CERETTI Giulio. [CERRETI Giulio, dit CERETTI Giulio]. Pseudonymes : AGOSTINI, ALLARD Paul, ALLARD Pierre, PIERRE, TOSCANI Sergio, MARTIN Jacques, FLAVIEN Lucien. [version DBK]

Par Michel Dreyfus

Né le 11 octobre 1903 à Sesto Fiorentino (Florence), mort en juin 1985 ; mécanicien-ajusteur puis employé ; syndicaliste et communiste italien, réfugié clandestinement en France en 1927 ; membre du comité central du PCF de 1932 à 1945 ; proche collaborateur de Maurice Thorez et d’Eugen Fried puis de Palmiro Togliatti* ; important responsable des services financiers et commerciaux du PC et de l’Internationale.

Après avoir travaillé comme ajusteur et ouvrier métallurgiste de 1913 à 1920, Giulio Ceretti devint l’équivalent de professeur de français. Secrétaire de l’organisation florentine des JC, il fut secrétaire de la Fédération des métallos de Florence de 1920 à 1924. Devenu secrétaire de la section de Florence du PCI, arrêté en 1925, libéré au bout d’une semaine, il gagna la France en juin 1927.

Lors de son arrivée, la police, inquiète de la campagne en faveur de Sacco et Vanzetti, fit une rafle dans les milieux italiens où il fut arrêté puis relâché avec ordre de quitter la région parisienne. Une enquête ayant prouvé son appartenance au PCI, il encourut le 9 septembre 1927 un arrêté d’expulsion. Mais Ceretti ayant pris la précaution de partir à Lyon (Rhône), la police perdit sa trace jusqu’en 1934. Il prit en main le travail antifasciste parmi les ouvriers italiens de ce département et créa une école du PCI. Il fut manœuvre dans un atelier de sculpture d’objets religieux puis comptable dans une coopérative. Vivant à Toulon (Var) depuis juillet 1929, il combattit les partisans marseillais de la direction Barbé*-Celor* en 1930 et fut alors remarqué par MauriceThorez.

En août 1930, Ceretti vint à Paris assurer le secrétariat général des Comités prolétaires antifascistes puis il travailla auprès d’H. Barbusse*. Fin mars 1931, sous le nom d’Allard, il fut amené à prendre, en remplacement de Bonnetti (Melchiore Vanni), la direction des Groupes communistes de langue italienne. Sa lutte contre les trotskystes à Lyon en 1928-1929 et dans le Var en 1929-1930 — il avait fait expulser Blasco, Leonetti et Santini du PCI — favorisa son ascension : le 7e congrès du PC (Paris, mars 1932) élut au comité central les deux responsables de Groupes de langue, italien et polonais : Allard-Ceretti et Joseph Kostecki-Kolosk, dit Dumont*. Toutefois, Ceretti resta un membre important du PCI. En mai 1934, il devint un des dirigeants de la Main d’oeuvre immigrée.

Le même mois, à la tête d’une délégation italienne, il fit un premier voyage en URSS qui devait marquer pour lui un point de non-retour : son activité fut alors « uniquement française » et liée à « toutes les entreprises larges organisées ou contrôlées par le Parti » (30 janvier 1941). Jusqu’en 1939, il fut un des plus proches collaborateurs d’Eugen Fried*. Il devint le responsable discret des services financiers et commerciaux du PC dont le rôle fut de première importance pendant la guerre d’Espagne. Dès le mois d’août 1936, il rencontra Gaston Cusin, mandaté personnellement par L. Blum pour suivre l’affaire espagnole, et lui fit sentir qu’en ce domaine, il ne dépendait pas du PC français mais directement de l’IC. Président du Comité d’aide internationale à la République espagnole, Ceretti assista, fin septembre 1936, à une importante réunion chez Thorez* à Ivry où étaient également présents E. Fried*, M. Tréand* et le trésorier du Parti, E. Dutilleul* : y furent décidées la constitution des Brigades internationales ainsi que l’organisation d’un réseau de transport d’armes pour l’Espagne dont Ceretti se vit confier la charge. Le 15 avril 1937 fut officiellement créée la Compagnie France-Navigation dirigée par Ceretti, sous le nom de M. Pierre, aidé par G. Gosnat* et Tréand. Chaque semaine, avec Fried*, Ceretti* se rendait à l’ambassade soviétique afin d’assurer le lien entre Gaston Cusin, les Espagnols et les Soviétiques.

Ses relations avec les hommes d’affaire et techniciens, établies « en accord avec la direction du Parti et de la Maison [le Komintern] » quoique professionnelles, ne l’empêchèrent pas de soigner, « par voie indirecte », ses rapports avec des personnages hauts placés (21 octobre 1938). Dans une note du 10 février 1938, Tréand confirmait les « résultats très importants » auxquels avait abouti Ceretti et en mai 1943, Thorez rappelait encore son travail « à la direction de plusieurs “grandes” entreprises du Parti avec succès ». C’était donc un homme de confiance qui collaborait également à la commission des cadres et à la commission centrale de contrôle politique. Il fut chargé de plusieurs cours à l’École centrale du Parti. Pendant l’été 1938, il prospecta dans les pays de l’Europe du Nord afin de mettre en place une série de « planques » destinées à un éventuel repli de la direction française. La veille de la grève générale du 30 novembre 1938, il hébergea Fried* ; quelques jours plus tard, ce dernier le chargea d’intervenir auprès de L. Blum afin d’inciter E. Daladier à renoncer à des représailles contre les responsables syndicaux communistes. Mais Blum refusa de recevoir Ceretti.
Il semble que Ceretti ait été troublé par le Pacte germano-soviétique. Néanmoins, début septembre 1939, il aurait rejoint la Belgique sur ordre de Fried* pour y organiser un Centre de liaison et de direction du PCF en s’appuyant sur J. Duclos, A. Ramette* et bientôt Tréand. Le 13 ou 14 septembre 1939, Ceretti organisa à Lille une réunion à laquelle assistèrent Fried*, Duclos* et Frachon* au cours de laquelle fut décidée la publication illégale de l’Humanité, la fabrication en Belgique d’une littérature de propagande à destination du PCF et la mise sur pied d’une liaison avec Fried* dont fut chargée Martha Desrumeaux*. Le 9 octobre, Ceretti assista à la « réunion de Bruges » où étaient présents Fried*, Thorez, Duclos*, Ramette*, Dutilleul* et Tréand.
Rappelé à Moscou pour rendre des comptes sur France-Navigation, Ceretti quitta la Belgique le 29 décembre 1939 et rejoignit le Danemark par l’Allemagne. Arrêté par la police danoise au moment de l’invasion allemande, il fut libéré grâce à l’intervention diplomatique de l’Union soviétique et accueilli à Moscou. Suspecté dans sa gestion de France-Navigation sur la base d’un rapport accusateur de Tréand, il fit, début 1941, l’objet d’une enquête approfondie que suivit personnellement D. Manouilski. Les accusations portées contre lui firent long feu puisqu’il continua d’appartenir à l’appareil du Komintern dans la capitale, puis à partir d’octobre 1941, à Oufa dans l’Oural. En 1941, il eut à s’occuper de la libération des communistes français, ex-prisonniers de guerre des Allemands, internés dans les camps soviétiques.

Il reprit ensuite place au PCI et collabora avec Palmiro Togliatti*. Revenu en Italie en 1945, il fut député à l’Assemblée constituante, membre du 4e ministère De Gasperi puis député au Parlement jusqu’en 1963, année de son élection au Sénat. Le 10e congrès du Parti communiste italien (1962) l’avait élu à son comité central. Il revint plusieurs fois en France après la guerre, notamment lors de la publication en français de son ouvrage, À l’ombre des deux T. 40 ans avec Palmiro Togliatti et Maurice Thorez (Julliard, 1973).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article50882, notice CERETTI Giulio. [CERRETI Giulio, dit CERETTI Giulio]. Pseudonymes : AGOSTINI, ALLARD Paul, ALLARD Pierre, PIERRE, TOSCANI Sergio, MARTIN Jacques, FLAVIEN Lucien. [version DBK] par Michel Dreyfus, version mise en ligne le 18 juillet 2009, dernière modification le 4 octobre 2010.

Par Michel Dreyfus

SOURCES : RGASPI 495 221 39 : autobiographie du 21 octobre 1938 ; notes de Tréand (10 février 1938) et de M. Thorez (24 mai 1943) ; questionnaire (en russe) et autobiographie du 30 janvier 1941. — Notice par J. Maitron et Cl. Pennetier, DBMOF, t. 21. — A. Kriegel, S Courtois, Eugen Fried…, op. cit.

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