LEGRAND Joséphine, Désirée, épouse MARTIN (nom usuel Camille BIAS)

Par Jean-Louis Robert

Née le 24 novembre 1824 à Guise (Aisne), morte en décembre 1908  ; femme de lettres, communarde.

Camille Bias était née dans une famille bourgeoise ; son père Nicolas Legrand était fabricant de coton. Elle épousa Clovis, Barnabé, Alfred Martin, pharmacien à Saint-Quentin, dont elle eut plusieurs enfants dont Ferdinand Martin (dit Bias). Le tribunal de Saint-Quentin prononça, le 23 mai 1847, la séparation de corps et de bien des jeunes époux. Toutefois Camille Bias reprit la vie commune avec son mari dans les années 1860, au 102 rue du faubourg-Saint-Denis (Xe arrondissement) où Clovis Martin avait installé sa pharmacie en 1857.
Pourquoi Joséphine Legrand épouse Martin prit-elle le pseudonyme de Camille Bias ? Il est plus que probable qu’elle l’emprunta à Camille Jenny Dupont (avec laquelle elle est souvent à tort confondue), artiste qu’elle avait connue à Saint-Quentin à la fin des années 1840, car celle-ci se nommait à l’état-civil parisien « Camille Jenny Dupont, ci-devant Bias. »
Camille Bias entama une carrière publique de femme de lettres en 1858 par des publications de nouvelles dans La Gerbe. Elle donnait aussi « Une nuit de Noël » en 1859 au Courrier de Bourges. On ne saurait entrer dans le détail des dizaines et dizaines de nouvelles, romans, feuilletons qu’elle écrivit. Elle connut la notoriété en 1864 avec la publication de Dire et faire, roman d’esprit féministe. Sa littérature ne fut généralement que peu politique, mais volontiers anticléricale et populaire comme c’était souvent le cas à l’époque. Elle publia jusqu’au début des années 1900 dans tous les grands journaux de l’époque, du Cri du Peuple à L’Univers libéral, en passant par Le Parti ouvrier, La Lanterne, Le Radical, Le Figaro… Toutefois elle ne put publier que six de ses romans ce qui limita injustement sa reconnaissance au statut de feuilletonniste. Elle écrivait aussi dans des journaux de mode comme Le Printemps en 1870.
En 1859, Camille Bias prit contact avec George Sand en vue de fonder un journal hebdomadaire ouvrier, L’émancipateur, journal illustré des travailleurs, placé sous l’appui et la protection du peuple français. Signé de Camille Bias et d’A. M. d’Albanès-Havard (qui avait dirigé Le Panthéon des ouvriers), le prospectus, paru en janvier 1860, annonçait que « les travailleurs auront à leur disposition un organe dévoué, ils marcheront vers un ordre de choses dont, en très peu de temps, ils seront étonnés eux-mêmes. » Le journal ne put cependant paraître.
La pharmacie de Clovis Martin, républicain acharné, fut un lieu de rendez-vous discret des blanquistes. Elle abritait en 1860 une presse destinée à l’impression de La Lanterne. Blanqui passait quelquefois, sous des faux noms, dans cette pharmacie et put s’y cacher à plusieurs occasions, en particulier après l’échec de l’insurrection du 14 août 1870. Il y fit la connaissance de Camille Bias qui lui rendit visite en 1861 à Sainte-Pélagie grâce à l’obligeance de Scheurer-Kestner (bien des années plus tard Camille Bias rendit hommage à ce dernier pour sa défense de Dreyfus). Camille Bias se lia également avec Louise Michel et Marie Ferré qui furent ses amies fidèles.
Pendant le siège par les Prussiens, Camille Bias écrivit dans Le Combat de Félix PyatElle s’y déclara favorable à la Commune et lança un appel aux femmes à une action révolutionnaire. Elle poursuivit cette collaboration avec Pyat pendant la Commune en écrivant dans Le Vengeur, mais ses articles se firent moins radicaux. Son fils Ferdinand Martin (dit Bias), aide à la pharmacie de son père et qui faisait son service militaire, signait de nombreux articles plus vifs dans ce journal et fut condamné à la déportation par contumace.
Camille Bias ne semble pas avoir été inquiétée après la chute de la Commune. Dès novembre 1872, elle put commencer dans La Liberté, la publication d’un nouveau feuilleton, « La chute de Brahma. »
Toutefois Camille Bias conserva des liens étroits avec Louise Michel et Marie Ferré. En novembre 1880, ce fut elle qui accueillit à Dieppe Louise Michel, de retour de déportation, et qui l’accompagna en train jusqu’à Paris. Elle logea aussi Marie Ferré à son domicile, 27 rue Condorcet (IXe arrondissement), où cette dernière mourut en février 1882. Camille Bias et Louise Michel conduisirent le deuil au cimetière de Levallois-Perret. Camille Bias logeait d’ailleurs à Levallois-Perret, en 1898, 55 rue Richer (Louise Michel actuelle) quand elle obtint une aide du conseil général de la Seine. Elle connut de graves difficultés financières à la fin de sa vie, demandant des subsides à la Ville de Paris. Le 1er février 1901 une représentation destinée à la soutenir eut lieu au théâtre de la Renaissance.
Sa mort fut annoncée par quelques journaux en décembre 1908. Il est plausible qu’elle ait habité alors à Alfortville.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article52808, notice LEGRAND Joséphine, Désirée, épouse MARTIN (nom usuel Camille BIAS) par Jean-Louis Robert, version mise en ligne le 26 juillet 2009, dernière modification le 15 octobre 2022.

Par Jean-Louis Robert

ŒUVRES  : On pourra lire la réédition de Dire et Faire, chez Hachette Livre-BNF, 2018. D’autres titres sont disponibles sur Gallica. Une liste incomplète dans Wikisource.

SOURCES  : État-civil de Guise ; État-civil de Paris (pour la fausse Camille Bias), acte de naissance du 26 avril 1824. — M. Dommanget, Blanqui et l’opposition révolutionnaire, Paris, Armand Colin, 1960. — M. Dommanget, « La vie de Blanqui sous le Second Empire », Le Mouvement social, avril-juin 1961. — La Comune di Parigi, Feltrinelli Editore, Milano, 1957 (G. Del Bo) . — Note de Michèle Audin. — La Vérité, 11 novembre 1880. — Revue anecdotique des excentricités contemporaines, 1ère quinzaine de février 1860. — Journal de la ville de Saint-Quentin, 24 mai 1847. — Didot-Bottin, 1857-1870 . — Jean-Baptiste Clément, Gogo, 1866. — Le Combat, 1870. — Mémoire de M. le préfet de la Seine et M. le préfet de police, délibérations , vol 82, 1898. — La Gerbe, nouvelles et poésies, 1858, 1859, 1863. — George Sand, « Index des correspondants ; », dans Correspondance, Classiques Garnier, coll. « Bibliothèque du XIXe siècle », 2018. — Le Figaro, 8 avril 1899, 1er février 1901, 14 décembre 1908. — Louis Andrieux, Souvenirs d’un préfet de police par L. Andrieux, J. Rouff et cie, 1885. — « La nuit de Noël », Courrier de Bourges, 18 décembre1859. — La Liberté, 30 novembre 1872. — The Nation, 10 novembre 1870. — La Lanterne, 6 avril 1893 (son pseudonyme Anne de Sergy)

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable