BODY Marcel [BODY Jean, Alexandre dit Marcel]. [version DBK]

Par Anne Manigaud

Né le 23 octobre 1894 à Limoges (Haute-Vienne), mort le 12 novembre 1984 à Chatou (Yvelines) ; ouvrier typographe puis correcteur et traducteur de russe ; collaborateur du Komintern.

Fils d’un ouvrier céramiste-tourneur de creux et d’une couturière, titulaire du certificat d’études primaires, apprenti typographe en 1907 à l’Imprimerie ouvrière, Marcel Body adhéra en 1909 à la Fédération du livre et, en août 1914, à la Fédération socialiste de la Haute-Vienne. Il se mit à aimer la Russie en lisant Résurrection de Léon Tolstoï et le hasard le fit rencontrer un Russe émailleur à Limoges avec qui il apprit les rudiments de la langue. Appelé sous les drapeaux le 21 août 1916, il se porta volontaire pour partir en Russie. En février 1917, il arriva à Mourmansk. En mars 1918, il fut versé à la Mission militaire française à Moscou dirigée par le capitaine Jacques Sadoul*. Avec celui-ci, Pierre Pascal* et Robert Petit*, il se prononça contre la politique interventionniste du gouvernement français en Russie. Dès le mois d’août 1918, il rompit avec la Mission et adhéra début septembre au Groupe communiste français de Moscou, rattaché à la Fédération des groupes communistes étrangers, elle-même annexe du PC russe.

Avec Jacques Sadoul* et Pierre Pascal*, il fut rédacteur de la Troisième Internationale, hebdomadaire publié en français à Moscou, et, toujours avec Jacques Sadoul, il s’occupa aussi de la rédaction du Drapeau rouge à Kiev puis à Odessa (mars-août 1919). Il utilisait le pseudonyme de J. Laurens. En même temps, il créa dans ces deux villes un Groupe communiste français. L’agit-prop prenait différentes formes, toutes dirigées vers les Français sur place (prisonniers ou militaires des troupes d’intervention). Le 21 août, il dut fuir Odessa occupé par Denikine. Ayant rejoint les troupes soviétiques, il fit retraite à travers l’Ukraine jusqu’à Jitomir puis, en octobre, ce fut le retour à Moscou.

Entre octobre 1919 et février 1920, le Groupe communiste français de Moscou (GCF) traversa une période de conflits internes : rivalités entre Sadoul* et Guilbeaux* et dissensions de Sadoul* avec Pascal* et Body. Il accepta alors de partir pour Pétrograd où il fonda un groupe communiste français et collabora avec Victor Serge* aux publications de la Troisième Internationale en qualité de traducteur. Il assista aux IIe et IIIe congrès de l’Internationale communiste et publia avec Victor Serge* un bulletin d’information après chaque séance. En 1921, il fut versé dans les services diplomatiques et envoyé à Christiania (Norvège) comme secrétaire particulier du représentant plénipotentiaire soviétique. En 1923, il fut nommé premier secrétaire de ladite représentation ainsi que de la représentation commerciale que dirigeait désormais Alexandra Kollontaï arrivée en octobre 1922 et à laquelle il fut très lié. Fin décembre 1925, il quitta la représentation plénipotentiaire et revint en France afin de régulariser sa situation militaire. En avril 1926, il retourna en URSS et reprit une place de responsable au Comité exécutif de l’Internationale communiste en qualité de traducteur officiel de Lénine* mais refusa de rester dans le service diplomatique. C’est en février 1927 qu’il put retourner définitivement en France avec son épouse russe et sa fille.

Dès son arrivée à Limoges (mars 1927), il écrivit des articles dans Le Travailleur du Centre-Ouest et intégra rapidement l’équipe dirigeante du PC local. Délégué à la conférence nationale du PCF tenue du 26 au 28 juin 1927, il refusa de ratifier la sanction d’exclusion prononcée contre Trotsky* et Zinoviev*, tout en condamnant la politique de l’Opposition russe. Sa rupture devint totale lors de l’application de la ligne « classe contre classe » et, au cours de la conférence nationale réunie du 30 janvier au 1er février 1928, il s’opposa à l’exclusion d’Albert Treint*. Au second tour des élections législatives le 29 avril, il appela à voter pour le candidat socialiste resté en lice. Exclu du PC, M. Body se lança dans la publication d’un petit journal La Voix d’un militant qui n’eut que trois numéros, immédiatement suivi par La Vérité (15 numéros) dont l’écho fut national, avec les collaborations de Lucien Laurat*, Pierre Monatte, Boris Souvarine*, Robert Louzon, Alfred Rosmer*, Jean-Jacques Soudeille, Gérard Rosenthal, Marcel Martinet, Maurice Paz et Pierre Naville. M. Body créa autour de son journal une petite organisation, l’Union des travailleurs révolutionnaires, qui eut une existence éphémère. Son attitude, dénuée de sectarisme, ne l’amena cependant pas à rechercher le regroupement des oppositionnels et, en juin 1928, il refusa notamment de participer à la conférence nationale des opposants proposée par le groupe « Contre le courant » dirigé par Maurice Paz.

Interrompant la parution de La Vérité, M. Body quitta Limoges et s’installa à la fin de l’année 1929 à Paris. Il devint alors correcteur tout en travaillant à des traductions pour Trotsky* et pour les éditions communistes. Il correspondit avec Alexandra Kollontaï jusqu’en 1936. Il se situait alors dans ce que l’on pourrait appeler la mouvance syndicaliste révolutionnaire, entretenant en particulier des contacts avec La Révolution prolétarienne. Il fut membre de la section socialiste de Chatou en 1937-1938.

En 1940, il fut mobilisé à Limoges. Après sa démobilisation, il partit pour Lyon où il travailla comme correcteur à Paris-Soir jusqu’en 1942. Revenu à Limoges, il entra à « La Fraternelle » en qualité de directeur d’exploitation forestière. De retour à Paris en 1946, il travailla à nouveau comme correcteur et collabora à différents journaux ou revues en tant qu’auteur ou membre de l’équipe de publication (Preuves, Le Contrat social) et fit une série de conférences et d’articles pour La Révolution prolétarienne à l’occasion du cinquantenaire de la révolution russe. À partir de 1956, il contribua à la publication des archives Bakounine par Arthur Lehning.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article50851, notice BODY Marcel [BODY Jean, Alexandre dit Marcel]. [version DBK] par Anne Manigaud, version mise en ligne le 16 juillet 2009, dernière modification le 16 juillet 2009.

Par Anne Manigaud

ŒUVRE : Marcel Body, Un piano en bouleau de Carélie (mes années de Russie, 1917-1927), Éditions Hachette, 1981.

SOURCES : RGASPI, dossier personnel série 495 et fonds français, dossier 517 1 17. — Anne Manigaud, Marcel Body : Limoges-Moscou-Limoges. Itinéraire bouleversé par la révolution russe, Mémoire de Maîtrise, Paris I, 1994. — Notice par J.-M. Brabant, J. Maitron et Anne Manigaud, DBMOF.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable