CONSTANT Étienne. Pseudonyme de JANCU Sofia (Sophie) [version DBK]

Par Claude Pennetier

Née le 9 février 1901 à Falticeni (Roumanie), morte en février 1984 à Paris ; journaliste ; fondatrice de l’Association des amis du peuple chinois ; compagne de Gabriel Péri.

Sofia Jancu
Sofia Jancu

« Étienne Constant » naquit en Moldavie dans une famille juive aisée. Vers 1924, Sophie prit contact avec les Jeunesses communistes de Brassov et, ayant appris la dactylographie, elle fit des tracts pour cette organisation. Aussitôt après la mort de son père, en 1931, elle partit à Paris et commença des études d’histoire à la Sorbonne, puis des études de sociologie, et suivit les cours de l’École des hautes études de journalisme. Domiciliée au Quartier latin, elle se lia avec des militants de l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires (AEAR), fondée en mars 1932. En contact avec le Secours rouge international (SRI), elle mena une active campagne pour la défense des prisonniers politiques en Roumanie. Gabriel Péri, responsable de la politique internationale à l’Humanité, la reçut au siège du journal et sympathisa immédiatement avec cette militante débordante de dynamisme, énergique et férue de problèmes mondiaux. Naquit ainsi un amour réciproque où la sensibilité politique commune joua un grand rôle. Elle adhéra au Parti communiste français vers 1933 ; elle fut affectée à une cellule du XVe arr. Sous le nom d’Étienne Constant, elle devint rédactrice dans des journaux proches du Parti, comme Regards et Lu et Vu. Elle fut secrétaire à la documentation du Comité mondial contre la guerre puis une des secrétaires internationales chargées de créer le Comité mondial des femmes contre la guerre et le fascisme (CMF). Le CMF fut présidé par Gabrielle Duchêne secondée par deux secrétaires : Bernadette Cattaneo* et Maria Rabaté*. Étienne Constant collabora régulièrement au journal Femmes dans l’action mondiale — qui prit le titre de Femmes au début de l’année 1937 — , du numéro 1 paru en septembre 1934 à septembre 1939.

Mais l’essentiel des activités d’Étienne Constant était consacré à l’Association des amis du peuple chinois, créé avec le soutien de l’Internationale communiste soucieuse d’organiser un large soutien à la nouvelle politique de « Front uni antijaponais ». En effet, au milieu de l’année 1935, le Parti communiste chinois avança le mot d’ordre de Gouvernement de défense nationale et au cours de l’été, Chou En-lai — qui, par ailleurs correspondait avec Étienne Constant, prit les premiers contacts avec le Kuomintang. Dans une lettre du 29 avril 1935 à Gabrielle Duchêne, Étienne Constant précisa ses buts : « À New York, Londres et Paris ont été constituées des sections de l’Association des Amis du Peuple chinois dont le centre est en France. Elle s’est assignée comme objectif de faire connaître la Chine et de la faire connaître objectivement en informant le public des vicissitudes dont ce grand pays est le théâtre et des bouleversements profonds qui l’agitent » (Arch. G. Duchêne, BDIC). Elle disposait de locaux place de la Trinité (IXe arr.) et publiait un bulletin dactylographié (n° 1, mars 1935, n° 7, décembre 1935). Acceptèrent de participer au premier comité directeur des sinologues et des intellectuels de gauche comme Louis Laloy (musicologue), Henri Levy-Bruhl, Paul Rivet, André Malraux, Andrée Viollis, Élie Faure, Augustin Hamon, le cinéaste Jean Painlevé et le docteur Roubakine. Étienne Constant assurait la fonction de secrétaire. Elle assista le 20 septembre 1936 à Paris, au congrès des Chinois d’outre-mer résidant en Europe qui créa la « Fédération des Associations chinoises en Europe pour le sauvetage de la patrie » dont le journal, publié en chinois, avait pour titre Front unique. En avril 1938 parut le premier numéro de la revue mensuelle Chine. L’Association y était ainsi présentée : « Les Amis du peuple chinois, section française, groupe cinquante-deux organisations syndicales, pacifistes, culturelles et d’anciens combattants, des partis politiques, des organisations de femmes et de jeunes. Elle a l’adhésion de cinq cents intellectuels et des organisations chinoises en France : Kuomintang, la Fédération chinoise en Europe pour le salut de la patrie, le Cercle d’études chinois et l’Association des étudiants chinois. L’Association a une section départementale à Nice et des sections nationales existent aux États-Unis, au Canada, au Mexique, aux Philippines, en Hollande ainsi que des organisations amies en Angleterre, en Belgique et en Tchécoslovaquie. » Douze numéros de Chine parurent d’avril 1938 à août 1939 : on y découvre six fois la signature d’Étienne Constant et neuf fois celle de Gabriel Péri qui attachait une grande importance aux entreprises militaires japonaises en Extrême-Orient. D’autre part, Étienne Constant avait organisé, en 1937, avec l’aide de l’architecte Jacques Woog, une grande exposition sur la Chine.

Dès la révolte ouvrière des Asturies (octobre1934), Étienne Constant organisa la solidarité avec le mouvement ouvrier espagnol. Pendant l’été 1936, elle avait manifesté son intention de partir défendre l’Espagne républicaine. Un représentant de l’Internationale communiste refusa en expliquant qu’elle devait poursuivre son travail en faveur du peuple chinois. Elle participa au Comité de coordination pour l’aide à l’Espagne et, à ce titre, eut des contacts internationaux et fut reçue par des hommes politiques français, en particulier par Léon Blum. L’été 1937 fut marqué par un voyage au Maghreb en compagnie de Gabriel Péri. Ils rendirent visite à Habib Bourguiba et publièrent à leur retour plusieurs articles. Étienne Constant collaborait au quotidien Ce Soir comme rédactrice diplomatique à la Société des Nations.

Après le Pacte germano-soviétique, elle rendit visite à Georges Cogniot — dont elle dépendait — qui lui donna l’ordre de partir sans passer par ses locaux de la place de la Trinité. Étienne Constant partagea la vie clandestine de Gabriel Péri, de l’interdiction du Parti communiste à son arrestation. Résistante en Isère, elle resta à Grenoble comme rédactrice du journal communiste [Le Travailleur alpin] et voyagea en Yougoslavie, en Bulgarie, en Roumanie. En froid avec la direction du Parti communiste français, elle repartit dans son pays d’origine vers 1950, sans chercher à y jouer un rôle politique. Elle avait cependant la carte du Parti communiste roumain et fréquentait les milieux de la Résistance roumaine. On lui confia l’organisation d’une grande exposition sur la culture française. En désaccord avec l’évolution des démocraties populaires, et après avoir obtenu l’exeat de Cogniot, elle revint en France en 1956 et s’engageant à la discrétion.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article50893, notice CONSTANT Étienne. Pseudonyme de JANCU Sofia (Sophie) [version DBK] par Claude Pennetier, version mise en ligne le 18 juillet 2009, dernière modification le 15 février 2014.

Par Claude Pennetier

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SOURCES : RGASPI, autobiographie, 495 270 2528. — Arch. Gabrielle Duchêne, BDIC. — Témoignage d’Étienne Constant recueilli par Claude Pennetier, juin-décembre 1981.

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