DOLIVET Louis. Pseudonyme de BRECHER Ludwig ou Ludovic. Autre pseudonyme : MOREANU [version DBK]

Par Michel Dreyfus

Né le 26 mars 1908 en Transylvanie (Autriche-Hongrie), mort le 12 août 1989 à Londres ; collaborateur de Willy Münzenberg au Mouvement Amsterdam-Pleyel, puis un des principaux dirigeants du Rassemblement universel pour la paix (RUP), de 1936 à 1939.

Titulaire d’un doctorat de droit à la Faculté de Grenoble en 1931, Ludovic Brecher suivit, de la fin 1931 à l’été 1932 les cours de l’Institut des hautes études internationales de Genève, où il semble s’être lié avec le milieu de la Société des Nations. Il aurait adhéré aux Jeunesses socialistes suisses fin 1931 et appartint sans doute à sa délégation envoyée au congrès contre la guerre et le fascisme (Amsterdam, août 1932). Il adhéra alors au Parti communiste suisse sous le nom de Louis Dolivet.

Fin 1932, il commença à collaborer au Comité permanent du Mouvement Amsterdam, à Paris. Il se lia avec W. Münzenberg* qui en fit son collaborateur pour la Suisse et les pays d’Europe méridionale. En 1933, sa connaissance des langues, son sens des relations humaines le firent coopter au Bureau du Komintern pour l’Europe occidentale, le WEB. En juin 1933, il prit part au congrès contre la guerre et le fascisme, tenu salle Pleyel à Paris. À partir de septembre 1933, il fut désigné pour remplacer auprès de Henri Barbusse* son homme de confiance, Louis Gibarti. Dès lors, il fut un des proches collaborateurs de Barbusse* au sein du Comité mondial contre la guerre et le fascisme et prit également une part active à la publication de la revue Monde. En septembre ou octobre 1934, il fut envoyé en Espagne pour préparer un numéro spécial de cette revue consacré à ce pays et il aurait pris part aux grèves de mineurs qui eurent lieu en octobre dans les Asturies.

De novembre 1934 à mars 1935, il fit un voyage en URSS au terme duquel des responsabilités accrues lui furent confiées au sein du Comité mondial contre la guerre et le fascisme. L’un des trois dirigeants de l’Union internationale des intellectuels pour la défense de la culture, de la paix et de la liberté, Dolivet, « Udreanu », pour ses amis communistes, apparaissait alors comme un kominternien plein d’avenir.

La nouvelle orientation antifasciste de l’IC lui permit d’assouvir sa soif de responsabilités. Il devenait en effet nécessaire pour l’IC de substituer au Comité mondial contre la guerre et le fascisme, trop marqué par ses origines communistes, une autre organisation. La mort de Barbusse* le 30 août 1935 et le contexte du Front populaire naissant facilitèrent cette tâche. En mai 1935, avec Louis Launay, un pacifiste, Dolivet fonda le Centre international de documentation antiguerrière.

À partir de la fin de l’été 1935, il fut l’un des créateurs puis le principal dirigeant du Rassemblement universel pour la paix. Le RUP fut créé à partir d’un appel lancé le 25 septembre 1935 par diverses personnalités politiques, notamment françaises et britanniques (P. Cot, Lord Cecil, L. Jouhaux, S. Grumbach), qui se prononcèrent pour le « maintien » du Pacte de la Société des Nations dans son « intégrité » et pour « une ferme résistance collective à tout pacte d’agression ». Des représentants du Parti travailliste et des Trade-Unions britanniques, des pacifistes signèrent cet appel auquel se joignirent Y. Delbos, président du groupe parlementaire du Parti radical, M. Cachin, C. Planche pour la SFIO, J. Prudhommeaux, secrétaire de l’Association « La Paix par le droit ». Le RUP tint une première conférence internationale à Londres les 13-14 mars 1936 puis un congrès à Bruxelles du 3 au 6 septembre. Avec Cachin, Martha Desrumeaux et Monmousseau, Dolivet appartint à la fraction communiste permanente du RUP. Toutefois, dès l’automne 1936, ce travail aurait été considéré de façon très critique par Erna Mertens, collaboratrice du département des cadres du Komintern, envoyée à Paris pour vérifier le travail de Münzenberg et de son appareil.

Peu à peu, Münzenberg* fut dépossédé de ses responsabilités au sein du Komintern, en raison de son orientation jugée « trop frontiste » puis des questions qu’il commença à se poser à partir du premier procès de Moscou. À partir de décembre 1936, il fut remplacé par le tchèque Bohumil Smeral*. Durant l’hiver 1936, Dolivet ayant amorcé une évolution analogue à celle de Münzenberg fut aussi suspecté par le Komintern. S. Jansen (loc. cit.) se demande si, « face aux exigences de l’antifascisme, Dolivet [ne fut pas] le fils spirituel de Münzenberg ». Il devait pourtant connaître une destinée toute différente. Grâce à l’aide de P. Cot, Dolivet obtint le 28 janvier 1937, sous son nom d’emprunt, la nationalité française, ce qui lui permit de renforcer son autonomie à l’égard du Komintern. De plus, demeurant le seul lien direct de l’IC avec la direction du RUP, il était devenu indispensable : aussi conserva-t-il ses responsabilités jusqu’en 1939.

Dolivet semble avoir été à un tel point désorienté par le Pacte germano-soviétique qu’il demanda l’expulsion des communistes du RUP. Mobilisé au ministère de l’Air, démobilisé, il obtint un visa pour les États-Unis en décembre 1940. Durant son voyage, il se lia à Lisbonne avec des représentants du BCRA (Bureau central de renseignements et d’action), service de renseignement gaulliste et des services des Renseignements anglais. Ces contacts l’aidèrent à s’installer aux États-Unis où il se lança, avec succès dans l’action antifasciste. À partir de juin 1941, la lutte de l’Union soviétique contre le nazisme ne pouvait que lui faciliter la tâche. Dolivet fit paraître alors jusqu’à la fin de la guerre une revue, Free World, qui se transforma ensuite en un organe officieux de l’ONU, United Nations World. En 1946, il publia un livre décrivant le fonctionnement de l’ONU, préfacé par Trygve Lie, son secrétaire général.

Revenu en France au début des années 1950, Dolivet appartint au comité de rédaction d’une revue, Démocratie combattante, dirigée par L. Jouhaux, dont le premier numéro parut en janvier 1953. Puis il aurait représenté en France une firme cinématographique américaine.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article50939, notice DOLIVET Louis. Pseudonyme de BRECHER Ludwig ou Ludovic. Autre pseudonyme : MOREANU [version DBK] par Michel Dreyfus, version mise en ligne le 26 juillet 2009, dernière modification le 11 avril 2021.

Par Michel Dreyfus

SOURCES : Notice in DBMOF, t. 25. — S. Jansen, « Louis Dolivet Kominternien », Communisme, n° 40-41, 1er trimestre 1995. — A. Kriegel, S. Courtois, Eugen Fried…, op. cit.

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