Par Claude Pennetier
Né le 24 mai 1904 à Belleville-sur-Saône, commune de Belleville (Rhône, France), mort le 26 février 1980 ; militant communiste spécialisé dans les problèmes asiatiques ; agent du Komintern ; dirigeant des éditions du Parti communiste.
Joseph Ducroux était le plus jeune fils d’un vigneron métayer du Beaujolais, socialiste. Admis au concours des bourses de séjour en Angleterre, il passa deux ans dans un collège de Bristol où il acquit une formation commerciale. Il fut alors engagé à l’agence Cook de Paris, et adhéra au Parti communiste en 1923, puis aux Jeunesses communistes.
Sur la demande de l’Internationale communiste, il se fit transférer à l’agence Cook de Marseille en 1925. Il milita alors sous le pseudonyme de Dupont. En tant que secrétaire de la Fédération, il prit en charge les campagnes électorales et participa à la lutte antimilitariste dans toute la région méditerranéenne. La même année il quitta son emploi à l’agence Cook pour devenir permanent des JC en tant que responsable du travail antimilitariste pour la région Sud-Est, travail clandestin qui l’obligea à renoncer aux activités publiques du « travail de masses ».
À la suite des soulèvements en Chine de 1925, l’IC fit appel à ses partis dans différents pays pour organiser un travail de propagande en Chine. Ducroux fut désigné pour une mission à Shanghai, en raison de sa connaissance de l’anglais et de sa spécialisation dans le travail antimilitariste. Il partit en juin 1926 pour Moscou (avec le passeport de Celor*), puis gagna Vladivostok et Shanghai, où il arriva en juillet 1926. Accueilli par les collaborateurs de l’IC, il fut chargé d’écrire des articles en anglais ; sa mission était mal définie, les contacts avec les troupes françaises d’intervention étaient rares et difficiles. En attendant, il apprit le russe.
Au début de 1927, il revint à Moscou pour rendre compte de sa mission et fut renvoyé à Shanghai avec des instructions plus précises. Il arriva le 20 mars au moment où le Kuomintang occupait la ville. En contact avec des communistes chinois, il participa à un travail d’agitation parmi les troupes. Le 12 avril commença la répression menée par Tchang Kaï-chek : les communistes chinois furent arrêtés et massacrés. Ducroux fut alors chargé de plusieurs missions de contact entre l’IC et l’Armée rouge et le PC chinois, à travers la Chine : septembre 1927, Souateou ; octobre-novembre, Tsingtao, Tientsin et Pékin ; novembre, Hankeou ; février-mars 1928, Hongkong et Canton.
En avril 1928, toute la délégation de l’IC de Shanghai fut rappelée à Moscou. Ducroux revint à Paris en mai, et en octobre retourna à Moscou. Il avait été rappelé par l’Internationale communiste des jeunes (ICJ) dont il devint collaborateur politique, affecté à la section d’Extrême-Orient, en tant que responsable des questions de l’Inde.
Malgré son désir de rentrer en France, pour travailler dans les organisations françaises, et bien que la Fédération des JC de France (R. Guyot*) et le PCF (P. Semard*) l’aient réclamé pour l’envoyer en Algérie renforcer les cadres du Parti, l’ICJ et l’IC décidèrent de lui confier une mission d’aide aux organisations communistes en Inde.
Après avoir appris un système de codage, au département des Relations extérieures de l’IC (en russe, OMS), placé sous la direction d’Abramov, il rentra en France et prépara, seul, sa mission. C’est à ce manque de préparation de la part de l’IC qu’il attribua ultérieurement l’échec de celle-ci. Après s’être vu refuser un visa britannique qui lui aurait permis de se rendre directement de Marseille en Inde, il prit l’identité de Serge Lefranc, et se procura, par relations personnelles, une représentation commerciale en outillage et une en vins.
En janvier 1931 il partit pour Moscou d’où il dut gagner à nouveau Shanghai et s’efforcer d’atteindre l’Inde. À Moscou, Abramov le chargea également de retrouver, à Shanghai et à Hongkong, les traces de Jean Cremet*, kominternien français disparu depuis un an ; ces recherches ne donnèrent aucun résultat.
À Shanghai, Joseph Ducroux rencontra Paul Ruegg, dit Hilaire Noulens, représentant de l’OMS qui lui donna des instructions sur la suite de sa mission, et lui demanda de souscrire pour lui des abonnements de la presse d’Indochine, et de la presse britannique de Singapour. À Hongkong, il fit la connaissance de Nguyen Aï Quoc (Ho Chi Minh), alors exilé d’Indochine, qui le chargea de prendre contact à Saïgon avec les représentants du PC indochinois, et lui demanda également de lui faire adresser les journaux indochinois. Après un bref séjour à Saïgon, où il établit les contacts demandés, J. Ducroux rentra à Hongkong, fit renouveler son passeport et partit pour Singapour. Il y arriva le 27 avril 1931, loua un local commercial et amorça une prospection d’affaires, en attendant de pouvoir faire une demande de visa pour l’Inde. Mais il avait été pris en surveillance dès son arrivée par la section politique de la police anglaise, et à son premier rendez-vous avec deux délégués du PC chinois en Malaisie il fut arrêté, le 1er juin 1931. Les numéros de boîtes postales trouvés sur lui entraînèrent l’arrestation de Nguyen Aï Quoc à Hongkong et de Noulens à Shanghai.
Joseph Ducroux fut condamné à dix-huit mois de prison pour fausse identité. Il les passa au secret, dans le quartier des condamnés à mort, à la prison de Singapour. En novembre 1932 il fut « rapatrié » à Saïgon. Pendant son transfert, il réussit à alerter les organisations françaises et internationales. Commença alors en France une campagne de presse pour sa libération (l’Humanité, La Défense, etc.), et il reçut l’assistance d’un avocat du Secours rouge. Il passa à nouveau en jugement et fut condamné à un an de prison (le texte du jugement le désignait comme « fondateur du PC de Malaisie » !). Le Comité pour le Rapatriement de Ducroux organisa un meeting de protestation le 21 février 1933 dans le XVIIIe arr. Ramené à Marseille, il termina sa peine à la prison Saint-Pierre. Il fut libéré le 3 novembre 1933.
Après avoir repris contact avec les dirigeants du Parti communiste français, il regagna Moscou en janvier 1934. « Reçu fraîchement » à l’IC, il rédigea un rapport qui ne fut ni étudié ni discuté. Son échec fut critiqué par le Secrétariat de l’IC, qui décida de l’affecter aux services d’éditions de l’IC. Sur sa demande, il rentra en France où il devint collaborateur de Léon Moussinac aux Éditions sociales internationales. Il épousa, en 1935, une étudiante en médecine d’origine roumaine, Flora Ségal.
En 1936 il fut secrétaire du Comité de Front populaire XIXe arr. ; il participa activement à la campagne électorale, mais ne put pas être candidat en raison de sa condamnation.
Après la Seconde Guerre mondiale durant laquelle il fut fait prisonnier, J. Ducroux dirigea lesÉditions sociales jusqu’en 1955. Il s’attacha notamment à reconstituer le fonds de Classiques du marxisme des anciennes Éditions sociales internationales qui avait été détruit ou dispersé sous l’Occupation. Sous sa direction technique fut entreprise la publication du Capital et des œuvres complètes de Marx et Engels. En 1955, il fut remplacé à la direction des Éditions sociales par Guy Besse. Ducroux entra alors à la Banque commerciale de l’Europe du Nord qu’il quitta au moment de sa retraite.
Par Claude Pennetier
SOURCES : Arch. RGASPI, 495 270 809, dossier personnel de J. Ducroux dans les archives du Komintern. — Arch. d’Outre-Mer, Aix, F7/73 (Strait Settlements Police Political Intelligence Journal, supplément n° 4 au n° 11 du 30 novembre 1932). — Cahiers de l’Institut Maurice Thorez, n° 26, mars-avril 1972, « Un communiste français en Chine et en Indochine ». — J. Ducroux, Écrits inédits. — Renseignements communiqués par sa fille, F. Frontici-Ducroux. — Notice par Jean Maitron et Claude Pennetier, DBMOF.