DECAUX Jules, Gustave. Pseudonyme à Moscou : FORCY Jules. [version DBK]

Par Claude Pennetier

Né le 7 novembre 1904 à Solesmes (Nord), mort le 29 juillet 1970 à Gresmaux (Somme) ; ouvrier métallurgiste ; militant communiste du Nord ; secrétaire régional des Jeunesses communistes du Nord (1929-1931) ; secrétaire de la Région du Nord du PC (1933) ; secrétaire de la Région puis Fédération Paris-Sud du PC ; élu membre suppléant du comité central aux 8e (1936) et au 9e congrès (1937) ; délégué du Parti communiste français auprès de l’Internationale communiste.

Fils d’un ouvrier briqueteur et d’une journalière, ouvrier chaudronnier à Anzin (Nord), Jules Decaux était titulaire du certificat d’étude puis avait commencé à travailler à douze ans et entra à l’usine l’année suivante. Il fut d’abord aide puis ouvrier chaudronnier. Dans la construction de wagon et de locomotive.se syndiqua à l’âge de seize ans et adhéra aux Jeunesses communistes dès leur constitution en 1921. Il effectua son service militaire en Algérie puis au Maroc au régiment de novembre 1924 à avril 1926, comme tireur au fusil mitrailleur.

Choisi en 1924 comme secrétaire du rayon des JC d’Anzin nouvellement créé, il fit ses premières armes d’organisateur à l’occasion de la campagne contre la guerre du Rif. Après avoir suivi les cours de l’École de propagandiste de Paris en mars-avril 1929, il assista fin avril au congrès des JC, réuni salle de la Grange-aux-Belles à Paris, qui le nomma membre du bureau de la Fédération. Curieusement, il n’adhéra officiellement au Parti communiste qu’en novembre 1929. Mais il représentait la Jeunesse dans les organismes du Parti.
En octobre 1929, il participa aux grèves des métaux de Valenciennes et à celle des ouvriers du textile de lille de 1930 puis aux grèves contre les assurances sociales, comme représentants des JC de la Première entente. Enfin il participa aux grèves du textile de mai juin 1931. Il fut arrêté lors des affrontements qui eurent lieu en juin 1931 à Roubaix. Il fut condamné pour deux motifs « outrage à agent’ et « exitation à l’émeute, incendie volotaire appel au meutre » et fit deux mois de prison.Mais, il avait réussi à prouver qu’il n’avait pas directement participé aux barricades

Dès son retour dans le Nord en 1930, il fut appelé à Lille par Arthur Ramette* pour prendre la fonction de secrétaire-permanent de la 1re Entente des JC (correspondant aux départements de la Somme, du Nord et du Pas-de-Calais) qui était alors en pleine crise crise et dont les effectifs étaient tombés à cinq cents adhérents seulement ; il devint également membre du comité régional Nord du PC. En 1930, il subit une première condamnation pour “incitation de militaires à la désobéissance”. Alors que la profonde crise interne du PC persistait dans le Nord, il en fut rendu responsable par la direction régionale qui l’accusa d’avoir “une activité insuffisante”. Dans son autobiographie de 1931, sous le pseudonyme de Jules Forcy, il explique avoir été en déssaccord « sur l’appréciation donnée par le Parti sur la région du Nord et la social-démocratie c’était plutôt une incopréhension qu’un désaccord car j’ai rapidement compris et participé au travail d’éclaircissement. Lemoine le remplaça à la fin de l’année 1931. Il était membre de la Commission exécutive de la Ier Union régionale de la CGTU.

Decaux partit suivre les cours de l’École léniniste internationale de Moscou en 1931-1932 (5e contingent) sous le nom de Jules Forcy. Dans son autobiographie écrite pour lécole en 1931 il soulignait avoir lu très peu de livre de Marx et de Lénine et seulement "des passages de ça et de là que j’ai très peu compris". Comme témoin à l’école il donnait les noms de Rude, Delmarre (Desrumaux) Mauger, Dupré (Manguine) et Yvonne Becquart au Profintern. L’évaluation sur son travail était très favorables : « capable et actif », « sérieux », « ligne politique juste ». Il pouvait être orienté vers la « propagande ou la conspiration ».
Un rapport du 28 mai 1932 précisait la qualité de son participation :
« Secteur français, cercle français.
Appréciations de l’élève FORCY
Travail académique du second semestre de l’année scolaire 1931/32.
Les matières :
Le mouvement ouvrier : les devoirs et la littérature sont approfondis sérieusement. A participé dans presque toutes les conférences avec des exposés bien préparés. La ligne politique est juste. L’appréciation générale est tout à fait satisfaisante.
Le mouvement syndical : bonne assiduité. Approfondit sérieusement les matériaux. Utilise activement les consultations. Dans ses exposés soulève des questions assez approfondies. L’orientation est claire dans des questions complexes.
Le PCb et le léninisme : fort. A montré de l’activité et de l’intérêt pour la matière.
L’économie politique : le camarade est bien formé, capable et actif. Les exposés se distinguent par la clarté et la réflexion, par l’acuité politique et souplesse de présentation. Il y a un certain manque de discipline dans le travail.
Le travail d’organisation : bien formé. Beaucoup de participation. Les exposés sont préparés avec conséquence. »

À son retour en 1933, Raoul Calas lui demanda de le remplacer comme secrétaire provisoire de la 1re Région du PC.

En mai 1934, Jules Decaux quitta son domicile de Lille pour venir habiter à Ivry-sur-Seine. Il devint secrétaire appointé de la Région Paris-Sud en août 1934. Délégué au 8e congrès national du PCF (Villeurbanne, 22-25 janvier 1936) où il intervint, Decaux fut élu membre suppléant du comité central. Le 9e congrès (Arles, 25-29 décembre 1937) le confirma dans cette fonction.

Dans un rapport du 4 février 1936 “sur le nouveau CC du PCF”, André Marty jugea sévèrement son entrée : “J’estime que le camarade Decaux n’avait pas à y entrer. À/ Bien que ce soit un bon militant, il n’a donné aucun résultat exceptionnel le plaçant au-dessus des autres camarades ; la région Paris-Sud est la troisième des régions de Paris ; b/ il a été l’objet d’un blâme intérieur au comité régional, en janvier 1935, infligé par le BP, pour avoir en novembre 1934 connu la proposition du secrétaire du rayon de Villejuif, Régnier [voir Roger Régnier], d’organiser l’armement du Parti.” (517 1 1767). Suite à cette affaire Fried notait « Ouvrier du Nord. Eleve de l’École (dans les environs de 1931-1934à un peu rigide parfois même sectaire. Très grande fidélité au Parti. Actuellement secrétaire régional de la région Paris Sud avec siège à Ivry donc collaborateur direct de Maurice Thorez. Le considère comme sûr et digne de confiance ». (13 juillet 1937).

Decaux fit de nombreux séjours en URSS en 1937-1938. Il avait en effet succédé à Georges Cogniot* comme représentant du PCF auprès de l’Internationale communiste pour la période octobre 1937-octobre 1938 (le poste revint alors à Airoldi*). Les archives du Komintern le considéraient comme un salarié rémunéré 950 roubles, du 26 avril 1938 au 15 janvier 1939. Il logeait à l’hôtel Lux.

Il restait en 1939 le secrétaire de la Région Paris-Sud.

Le 13 juillet 1937, Clément-Fried* le jugeait « un peu rigide, parfois même sectaire », tout en signalant que Thorez* le « considér[ait] sûr et digne de confiance ». Le IXe congrès (Arles, 25-29 décembre 1937) le confirma cependant dans sa fonction au comité central.

Son intervention, le 9 avril 1938, devant les communistes français du Comité exécutif de l’IC soulignait la nécessité d’aider les socialistes à lutter contre l’influence trotskyste. À la demande de Léon Blum, une rencontre aurait eu lieu entre un émissaire de Blum et Thorez*. Le 10 mars 1943, de Moscou, Thorez rédigeait une évaluation sur Jules Decaux : « Membre du CC, d’origine ouvrière. Intelligent, dévoué, sûr. Très bon militant, d’une grande fermeté politique. Avait dirigé la Région Paris-Sud, et fut un moment notre représentant auprès de l’IC. Qualités d’organisation. A dû être fait prisonnier en mai-juin 1940. Sans nouvelles depuis. »

Jules Decaux fut prisonnier en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale (Stalag III B).
Un rapport moscovite, en date du 19 avril 1943, indique qu’il a une « expérience du travail clandestin », qu’il est fidèle au Parti, et qu’il est « au pays », ce qui n’était pas le cas. Jules Decaux fut prisonnier en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale, il fut membre du Front patriotique au Stalag IIIB avec Cerny Michel. Une note de Jean datée du 10 mars 1943 explique l ; ‘membre du CC, d’origine ouvrière, dévoué, sûr. Très bon militant d’une grande fermeté politique ayant dirigé la région Paris-Su et fut un moment notre représentant auprès de l’IC. Qualités d’organisation A dû être fait prisonnier en mai juin 1940 sans nouvelles depuis. » On lui reprocha après la Libération de ne pas avoir tenté de s’évader.

Le congrès de Paris (26-30 juin 1945) maintint au comité central les membres sortants qui étaient restés fidèles à la discipline du Parti, or, le nom de Decaux disparut. Une commission de contrôle présidée par R. Bossus* avait condamné le fait que, prisonnier, il n’avait pas tenté de s’évader. Il était accusé d’attentisme et de faiblesse, mais sa tentative d’organiser la résistance à l’approche des troupes américaines était reconnue. Il fut cependant de 1949 à 1969, date de son départ à la retraite, collaborateur du comité central et, pendant une période, chargé de la lutte contre le titisme et membre de la commission des cadres. Il gérait les fichiers les plus problématiques et les biographies des militants contestataires.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article50926, notice DECAUX Jules, Gustave. Pseudonyme à Moscou : FORCY Jules. [version DBK] par Claude Pennetier, version mise en ligne le 25 juillet 2009, dernière modification le 16 octobre 2020.

Par Claude Pennetier

SOURCES : RGASPI, 495 270/1388 autobiographie de Jules Forcy (sans date 1931) ; 517 1 1767 ; documents en russe traduits par Macha Tournié ; 517 1998. — Arch. de Paris, 1466 W 9, scellés des documents saisis chez Hélène Decaux (ménagères de Saint-Denis), 28 juillet 1943. — Notice par Y. Le Maner, J. Maitron et Cl. Pennetier in DBMOF. — Notes de Sylvain Bouilouque.

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