Par Michel Dreyfus, Claude Pennetier
Né le 15 décembre 1901 à Montigny-les-Cherlieux (Haute-Saône), mort le 12 mars 1978 à Gagny (Seine-Saint-Denis) ; agrégé de lettres ; membre du comité central (1936-mai 1964) ; délégué du PC auprès de l’IC (septembre 1936-1939) ; rédacteur en chef de l’Humanité (1937-juillet 1947) ; un des responsables du secrétariat politique de Maurice Thorez (1954-1964) ; décoré de l’Ordre de l’Amitié des Peuples (URSS), le 17 décembre 1976.
Fils de paysans, Georges Cogniot, après avoir passé sa licence à Lyon, entra en novembre 1921 à l’École normale supérieure rue d’Ulm et adhéra peu après au PC. En 1925, il connaissait Rakowski*, ambassadeur d’URSS en France mais lorsque ce dernier devint un opposant à Staline, il affirma que ces relations n’avaient aucun caractère politique. Nommé au lycée d’Evreux en automne 1925, il demanda, début 1926, à Pierre Semard* de prendre des responsabilités militantes. Mais comme il avait signé en octobre 1925 la « Lettre des 250 » critiquant la « bolchevisation » du Parti, son orientation ainsi que celle de l’IC, Pierre Semard* lui suggéra de se consacrer au travail syndical qui alors « n’occupait pas le haut de l’échelle », comme devait l’écrire Cogniot dans ses Mémoires. Dans un document autobiographique il écrivit : « Sous l’influence d’Amédée Dunois que je connaissais d’assez près, je fus sympathisant avec l’opposition, dont j’ai même signé un document, la fameuse lettre dite des 250. Mais, dès que le Parti m’eut fait comprendre la gravité de cet acte, je retirai ma signature, je n’ai donc subi aucune sanction du Parti. J’ai rompu dès son exclusion avec Amédée Dunois ; j’ai depuis combattu Souvarine* partout où j’ai eu l’occasion, notamment au Cercle de documentation sociale de l’École normale supérieure quand il a essayé d’y faire de l’agitation antisoviétique en 1928-1929. Cet épisode honteux de ma vie de parti a été une leçon pour moi. » Dès lors, il devait faire preuve d’une orthodoxie totale. Membre du Syndicat unitaire de l’enseignement, il lutta avec acharnement contre la majorité fédérale communiste oppositionnelle. ll s’était lié avec Claude Vernochet secrétaire, depuis sa fondation en 1924, de l’Internationale des travailleurs de l’enseignement (ITE). Très vite, Claude Vernochet lui demanda de prendre en charge la rédaction du Bulletin de l’Internationale des travailleurs de l’enseignement (ITE), ce à quoi sa connaissance de nombreuses langues lui fut particulièrement utile.
En 1928, Georges Cogniot se rendit pour la première fois en URSS puis ayant quitté son lycée d’Evreux, il se consacra dès lors à l’ITE comme l’avait décidé le Comité exécutif de l’IC. Ce fut pour lui le début d’une activité syndicale internationale intense, à travers sa participation aux congrès de l’ITE (6e, Anvers, août 1930, 7e Hambourg, 1932) ainsi qu’à ceux de ses différentes sections nationales.
En octobre 1931, Georges Cogniot reprit un poste dans l’enseignement mais pour peu de temps car il fut élu secrétaire général de l’ITE à l’issue de son 7e congrès.
Il revint à l’enseignement en octobre 1933, d’abord à Saint-Quentin puis Paris où il milita activement à l’Université ouvrière (voir Paul Bouthonnier*). Élu député en mai 1936, il eut une activité considérable à la Chambre. Depuis janvier 1936, il était membre suppléant du comité central, il en devint titulaire lors du 9e congrès du PC (Arles, décembre 1937).
Au printemps ou en septembre 1936, selon les sources, il fut désigné comme le représentant du PC auprès de l’Internationale communiste. Il vécut donc à Moscou tout en revenant tous les mois de façon à peu près régulière afin de remplir ses tâches de député et assurer ses responsabilités syndicales. Début 1937, il y présenta une longue analyse de la situation en France, sévère pour les intellectuels qui critiquaient le stalinisme comme l’instituteur Maurice Dommanget (Aperçu de l’activité des trotskistes en France, 517/1/1838). De retour à Paris en octobre 1937, il succéda à Paul Vaillant-Couturier*, récemment décédé, à la direction de l’Humanité ; cette fonction le fit régulièrement assister aux réunions du bureau politique. Il contrôlait, pour le Komintern, les permanents étrangers dans les organisations de masse. Son épouse, Erna Bielfeld, était traductrice au Komintern. Jusqu’en 1939, il se rendit de nombreuses fois en URSS, notamment en mars 1938 où il assista au troisième des « Grands » procès de Moscou où furent jugés Boukharine, Yagoda et Rykov ; Georges Cogniot en rendit compte sans problème, semble-t-il, dans les Cahiers du bolchevisme (n° 4, avril 1938). Il alla également à Moscou en novembre 1938 pour réviser la traduction française de L’Histoire du PC (b) de l’URSS dont il fut ensuite le principal responsable de la diffusion en France. Jusqu’à la Seconde Guerre, il fit le lien entre le PC et l’IC sur les questions les plus variées : situation politique économique et sociale en France, activité générale du PC, guerre d’Espagne, lutte pour la paix, situation de l’Humanité.
Étant officier mobilisé, il déclara avoir refusé « obstinément de désavouer » le Pacte germano soviétique mais la nouvelle orientation de l’IC, semble l’avoir surpris, voire troublé. Mobilisé en septembre 1939, hospitalisé, il fut fait prisonnier de guerre mais libéré en octobre 1940 comme malade incurable. Puis, il fut interné au printemps 1941 au camp de Compiègne-Royallieu ; il assura la direction politique clandestine communiste de ce camp et put s’évader avec certains de ses camarades en juin 1942. Il reprit alors son travail au sein de la résistance communiste et collabora notamment au secrétariat du PC. L’attitude de Cogniot pendant cette période fut plus complexe qu’il ne l’écrivit dans ses Mémoires si l’on se réfère au jugement porté sur lui par Maurice Thorez* en mars 1943 (signature « Jean »). Le secrétaire général du Parti jugeait sévèrement « le manque de fermeté » de cet « universitaire de grande capacité » mais impressionnable qui « n’osa pas aller au Parlement et s’associer à la manifestation courageuse de Guyot* et autres » et dont « l’attitude, fin 1940, n’était pas encore nette ». Il ajoutait cependant, après l’évasion de juin 1942, « qu’il pourrait travailler comme rédacteur de journaux et revues sous une direction, mais ne peut diriger seul ».
Élu député de 1945 à 1968 puis sénateur jusqu’en 1969, il fut l’un des représentants du PCF au Kominform, jusqu’en 1952 et participa à plusieurs de ses conférences. Revenu en France, il fut l’un des secrétaires politiques de Maurice Thorez à qui il manifesta un grand attachement. Il fut opposé à la publication du Rapport Khrouchtchev. Il devint à partir de 1966 le président de l’Institut Maurice Thorez*.
Par Michel Dreyfus, Claude Pennetier
ŒUVRE CHOISIE : Parti Pris, tome 1, 1976 ; tome 2, 1978, Éditions sociales.
SOURCES : RGASPI, 495 270 7 (autobiographie, Moscou, 2 avril 1937 et note de « Jean », 5 mars1943) ; 495 10 a 5, 9, f 12-13, 17, 18, 19, 34, 35, 38, 49, 53 ; 495 10 94 ; 495 18 1125, 1179, 1210, 1211, 1237 ; 517 1 642, 1838 et 1903. — Notice Cogniot par J. Maitron DBMOF, op. cit., tome 23. — Annie Kriegel, Stéphane Courtois, Eugen Fried…, op. cit. — Marcel Cachin, Carnets…, op. cit., tome 4 (1935-1947).