BARBERET Jean, Joseph, dit Trébart Jacques

Né le 9 mars 1837 à Demigny (Saône-et-Loire), mort le 5 mars 1920 à Rouvray (Côte-d’Or) ; ouvrier boulanger à Paris ; syndicaliste et coopérateur ; fonctionnaire au ministère de l’Intérieur, puis du Travail.

Barberet joua un rôle fort discuté dans la vie ouvrière française à la fin du XIXe siècle (il a existé l’adjectif « barberettiste »). Fils de Joseph Barberet, vigneron et de Anne Laffron, il vint de Côte-d’Or à Paris dans les dernières années de l’Empire pour y exercer son métier de boulanger, se mêla aux luttes des ouvriers républicains contre le pouvoir impérial et fut membre très actif à Belleville du comité électoral de Rochefort en 1869. Jean Barberet fit ses études de droit à Paris avec Waldeck-Rousseau partageant la même chambre d’un sixième étage, ce qui les liera étroitement et explique sa collaboration dans les Services du ministère de l’intérieur à partir de 1880. Libéré du service militaire qu’il effectua de 1858 à 1865 dans le Cadre Noir de Saumur, il collabora en tant que journaliste professionnel républicain à plusieurs périodiques destinés à une clientèle ouvrière.
Employé au journal socialiste de Rochefort, La Marseillaise, il y rencontra des membres et fondateurs de sociétés coopératives, militants de l’Internationale : Varlin, Verdure, Benoît Malon, son compatriote Millière. Gérant du journal, il se vit condamner à être emprisonné à Sainte-Pélagie avec Henri de Rochefort, fondateur de la Marseillaise, à six mois de prison pour délit de presse. Élu commandant du 20e bataillon de la Garde nationale, après le 4 septembre 1870, il fut ensuite commandant du 79e bataillon du XVIIIe arr. formé en partie des Grognards de 1848. Il continua à écrire dans La Marseillaise, reparue après le 4 septembre, mais qui fut supprimée ensuite par le général Vinoy. Il collabora alors au Mot d’ordre de Rochefort, supprimé à son tour, mais qui reparut le 18 mars 1871.

Barberet était ordinairement estimé et aimé de la population de Montmartre, et sa voix était écoutée avec respect. Mais, le 18 mars, il ne put se faire obéir de la foule qui l’insulta, rue des Rosiers où il était allé avec plusieurs de ses officiers pour tenter de protéger les généraux Clément Thomas et Lecomte. Il fut désavoué par de nombreux hommes de son bataillon et il donna sa démission le 19 mars. Il fut alors, pendant deux jours, directeur du Journal officiel de la Commune. Barberet publia ensuite L’Avant-Garde et collabora à L’Affranchi, journal des hommes libres, de Paschal Grousset. Mais il ne prit pas une part active à la Commune, ce qui lui fut violemment reproché par ses adversaires politiques.

Rédacteur à La Constitution, au Corsaire où il rédigeait tous les jours un bulletin du travail, il se rallia à la politique républicaine de Gambetta et entra, en 1873, au journal de Vacquerie et de Charles et François Victor Hugo, le Rappel, où il rédigea le Bulletin des associations ouvrières. Il y connut très à fond le mouvement ouvrier de ce temps et défendit le syndicat et la coopérative de production. En 1872, il avait créé le Cercle de l’Union syndicale ouvrière avec les militants ouvriers d’alors, le graveur Chabert, le tailleur Dupré, Mayer*, etc... et fit paraître cette même année à la Bibliothèque ouvrière dont Louis Pauliat était le directeur une brochure sur Les Grèves et la loi sur les coalitions, où il préconisait le syndicat et l’atelier coopératif, et se déclarait, d’accord en cela avec la plupart des militants d’alors, l’adversaire de la grève.

Partisan de la coopérative de consommation et se souvenant de son ancien métier, il fut, en 1874, un des fondateurs d’une Société civile, coopérative de boulangerie dont il fut le président et qui tenta, pendant toute l’année 1874, d’organiser le ravitaillement en pain de la population ouvrière de Paris et de sa banlieue, en s’appuyant sur la vingtaine de sociétés de consommation alors existantes et sur des groupes nouveaux créés à cet effet et rassemblés dans la Société de boulangerie. Malgré tous ses efforts, la Société disparut au bout de quelques mois.

Aux congrès ouvriers de 1876, à Paris, — Voir Benjamin Colin, Viollet et, aussi, Aubé — et de 1878, à Lyon, et bien qu’il n’y prît pas lui-même la parole, Barberet fut le défenseur, avec Victor Frilley, de la thèse coopérative qui triompha, mais il fut battu au congrès de 1879, à Marseille, par les collectivistes et Jules Guesde. Ceux-ci devaient continuer à l’attaquer et à l’accuser d’avoir été un agent de division au service du gouvernement, accusations repoussées par une déclaration du 27 mars 1879 approuvée par les délégués de quatre-vingt-cinq chambres syndicales ou sociétés ouvrières parisiennes réunis sous la présidence du militant ouvrier Favelier père. Barberet quitta le Parti ouvrier après le congrès du Havre, en 1880.

C’est vers cette époque qu’il entra au ministère de l’Intérieur comme chef du service administratif des sociétés professionnelles. Par la suite, ses adversaires politiques (lors de la campagne électorale de 1906) devaient reconnaître l’importance et la valeur du rôle qu’il joua dans la préparation de la législation sociale et, en particulier, des lois de 1881 sur la liberté de réunion, de 1884 sur les syndicats professionnels et de 1901 sur la liberté d’association.
Dans ce poste officiel, il signa de son nom un certain nombre de travaux et d’enquêtes d’une certaine valeur documentaire et d’une incontestable utilité pour l’histoire de la classe ouvrière et du mouvement social. Dans le Globe, où il signait Jacques Trébart, il critiqua l’orientation révolutionnaire de la majorité des délégués ouvriers réunis en congrès à Lyon en 1886.

Retraité en 1905 comme directeur de la Mutualité, il se présenta en 1906 comme candidat « socialiste-radical » dans son pays en Côte-d’Or. Il obtint 2 500 voix en octobre 1906 dans la circonscription de Semur-en-Auxois. Sa vie publique était finie. Il devait désormais s’occuper d’affaires commerciales.

Bien qu’à partir de 1880 Barberet eût quitté les rangs de l’organisation ouvrière, il représente la tradition coopérative de la fin de l’Empire, doctrine un peu confuse où le syndicalisme et le coopératisme corporatifs proudhoniens le disputaient à l’atelier coopératif de Buchez et à l’atelier social de Louis Blanc. Il fut le trait d’union entre cette génération et celle à laquelle, de 1873 à 1880, on doit la fondation des syndicats et des vieilles coopératives parisiennes.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article51775, notice BARBERET Jean, Joseph, dit Trébart Jacques, version mise en ligne le 26 juillet 2009, dernière modification le 18 novembre 2022.

ŒUVRE : (cotes de la Bibl. Nat.) Livret d’enseignement mutualiste. — Les Grèves et la loi sur les coalitions, Paris, 1873, in-16, 189 pp. R 27 570. — Le Mouvement ouvrier à Paris de 1870 à 1874, Paris, 1874, in-16, 187 pp., R 27 571. — La Bataille des intérêts, Paris, 1879, in-18, 396 pp. Lb 57/7 042. — Procès de J. Barberet [...] contre « le Prolétaire », Paris, 1880.Le Travail en France. Monographies professionnelles, 7 vol., in-8°, Paris, 1886-1890, LI 7/117. — La Bohême du travail, Paris, 1889, in-18, VIII-388 pp., Li 3/789. — Les Sociétés de secours mutuels ; commentaire de la loi du 1er avril 1898 Paris, 1899, in-8°, X-463 pp., 8° F 11 606.

SOURCES : Notamment Séances du Congrès ouvrier de France. Session de 1876 tenue à Paris du 2 au 10 octobre. — Le Rappel des Travailleurs de la Côte-d’Or, 25 octobre 1906. — L’Action coopérative, 13 mars 1920, — P.V. Commune, op. cit., t. I, pp. 336-337. — Jean Bennet, Biographies de personnalités mutualistes XIXe-XXe, Paris : Mutualité française, 1987, 463 p.

ICONOGRAPHIE : G. Bourgin, La Commune, 1870-1871, op. cit., p. 292. — J. Gaumont, Histoire de la coopération, op. cit., t. II.

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