleumdungen. « Bobst als indirekter Mitarbeiterdes Volksrecht », [Zurich, 1932], 6 p.

SOURCES : RGASPI, dossier personnel, 495 274 36. — AFS, E 4320 (B) 1975/40, vol. 71. — Das Arbeiterwort, n° 1 (1961) et n° 3 (1961). — H. U. Jost, Linksradikalismus in der deutschen Schweiz 1914-1918, Berne, Verlag Stämpfli, 1973, p. 164-169. — P. Stettler, Die Kommunistische Partei der Schweiz (1921-1931), Berne, Francke Verlag, 1980, p. 506. — D. Vogelsanger, Trotzkismus in der Schweiz 19301942. Ein Beitrag zur Geschichte der SchweizerArbeiterbewgung bis zum Zweiten Weltkrieg, Zurich, Zentralstelle der Studentenschaft, 1986, p. 219.

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