AMIEL Jean-Baptiste. Pseudonyme : Amiel de l’Ariège

Par Gauthier Langlois

Né le 10 mai 1820 à Cazenave (Ariège), mort en 1894 ; conducteur des ponts-et-chaussées puis ingénieur dans les chemins de fer, collaborateur de plusieurs journaux républicains ; opposant au coup d’État du 2 décembre 1851 il fut déporté en Algérie puis exilé à Jersey, en Angleterre et en Espagne. Il revint en France en 1870 pour défendre la République contre les prussiens. Par ses écrits il défendit la Commune.

C’était le fils de Baptiste Amiel et de Henriette Serou, un modeste couple de cultivateurs de la haute vallée de l’Ariège. Sans perspectives d’avenir dans son village, il migra, comme beaucoup de jeunes ariégeois et s’installa à Nevers (Nièvre).

Il s’opposa au coup d’État du 2 décembre 1851. Dans son dossier de demande de pension Amiel précise qu’il avait été chargé par MM. Michel de Bourges et Ruiz de se rendre clandestinement dans la Nièvre pour se mettre à la tête, s’il était encore temps, du mouvement qui avait éclaté à Nevers et Clamecy. Il arriva trop tard et dut errer pendant un mois dans les forêts de Saint-Benin d’Azy avant d’être arrêté. Il fut condamné à la déportation en Algérie. La commission mixte de l’Ariège motiva sa décision ainsi : « L’un des chefs de la société secrète du département de la Nièvre. Organisateur des sociétés secrètes sur plusieurs points du département, notamment à Decize avec le sieur Castagnier. En relation habituelle avec les socialistes les plus exaltés. Homme signalé comme très dangereux. ».

Il fut d’abord emprisonné à Brest sur le vaisseau Duguesclin transformé en un infâme dépôt de forçats en instance de départ pour le bagne. Transféré aux bagnes de Birkadem et de Douéra près d’Alger, il vit sa peine commuée en internement (assignation à résidence) par décision du 12 décembre 1852. Mais plutôt que de rester en France il se réfugia à Jersey pour rejoindre la communauté des proscrits animée par Victor Hugo et participer à leurs activités politiques. Le 21 octobre 1853 il était présent à l’assemblée générale des proscrits républicains résidant à Jersey, qui déclara le sieur Julien Hubert comme espion et agent provocateur de la police de Napoléon III. Il collabora aussi à la rédaction du journal L’Homme fondé par Charles Ribeyrolles. Pour vivre il donnait des cours de chimie.

Le 17 octobre 1855 il fit partie des 36 signataires de la protestation rédigée par Victor Hugo et adressée au gouvernement anglais contre l’expulsion de Charles Ribeyrolles, du colonel romain Louis Pianciani et de Philippe Thomas de l’île de Jersey. Cet acte entraîna l’expulsion de l’île de tous les signataires de la protestation. Pour cette raison il quitta Jersey pour l’Irlande puis l’Angleterre où il resta jusqu’en 1858. Irréductible opposant à l’Empire, il refusa de rentrer en France suite à la loi d’amnistie.

Il s’installa alors en Espagne où il construisit un chemin de fer de Puerto Real à Cadix. Selon Jean-Louis Amiel, « dans ce pays il n’hésitera pas à signer une "adresse" à la junte révolutionnaire qui le dirigeait dans laquelle le peuple espagnol est félicité pour le triomphe de sa révolution ; on est alors en 1868 et à l’automne a lieu là-bas la Revolucion de Setiembre ; le 30 septembre sont auditionnés par la junte des représentants étrangers, le français, "el Senor Amiel" dit publiquement et lyriquement que : ...la chaîne des temps a été rompue, qu’un rayon de lumière et un souffle de liberté ont suffi pour éclairer notre époque, en un clin d’œil étincelant, dans la poussière des âges... que lui, en tant que vétéran de la liberté en France, il déclare au peuple espagnol qu’il est capable d’exercer et tenir le sceptre de sa souveraineté, ...qu’il n’a jamais vu dans l’histoire un enthousiasme aussi grand uni à tant de dignité et que, à la chute du trône d’Espagne, tous les trônes du monde ont vacillé. »

Depuis son exil espagnol il tenta d’intervenir dans la politique française. En 1863 quand Proudhon prôna l’abstention aux élections, Amiel écrivit à leur relation commune Victor Pilhes une lettre dans laquelle il protestait contre cette politique. Proudhon lui répondit par une lettre âpre et sarcastique. En avril 1870, à l’approche du plébiscite, il se prononça au contraire pour l’abstention. Il publia un appel en ce sens, en son nom et celui d’autres transportés, dans le quotidien la Marseillaise d’Henri Rochefort.

Suite à la chute de l’Empire, le 4 septembre 1870, il rentra en France pour défendre sa patrie. Il fut membre du comité d’armement du Ier arrondissement de Paris et vice-président de la Commission d’armement pendant le siège de la capitale par l’armée prussienne. En décembre 1870 il fut l’un des fondateurs de L’Association des Défenseurs de la République ayant pour but « le maintien envers contre tout de la République comme forme définitive du gouvernement de la France (...) pour la guerre à outrance jusqu’à l’expulsion des envahisseurs. ». Il résidait alors 146 rue Saint-Honoré dans le Ier arrondissement et se déclarait homme de lettres. Il collaborait effectivement au quotidien Le Combat (Paris 1870) dirigé par Félix Pyat avec son ami le baron de Ponnat.

Après l’armistice du 26 janvier 1871 il quitta Paris pour l’Aquitaine. Peut-être cherchait-t-il à manifester son opposition à l’armistice auprès du gouvernement de la Défense nationale installé à Bordeaux. Il s’installa à Angoulême (Charente) 13 rue du marché, comme nous l’apprend une lettre que lui adressa Jules Méline, maire adjoint du 1er arrondissement. Le 20 avril il fit paraître dans cette ville une brochure intitulée La Bourgeoisie Contemporaine dédiée à ses deux meilleurs amis de l’exil, Frédéric Mijoul et Alfred Talandier. Il y dénonçait l’attitude antirépublicaine et antisociale de la bourgeoisie depuis 1830, justifiait l’attitude des Communards parisiens comme défendant leurs droits et la République menacés par l’Assemblée et Adolphe Thiers. S’appuyant sur l’analyse des évènements de juin 1848 et de décembre 1851, il redoutait le massacre du peuple parisien et l’instauration d’une monarchie autoritaire et appelait à la conciliation. Cette publication valut à Amiel d’être condamné en décembre 1871 par la cour d’assise de la Charente à trois mois de prison et 500 francs d’amende.

En 1876 il déposa au bureau de la Chambre des députés par l’intermédiaire de son ami Alfred Talandier, député de la Seine, une pétition demandant « la réparation des souffrances et de la ruine qui lui ont été infligées à la suite du crime du 2 Décembre 1851 ». Cette pétition fut à l’origine de la loi de réparation de 1881 dont il fut un des bénéficiaires.

Revenu dans son département natal il s’installa à Tarascon-sur-Ariège. Il y obtint en 1881 par décision préfectorale la concession de la construction du chemin de fer à voie étroite qui reliait la gare de Tarascon, localité desservie par la ligne dite du Midi, à Saurat via les localités de Arignac, Bédeilhac et Beynat.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article51190, notice AMIEL Jean-Baptiste. Pseudonyme : Amiel de l'Ariège par Gauthier Langlois, version mise en ligne le 26 juillet 2009, dernière modification le 22 août 2020.

Par Gauthier Langlois

ŒUVRE : La bourgeoisie contemporaine, Angoulême : Impr. Chatenet, 1871.

SOURCES : Arch. privées de la famille Alavoine-Baudains, Liste établie par Eugène Alavoine après 1870. — Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, « Hamiel - Jean Baptiste », Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier - (Université de Bourgogne/CNRS), [En ligne], mis en ligne le 27 août 2013. — Victor Hugo, Oeuvres complètes de Victor Hugo. Actes et paroles. 2 publiées par Paul Meurice, puis par Gustave Simon, 1937-1940, p. 123-125. — Journal des débats politiques et littéraires, 2 novembre 1855. — Pierre-Joseph Proudhon, Correspondance, Paris, A. Lacroix, 1875, tome XIII, lettre du 20 mai 1863, p. 72-76. — Philippe Morère, Victor Pilhes, commissaire du Gouvernement provisoire, représentant du peuple, Foix, Gadrat aîné, 1924, p. 189. — Le Rappel, 1er septembre 1869. — La Marseillaise (Paris 1869), 25 avril 1870. — Le Figaro, 21 novembre 1870. — Le Temps, 26 décembre 1870. — « Lettre de Jules Méline à Jean-Baptiste Amiel, 1871 », vente étude Millon à Drouot, 29 janvier 2016.— La Charente, 26 avril 1872. — La Presse, 11 novembre 1876. — Le Progrès, 11 novembre 1876. — Journal officiel, 23 août 1881. — Guy Thuillier, Vincent Wright, « Pour l’histoire du coup d’État, une source à exploiter : Les dossiers des pensionnés du 2 décembre 1851 », Le Mouvement social, n° 94, janvier-mars 1976, pp. 97-106. — Jean-Louis Amiel, « Amiel Jean-Baptiste », Au nom de tous les Amiel, 28 janvier 2019. — Note de R. Gossez.

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