ANDRIEU Jules, Louis

Né le 30 septembre 1838 à Paris (IIe arr., aujourd’hui IXe arr.), mort vice-consul, le 25 février 1884 à Jersey ; employé de la préfecture de la Seine après avoir été professeur libre et comptable ; élu membre de la Commune de Paris ; membre de l’Internationale (« on le croit affilié à l’Internationale », indique la notice contumace).

La famille de Jules Andrieu, né à Paris, le 30 septembre 1838 (et non le 28), était originaire de Haute-Normandie. À l’âge de 10 ans, en aidant sa mère, il se creva l’œil droit avec une paire de ciseaux. Cela ne l’empêcha pas de faire des études brillantes et de devenir à seize ans bachelier en sciences et en lettres. Il entra dans l’administration municipale à l’Hôtel de Ville le 11 juin 1861, et y travailla avec Haussmann. Il se maria le 24 mai 1862 et eut quatre enfants (trois selon la notice contumace du 9 août 1878).

De 1863 à 1870, il dirigea dans son logis de la rue Oberkampf un enseignement destiné aux ouvriers, et eut notamment comme élèves Tolain, Charles Limousin, Debock, Varlin et les rédacteurs de la Tribune ouvrière, hebdomadaire éphémère publié par le bureau parisien de l’Internationale. « Gros homme borgne dont l’allure débonnaire cachait des convictions audacieuses et solides », il exerça une grande influence sur ses élèves. Il écrivit lui-même dans la Tribune ouvrière, imaginant dans le numéro du 11 juin 1865 la société future où il n’y aurait « d’armée aucune, de frontières point ».

En 1865, Andrieu créa une collection, L’École mutuelle, cours complet d’éducation populaire. Outre la composition de plusieurs ouvrages, dont un sur l’histoire du Moyen Âge, il rédigea en 1868-1870 quelque vingt-cinq articles du Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle de Pierre Larousse.
Andrieu ne participa pas à la lutte contre l’Empire, mais durant le Premier siège de Paris, il fréquenta les clubs, y prenant parfois la parole contre le Gouvernement de la Défense nationale, déplorant le manque d’organisation du parti révolutionnaire, et affirmant qu’il fallait une Commune élue. Il fréquentait alors Varlin, Vaillant, Clémence et Beslay. Il se prononça contre le projet de loi relatif aux préliminaires de paix signés à Versailles le 18 février 1871.

Candidat aux élections du 26 mars, Jules Andrieu ne fut pas élu, n’ayant obtenu que 549 voix dans le 1er arrondissement ; il le fut en revanche lors des élections complémentaires du 16 avril avec le soutien du Comité des vingt arrondissements, obtenant cette fois 1 736 voix. Il était à cette date chef du personnel de l’Administration communale de Paris, ayant été appelé dès le 29 mars à l’Hôtel de Ville par Lefrançais. Nommé Délégué à la commission des Services publics et à la Commission exécutive le 20 avril, Andrieu eut pour souci majeur une organisation rationnelle et efficace de la Commune et des municipalités (cf. le projet de décret qu’il présenta le 26 avril et les propositions qu’il fit les 20 avril, 3, 8 et 10 mai). « Ce qui, jusqu’ici, nous a toujours fait défaut, disait-il à ses collègues le 20 avril, c’est la question d’organisation. » Il s’adjoignit Émile Marras comme chef du matériel et s’appuya sur l’ancien personnel, mais sa conscience professionnelle lui inspira des jugements sévères sur les fonctionnaires communalistes qui devaient leur emploi à leurs opinions politiques, à leurs relations personnelles ou à la pression des clubs ; il essaya par tous les moyens de se débarrasser d’Édouard Caron, « imposteur, vaniteux et incapable » qu’il soupçonnait de manipuler Ostyn, mais sans succès.

Jules Andrieu prit très souvent la parole lors des séances de la Commune. Il reçut par ailleurs le 24 avril la délégation de conciliation du Havre avec Vaillant, Léo Frankel et Grousset. Pour l’historien Stéphane Rials, peu favorable à la Commune, Andrieu fut l’« un des communards les plus lucides et les plus compétents ».

Andrieu vota contre la mise en place d’un Comité de salut public et, le 15 mai, il signa la déclaration de la minorité : « La Commune de Paris a abdiqué son pouvoir entre les mains d’une dictature à laquelle elle a donné le nom de Salut public. »
Le 22 mai, il donna l’ordre de couper toutes les conduites d’eau et de gaz qui aboutissaient aux quartiers déjà occupés par les Versaillais. Après l’évacuation de l’Hôtel de Ville, il se réfugia chez un ami.

Le 23 novembre 1871, le 5e conseil de guerre le condamna par contumace à dix ans de réclusion, à la dégradation civique et à 100 F d’amende. Par contumace encore, le 4e conseil de guerre le condamna, le 13 octobre 1874, à la déportation dans une enceinte fortifiée.

Andrieu, qui s’était fait enlever son œil borgne, trop facilement reconnaissable, pour le faire remplacer par un œil de verre, se réfugia en Angleterre. Arrivé à Londres début juin 1871, il trouva à se loger 34 Richmond Gardens, High bridge Road. Son ami le critique littéraire et critique d’art Sidney Colvin, bien connu pour avoir favorisé la publication de L’Île au trésor de R. L. Stevenson, contacta aussitôt ses connaissances afin de lui trouver des élèves. En 1879, les notabilités anglaises appartenant au Parlement, à l’Université, à l’aristocratie témoignèrent que, durant huit années, il avait vécu comme professeur de latin et de littérature française, conférencier, philologue, et ils lui apportèrent « un témoignage public » de leur estime en « adressant des vœux en sa faveur ».

Andrieu ne se contenta pas de cette activité pédagogique. Dès octobre 1871, il fit paraître dans The Fortnightly Review un article sur la Commune de Paris, et durant son séjour en Angleterre, il fréquenta les sociétés de réfugiés. En janvier 1872, il aida Lissagaray à fonder à Londres le Cercle d’Études Sociales, qui comptait six mois plus tard une centaine de membres. Il anima le Cercle avec Theisz et Vallès de janvier à juin 1872 et y présenta la candidature de son ami Verlaine. Lors de la réunion du 3 février, il fit un rapport en faveur de la création d’une bibliothèque du Cercle. Il vivait alors à Richmond Gardens, Uxbridge Road, West London.

En 1881, Jules Andrieu fut nommé par Gambetta vice-consul de France à Jersey, où il mourut trois ans plus tard, le 25 février 1884.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article51253, notice ANDRIEU Jules, Louis, version mise en ligne le 26 juillet 2009, dernière modification le 22 octobre 2022.

ŒUVRE : L’Amour en Chansons, Chants de tous les pays, Paris, Librairie de Jules Taride, 1859. — Histoire du Moyen-âge, École Mutuelle, cours complet d’Education Populaire, Librairie de la Bibliothèque Nationale, 1866. — Philosophie et Morale, École Mutuelle, cours complet d’Éducation Populaire, Librairie de la Bibliothèque Nationale, 1867. — Chiromancie, Études sur la Main, le Crâne, la Face, Paris, Librairie de Jules Taride, 1860. — Expulsion des Jésuites, Librairie du Louvre, 1880. — Le Mérite des femmes, Bibliothèque des salons, 1858. —
Contribution au GDU du XIX° siècle de Pierre Larousse. —
Contribution à l’Encyclopaedia Britannica : Articles sur Alchemy et Arthur. —
Contributions d’articles littéraires à : la Libre Recherche (1859) ; La revue fantaisiste (1861) ; La Gazette Rimée (1867). —
Contribution littéraires aux journaux : Presse des enfants (1856) ; Presse de la jeunesse (1856-1857) : La Causerie (1860) ; Le Critique (1867). —
Notes pour servir à l’histoire de la Commune de Paris de 1871, édition établie par Maximilien Rubel et Louis Janover, Payot, 1971 ; réédition Spartacus, 1984 ; réédition augmentée de Souvenirs, Libertalia, 2016.

SOURCES : Arch. Nat., BB 24/850, n° 7475. — Bnf, Fichier Bossu. — P.V. Commune, op. cit. — Lettre autographe signée de Sidney Colvin passée en vente chez un libraire d’ancien en 2014. — Jean-Claude Farcy, « Andrieu – Jules », La répression judiciaire de la Commune de Paris : des pontons à l’amnistie (1871-1880), LIR3S, Université de Bourgogne/CNRS, [En ligne], mis en ligne le 26 septembre 2019. — Notes de Louis Bretonnière, Michel Cordillot, Julien Chuzeville, Gauthier Langlois et Guy Rochereau.

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