COENEN Félix

Par José Gotovitch

Né et mort à Bruxelles 5 mars 1895-27 mai 1972 ; employé comptable, journaliste ; fondateur du Parti communiste belge, délégué au IIIe congrès de l’Internationale communiste ; secrétaire général du PC ; « pratiquant » à l’IC en 1927 ; correspondant de la presse de l’Internationale.

Félix Coenen et Pierre Bosson
Félix Coenen et Pierre Bosson

Né d’un père artisan encadreur et d’une mère sans profession, Félix Coenen quitta l’école à seize ans pour travailler comme employé comptable puis représentant de commerce. En 1911 il adhéra au Syndicat général des Employés, l’année suivante, à la Jeune garde socialiste (JGS). Il participa activement à la grève générale de 1913 et adhéra au Parti ouvrier belge (POB) en 1914. Il était membre de la Fédération sportive ouvrière.

Pendant la guerre 1914-1918, il fut trésorier du groupe JGS de Bruxelles. Il participa au courant « internationaliste » opposé à la guerre. Il fut de ceux qui saluèrent la Révolution d’octobre. Partisan de l’adhésion à la IIIe Internationale, il était dans la minorité. Il était alors secrétaire fédéral de Bruxelles. Il diffusait L’Exploité de Jacquemotte et collaborait à la revue Socialisme, éditée par la JGS de Bruxelles de juillet 1919 à janvier 1920. À cette date, la direction socialiste ordonna la cessation de parution. Il défendit le maintien au sein du POB.

La majorité, conduite par War Van Overstraeten décida de créer un mouvement autonome, édita un journal, l’Ouvrier communiste, adhéra à la IIIe Internationale et se constitua en parti communiste. Coenen la suivit et fut élu à la direction nationale de ce parti. Il fut délégué au IIIe congrès de l’IC en 1921 ainsi qu’au congrès international syndical. Quand l’IC imposa la fusion avec le groupe de Jacquemotte, Coenen fut l’un des négociateurs qui faisait partie du comité préparatoire et se retrouva, en septembre 1921, à la direction du nouveau Parti, le PCB, représentant la fraction Van Overstraeten. Poursuivant son activité syndicale, il avait été élu au comité central du Syndicat des Employés. C’est au début de 1923 que Félix Coenen rejoignit les positions de Jacquemotte. Il fut peu après, le 9 mars 1923, l’un des 18 dirigeants communistes inculpés et arrêtés dans ce qu’on a appelé le « grand complot ». Acquitté et libéré cinq mois plus tard, il prit la direction du nouveau quotidien du Parti Le Drapeau rouge, qui commença à paraître le ler janvier 1924. Il fit un court stage à l’Humanité. Il était devenu définitivement un révolutionnaire professionnel.

En 1925, il fut poussé au bureau politique par l’IC pour contrebalancer les fractions Van Overstraeten et Jacquemotte. En 1926, il fut élu conseiller communal à Saint-Gilles. Début 1927, il partit pour Moscou où il travailla à la section d’organisation de l’IC. Mais fin décembre, devant les difficultés nées dans le PCB sur « la question russe », il demanda à rentrer et mena la bataille contre les trotskystes conduits par Van Overstraeten, alors secrétaire général du Parti. Ce dernier avait été désigné par le bureau politique comme rapporteur de sa tendance contre Coenen, rapporteur pour la tendance de l’IC. Le congrès de mars 1928 qui consacra la défaite et l’expulsion des trotskystes le choisit comme secrétaire général, en même temps que rédacteur en chef du Drapeau Rouge. Il fut rapporteur sur la question belge au Secrétariat latin en août 1928.

En 1929, un bureau politique provisoire fut constitué, les « opportunistes » Coenen et Jacquemotte en furent écartés. Dans le parti décimé par la scission, la lutte entre dirigeants suivit des contours peu discernables. Écarté du bureau politique en 1930, Coenen y revint au congrès de Seraing de 1931. Il joua un rôle certain à la direction pendant les grèves de 1932 mais, témoignage des contradictions d’un petit parti, la conférence de Charleroi en 1935, qui consacra la victoire définitive de Jacquemotte, donc de la ligne à laquelle il adhérait, l’écarta totalement de la direction. Cette mise à l’écart de Coenen était dûe à des considérations d’ordre politique mais aussi à la « fantaisie » dont il faisait preuve dans son travail, fantaisie peu compatible avec le puritanisme bolchevique de l’époque. lI devint alors correspondant de La Correspondance internationale et de RUNA. À partir de 1937, il collabora régulièrement au nouveau quotidien La Voix du Peuple et en devint rédacteur permanent en 1939. Peu après, le journal fut interdit et ses journalistes surveillés.

Coenen fut arrêté en octobre 1939 et poursuivi sur base d’un arrêté-loi réprimant les agents rémunérés par l’étranger. Il fut d’ailleurs blâmé à cette occasion par la Commission de contrôle pour avoir conservé des preuves de ces rémunérations étrangères. Il collabora encore à la presse semi-légale du Parti, mais devint officiellement traducteur pour le bureau de l’agence Tass de Bruxelles. Aussi fut-il arrêté le 10 mai 1940 et déporté au camp du Vernet dont il revint en août 1940. Il reprit sa collaboration à l’agence Tass dont il devint secrétaire.

Après le 22 juin, le bureau Tass fermé, il passa dans la clandestinité. Pierre Joye fit appel à lui pour assurer la mise en page et la correction du Drapeau Rouge clandestin. En mai 1943, Coenen en devint le rédacteur en chef. Il assura la sortie légale du journal en septembre 1944. Coopté au comité central en juillet 1944, au bureau politique dès la Libération, il dirigea le quotidien.

Les congrès successifs l’élurent au comité central (1946-1948-1951), les élections de 1946 en firent un sénateur, spécialisé dans les questions internationales. Mais en 1953, après de multiples tentatives pour l’aider à sortir de son accoutumance alcoolique, le CC le suspendit de la rédaction puis l’exclut de son sein. Le congrès de 1954 ne le réélut pas. Malade, il fut chargé d’écrire une histoire du Parti communiste belge qu’il avait déjà esquissée en 1947. Il ne la mena malheureusement pas à terme. Hospitalisé, il mourut à soixante-dix-sept ans. Doté d’une culture politique étendue, d’une ironie qu’il retournait avec humour contre lui-même, admiré par les journalistes qu’il avait formés, sa gouaille éminemment populaire en faisait un orateur particulièrement apprécié dans le milieu étudiant. Il fut marié successivement avec deux militantes communistes, dont la première Denise Heris (3 juin 1903- ?) épousée en 1924, travailla de décembre 1927 à février 1928 avec lui à Moscou comme dactylo française dans l’appareil de l’IC et fut trésorière de la section belge du SRI jusqu’en 1934. Divorcé en 1938, il épousa en 1950 Claire Nasielski. Sa dernière compagne fut Blanche Kesteloot (1909-1988), militante depuis 1935 et résistante.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article50890, notice COENEN Félix par José Gotovitch, version mise en ligne le 18 juillet 2009, dernière modification le 25 janvier 2022.

Par José Gotovitch

Félix Coenen et Pierre Bosson
Félix Coenen et Pierre Bosson

ŒUVRE : « Morceaux d’histoire du PCB », Le Guide du militant, 6, 7, 8, 1947-1948. — « La naissance du PCB », Le Drapeau Rouge, 24 septembre 1960. — « Il y a quarante ans », Le Drapeau Rouge, 8 novembre 1957.

SOURCES : RGASPI, dossier cadres, 495 193 15, et 495 193 215. — CARCOB, dossier CCP. — Le Drapeau Rouge, 3 juin 1972, 5 mars 1960. — José Gotovitch, Du Rouge au Tricolore, op. cit., p. 490-492.

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