DUTILLEUL Émile (version Komintern)

Par Claude Pennetier

Né le 14 avril 1883 à Lourches (Nord), mort le 18 février 1948 à Cannes (Alpes-Maritimes) ; ouvrier verrier, typographe, représentant de commerce, puis administrateur ; jeune guesdiste du Nord, anarchiste individualiste à Paris, puis communiste ; trésorier national du Parti communiste ; élu membre suppléant du comité central en 1937 ; député de la Seine (1936-1946).

Fils d’un ouvrier maçon, et d’une brocheuse, Émile Dutilleul travailla à la verrerie dès l’âge de onze ans et participa tôt à des grèves de verriers. Chassé des verreries du Nord, il fut successivement manœuvre, employé, courtier. Ses frères aînés étaient membres du Parti ouvrier français (POF).Émile fut à quinze ans, en 1898, secrétaire du groupe de Douai des jeunes du POF mais il était devenu en 1905 un militant anarchiste convaincu.

De 1907 à 1911, il fut typographe à l’Anarchie et de 1912 à 1915 au journal Le Temps. Le 8 août 1914, il adressa une lettre au préfet de police pour déclarer ne plus fréquenter les milieux anarchistes depuis environ quatre ans et demander la radiation de son nom du Carnet B.

Mobilisé au début de l’année 1915, et requis à domicile, il fut affecté comme auxiliaire à la première section des commis et ouvriers d’administration, puis démobilisé en février 1919. Représentant de commerce et responsable de fabrication chez Éphraïm Chandrosse, il conçut des flacons de parfum pour la maison Coty. À cette époque, son ami François Pommez l’initia aux affaires boursières, « talent qu’il utilisera par la suite en “boursicotant” au profit du Parti communiste ».

La guerre terminée, il adhéra au groupe socialiste des Grandes-Carrières. Il aurait créé le groupe du XVIIIe arr. du comité de la IIIe Internationale et contribué à l’adhésion de son groupe au Parti communiste après le congrès de Tours (décembre1920). Émile Dutilleul se consacra activement au mouvement des locataires et au Secours ouvrier international (SOI). Secrétaire général de la section française du SOI depuis le 22 septembre 1924, ilpartit en mission en URSS, avec mandat d’Édouard Herriot pour secourir les enfants victimes de la grande famine : plusieurs dizaines d’enfants russes furent par la suite hébergés à l’Avenir social. Le bureau politique, réuni le 22 avril 1925, décida de le déléguer en Chine mais il ne fit pas ce voyage.

Après avoir exercé les professions d’ouvrier typographe puis de représentant en textile et en librairie, Émile Dutilleul se consacra à l’administration des journaux communistes. Il entra au conseil d’administration du journal l’Humanité au congrès de Lyon (janvier 1924), le quitta au congrès de Clichy en janvier 1925 et reprit cette fonction en août 1929. Membre du conseil d’administration de la Banque ouvrière et paysanne (BOP), Dutilleul apparut, en 1929-1930, comme un élément très « sûr et dévoué » (A. Vassart*, Mémoires (inédits), sans date [vers 1950]), au moment où d’autres administrateurs échappaient au contrôle du Parti communiste (voir la biographie de Victor Arrighi*). Dans son rapport sur la BOP au comité central du 8 septembre 1929, Lozeray* déclara : il est « seul du Conseil d’administration à être d’accord avec le Parti ». Le Tribunal de commerce de la Seine décida la liquidation judiciaire de la banque le 3 février 1930. L’Humanité, mal administrée, faillit disparaître avec son établissement de crédit. La direction du PC désigna Dutilleul au poste de responsable financier du quotidien communiste en février 1931 où il fut la cheville ouvrière de la grande campagne de souscription. Lorsqu’en avril 1932, Albert Vassart* partit dans les Ardennes mener campagne pour les élections législatives, Dutilleul eut la responsabilité provisoire des finances du Parti communiste. Il fit la preuve de son efficacité et resta le financier du Parti. Il laissa à son adjoint, Jean Dorval, la gestion de l’Humanité. Dutilleul joua un rôle de premier plan à la direction du PCF bien avant son entrée au comité central au congrès d’Arles (25-29 décembre 1937). En septembre 1936, Maurice Thorez le chargea de l’organisation financière de l’aide à l’Espagne républicaine. Il fut avec Maurice Tréand* (responsable de la section des cadres) et Ceretti* dit Allard, le créateur de la compagnie France-Navigation qui devait transporter du matériel militaire en Espagne. Sous le nom de code de « Tisane », Dutilleul servit d’intermédiaire entre l’administration du Front populaire et le mouvement communiste pour le transit des armes sur le territoire français.

Élu député de la cinquième circonscription de Saint-Denis, il était trésorier du groupe parlementaire communiste. Le Parti communiste l’envoya en délégation en Tchécoslovaquie, avec Ambroise Croizat*, Charles Tillon* et Marcel Gitton*, à la fin septembre 1938.

Non mobilisé, Dutilleul passa rapidement dans la clandestinité et participa à la « double direction » du Parti, mise en place autour de Benoît Frachon*. Ceretti* cite son nom parmi les dirigeants présents au « comité central » de Bruges (Belgique), tenu selon lui fin septembre 1939 mais que des historiens situent plutôt autour du 10 octobre 1939, « comité central » qui groupa sept ou huit militants au nombre desquels M. Thorez*, J. Duclos*, Clément (Fried*). Le tribunal militaire de Paris le condamna, par défaut, le 3 avril 1940, à cinq ans de prison, 5000 F d’amende et cinq ans de privation des droits civiques, pour participation à la constitution du Groupe ouvrier paysan français. Il resta — sous le nom de Meunier — le trésorier clandestin du Parti communiste jusqu’à son arrestation en octobre 1941. Des rapports de police du 13 et 17 octobre 1941 évoquaient les noms de Dutilleul et de François Pommez chargé de la « Caisse centrale clandestine du Parti communiste », soit près de 3500000 F déposés à l’agence centrale de la BNCI, boulevard des Italiens (Arch. PPo. 89).Émile Dutilleul et son co-inculpé furent condamnés à trois ans de prison. En mars 1943, Maurice Thorez* (« Jean »), qui n’avait aucune nouvelle de lui depuis son arrestation, le qualifiait de « vieux militant dévoué et fidèle » ayant joué un grand rôle pour l’aide à l’Espagne et qui travailla en Belgique au début de la guerre. La Résistance le libéra de la Santé le 17 août 1944.

Agé, il ne retrouva pas toutes ses anciennes responsabilités à la Libération et ne fut pas réélu au comité central en juin 1945. Sa fille, Mounette Dutilleul* joua un rôle important dans la vie du PCF.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article50951, notice DUTILLEUL Émile (version Komintern) par Claude Pennetier, version mise en ligne le 26 juillet 2009, dernière modification le 6 décembre 2009.

Par Claude Pennetier

SOURCES : RGASPI, Moscou 495 270 15, autobiographies des 27 septembre 1932 et 9 décembre1937 ; note de « Jean » (Thorez) du 15 mars 1943. — G. Ceretti (Cerreti), À l’Ombre des deux T, Paris, 1973. — Ch. Tillon, On chantait rouge, Paris, 1977. — Notes de Mounette Dutilleul. — Notice par J. Maitron et Cl. Pennetier dans le DBMOF.

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