Par Françoise Olivier-Utard
Né le 21 janvier 1926 à Hoerdt (Bas-Rhin) ; secrétaire du syndicat CGT des agents de conduite (1953-1955) ; délégué de la Section technique des agents de conduite CGT (1955-1968).
Le père de François Jung, Philippe Jung, né en mai 1903 à Weyersheim (Basse-Alsace), mort en 1967 à Strasbourg, était conducteur à la Compagnie des Tramways de Strasbourg. Il était syndiqué à la CGTU, catholique, de gauche. Sa mère, Caroline Metz, née le 21 avril 1904 à Hoerdt, morte le 1er février 1994 à Strasbourg, éleva les deux enfants du ménage. Elle aussi était catholique. François Jung fit ses études primaires à l’école Exen de Schiltigheim, jusqu’au certificat d’études, qu’il passa à Saint-Junien (Haute-Vienne) où sa famille avait été évacuée en 1939. Il rentra avec ses parents en juin 1940 parmi les premiers Alsaciens. Les rapatriés furent accueillis en grande pompe par les autorités nazies. Son père ayant retrouvé son emploi aux tramways de Strasbourg, François Jung fut pris dans cette entreprise pour faire un apprentissage accéléré d’ajusteur. Il passa l’équivalent allemand du CAP en 1943. Il fut contraint au Reichsarbeitsdienst (Service obligatoire du travail) du 1er octobre 1943 au 2 janvier 1944. Envoyé à Essen, il construisit des abris pour canons anti-aériens. Il subit les bombardements intensifs de cette ville.
Rentré à Strasbourg, il fut convoqué, avec la classe 26, au conseil de révision pour être incorporé d’office dans la Waffen-SS. Une infection au pied lui permit toutefois d’y échapper et d’être versé, un peu plus tard, le 22 février 1944, dans une division blindée, à Plauen, en Saxe. Les Américains le firent prisonnier le 16 avril 1945 près de Hanovre et l’envoyèrent au camp de Wesel. Il avait deux blessures, dont une mutilation volontaire. Il fut libéré le 22 juin 1945 à Chalon-sur-Saône, après trois jours d’interrogatoire dans un centre de tri. L’enquête était menée par des Alsaciens qui cherchaient à démasquer les traitres, c’est-à-dire les volontaires pour l’armée allemande.
Il retourna aux ateliers de la Compagnie des transports strasbourgeois pendant quelques mois puis entra à la SNCF le 1er décembre 1945. Son CAP allemand d’ajusteur n’étant pas reconnu, malgré les négociations que menait la CGT, il fut d’abord embauché comme manœuvre au dépôt d’Hausbergen et repassa le CAP français (écrit et pratique). Il gagnait 18 centimes de l’heure. Il resta un an à l’atelier de dépannage des machines, avant de pouvoir passer, en 1946, l’examen de conducteur, pour lequel il fallait avoir vingt-deux ans. Il devint chauffeur de route le 1er février 1948, élève-mécanicien en 1951, titulaire en 1953.
Il avait adhéré à la CGT dès son arrivée aux ateliers. En 1947 le syndicat des agents de conduite, auparavant autonome, passa à la CGT. La grève paralysa l’ensemble du dépôt. Les ordres de réquisition furent brûlés symboliquement, mais les quinze cheminots menacés de suspension (choisis parmi ceux qui construisaient et par conséquent avaient des dettes), durent reprendre le travail. François Jung fut élu secrétaire du syndicat des agents de conduite de 1953 à 1955, où il devint délégué de la Section technique des agents de conduite CGT. En 1968 les militants s’impliquèrent dans la grève, mais montraient beaucoup de méfiance face aux étudiants. François Jung occupa la gare et le dépôt d’Hausbergen. Des journalistes de la radio-télévision de RDA vinrent faire un reportage. François Jung considérait que les Alsaciens suivent volontiers un mouvement qu’ils jugent juste mais n’en prennent jamais l’initiative. Il fut ensuite délégué au comité mixte régional de 1968 à 1973, date à laquelle il demanda à être remplacé puisqu’il allait prendre sa retraite. Il obtint celle-ci à cinquante ans, en 1976.
Marié à Marie-Louise Huth, née le 22 novembre 1926 à Strasbourg (Bas-Rhin), employée de bureau, il eut deux enfants avec elle.
Par Françoise Olivier-Utard
SOURCES : Arch. Fédération CGT des cheminots. — Comptes rendus des congrès fédéraux. — Notes de Pierre Vincent. — Entretien avec François Jung, 11 janvier 2002.