Par Michel Dreyfus
Né le 27 avril 1887 à Tourcoing (Nord), mort le 29 décembre 1970 à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) ; ouvrier gazier devenu ouvrier casquettier ; membre de la commission exécutive de la CGTU de 1923 à 1931, du comité central du PC de 1926 à 1932 ; dirigeant de l’Internationale syndicale rouge.
Fils d’un tisseur, Alexandre Delobelle commença à travailler en novembre 1899 dans une filature, qu’il quitta à l’âge de seize ans pour apprendre le métier de trieur de laine qu’il exerça jusqu’en 1921. Après la grève du textile survenue cette même année, il fut licencié de son entreprise de Boulognesur-Seine et s’installa à Paris, où il exerça différents métiers, dont celui de docker aux Magasins généraux. Fin 1921, il entra à la Compagnie du gaz de Paris, puis démissionna en octobre 1923, alors qu’il était appelé à comparaître devant le conseil de discipline pour avoir chômé le 1er mai.
Syndiqué depuis 1905, il milita à la SFIO à partir de 1910, puis adhéra au Parti communiste à sa création. De 1919 à 1923, il fut secrétaire du syndicat du textile de la Seine, tout en exerçant, en 1921-1922, les fonctions de secrétaire adjoint de la section syndicale de Boulogne-Billancourt.
De la fin 1923 à 1927, il fut secrétaire permanent du syndicat unitaire des casquettiers. Nommé suppléant à la commission exécutive de la CGTU au congrès de Bourges (novembre 1923), il y fut titularisé l’année suivante et y resta jusqu’en 1936, mais comme suppléant de 1927 à 1929. De février à novembre 1926, il fut également trésorier adjoint de la Fédération unitaire du Textile. En 1922, Delobelle avait assisté au congrès de Paris du PC où il s’était rallié à la Gauche. Puis, lors de la discussion sur la NEP et le Cours nouveau dans le parti russe, il avait pris position contre Trotsky*. Il entra au Comité central du PC lors de son 5e congrès (Lille, juin 1926) et fut réélu au congrès suivant (Saint-Denis, avril 1929).
Il fut désigné comme représentant de la CGTU au Bureau exécutif de l’Internationale syndicale rouge à partir de 1923 ou 1924. Selon ses propres termes, il y mena une « lutte acharnée » contre Andrès Nin, ancien secrétaire de la CNT espagnole, sans doute en raison du ralliement officiel de ce dernier à l’Opposition de gauche en 1926. Depuis 1925, Delobelle présidait le conseil d’administration de « l’Union », une société coopérative ouvrière qui fabriquait casquettes et chapeaux. La couverture commerciale de cette entreprise lui permettait de fréquents voyages en province et à l’étranger, notamment en Allemagne, aux Pays-Bas et en Russie ; aussi pouvait-il assurer des liens entre les organisations révolutionnaires de ces pays, le PC, l’IC et l’ISR.
Il fut délégué en mars 1927 au Congrès international du Textile à Moscou et aurait été remplacé dans ses fonctions auprès de l’ISR par A. Croizat* en juin 1927. Arrêté à son retour en France, il fut condamné à six mois de prison et 200 F d’amende pour falsification de passeport, peine réduite en appel à trois mois. En septembre, il rapporta devant le Bureau de l’ISR sur le 4e congrès de la CGTU qui venait de se tenir à Bordeaux. Fin novembre 1927, il fut affecté au Comité international de propagande (CIP) Textile et Produits chimiques. En décembre 1927, il rapporta devant le Bureau de l’ISR sur la situation dans la Fédération française des fonctionnaires. En mars 1928, il participa au IVe congrès de l’ISR et fut réélu à son conseil central en compagnie de Monmousseau*, Racamond* et Vassart*. Il resta à Moscou jusqu’en janvier 1929.
À partir de cette date, il fut un des dirigeants du Secours ouvrier international. En 1931, il travailla à Berlin avec le Comité international de propagande du Textile. Depuis 1928, Delobelle était un des responsables du Secrétariat latin de l’IC mis en place en mars 1926 et sans doute le fut-il jusqu’au début des années 1930.
Selon les rapports de police, il n’était guère à l’aise sur le terrain revendicatif. Responsable de la section d’organisation de la CGTU en 1934, il fut un moment chargé de la propagande parmi les ouvriers originaires d’outre-mer. De 1927 à 1935, le PC le présenta à de nombreuses élections dans le canton de Boulogne-Billancourt et à Asnières.
Au congrès fédéral de réunification en février 1936, Delobelle devint secrétaire de la Fédération CGT du Textile et en juin, fut élevé au titre de secrétaire général. Il entra à la commission administrative confédérale en novembre 1936 et y appartint jusqu’à la guerre.
Delobelle aurait désapprouvé immédiatement le Pacte germano-soviétique. Le 25 septembre 1939, la commission administrative de la CGT vota l’exclusion des communistes favorables au Pacte : vingt-quatre voix se prononcèrent pour, dont trois avec réserves, cinq contre, Magnien* et Delobelle s’abstinrent. Il fut cependant inculpé de propagande communiste pour avoir, avec Racamond* et Raynaud, signé un manifeste publié par l’organe de l’IC paraissant à Bruxelles, Monde. Il fut arrêté et écroué à la Santé le 18 octobre 1939, puis libéré pour raisons de santé en décembre. Le 11 janvier 1940, Delobelle adressa au juge d’instruction, une lettre dans laquelle il condamnait le Pacte germano-soviétique. En juillet 1940, il aurait envisagé, de concert avec l’avocat Robert Foissin*, de travailler en utilisant la presse légale, à l’heure où Robert Foissin avait engagé des tractations avec les nazis pour la parution légale de L’Humanité. Sans doute, est-ce pour ces raisons que, selon une brochure clandestine du PC diffusée à partir de février 1941, il fut accusé d’avoir « trahi » et d’avoir été libéré, en raison d’un marché. Toutefois, il avait à nouveau été arrêté en octobre 1940 et serait resté interné dans un camp jusqu’à la Libération. La CGT prononça alors son exclusion à vie du mouvement syndical.
Par Michel Dreyfus
SOURCES : RGASPI, 495 270 705, 533 3 226, 534 3 222, 534 3 230. — Notice par J. Maitron et Cl. Pennetier, DBMOF, t. 24. — P. Huber, « Les organes dirigeants du Komintern : un chantier permanent », in Une histoire en révolution ? Du bon usage des archives de Moscou et d’ailleurs, sous la direction de S. Wolikow avec la collaboration de M. Carrez, M. Cordillot et J. Vigreux, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, 1996. — R. Bourderon, La négociation. Eté 1940 : crise au PCF, Paris, Éd. Syllepse, 2001.