BOULABERT Jules, Alphonse

Né le 31 mars 1830 à Paris, mort le 2 juillet 1887 à Paris XVIIIe arrondissement ; homme de lettres ; communard, déporté en Nouvelle-Calédonie.

Né à Paris où son père (il fit une carrière de percepteur) était propriétaire, Jules Boulabert fit dix années de service militaire comme sergent dans le train des équipages. Il vécut un temps à Vaux-le-Pénil où son père avait une propriété. Les petits feuilles de la Seine-et-Marne manifestèrent ensuite quelques satisfactions devant la réussite d’un « pays. » En effet, venu à Paris en 1864, il écrivit des ouvrages à sensation qui en firent un rival des auteurs de feuilletons populaires comme Louis Noir et Xavier de Montépin : Le Fils du supplicié, Les Catacombes sous la Terreur, Les mystères du Lapin Blanc, Le crime de Saint-Leu, La bande des caroubleurs, etc.
Habitant 81 rue de Wagram (XVIIe arrondissement) pendant le 1er Siège de Paris, Jules Boulabert appartint à la légion d’artillerie Schœlcher et fut contraint dit-il, d’entrer au 17e bataillon ; il aurait obtenu un emploi de commis au ministère de la Guerre, section du matériel ; il fut membre du Comité central d’artillerie, délégué par sa batterie avec voix délibérative ; selon certaines sources, il se serait retiré du ministère le 15 mai 1871 et n’aurait pas pris part à la lutte dans Paris. Selon La Feuille de Provins (12 juillet 1887), il aurait au contraire combattu avec ses artilleurs jusqu’à la fin de la Semaine sanglante et fait prisonnier par les Allemands qui le remirent aux Versaillais.

Il avait subi quatre condamnations ; un an, en 1853, par un conseil de guerre pour bris d’armes ; cinq ans de fers, en 1855, pour menaces à ses supérieurs ; les deux autres, à la prison, par le tribunal correctionnel pour outrages à agents. Le 25e conseil de guerre le condamna, le 1er mai 1872, à la déportation dans une enceinte fortifiée. Il arriva à Nouméa le 28 septembre 1873. Sa peine fut commuée, le 15 janvier 1879, en déportation simple, puis remise le 29 mai 1879. Il rentra par la Loire.

C’est lui qui prononça en mars 1880, sur le quai de Brest, un discours au nom des rapatriés de la Loire « à la Population brestoise et à la France républicaine socialiste » (Le Prolétaire, 20 mars 1880). Il insista sur l’urgence de la libération immédiate de tous les condamnés restés en Nouvelle-Calédonie et dénonça les tortures endurées « dans les cabanons du bagne. » Il multiplia ensuite les déclarations en faveur de l’amnistie totale, en particulier lors d’un meeting de Clemenceau dans le 18e arrondissement le 30 mai 1880. Il témoigna avec beaucoup de précision, le 7 février 1881 (il habitait alors 26 boulevard Ornano), devant la commission parlementaire en charge de l’étude des conditions de détention et de déportation en Nouvelle-Calédonie. Il estimait aussi dans Le Révolté du 1er avril 1882 à plus de 31000 le nombre de fusillés pendant la Semaine sanglante et les jours qui suivaient, et à 7200 le nombre de fédérés tués au combat, prétendant avoir enquêté avec précision et noté tous les faits. Les sources de ces estimations restent cependant très incertaines.
Jules Boulabert fut ensuite rédacteur au Radical et au Cri du Peuple de Vallès. Il reprit aussi ses activités de romancier, s’orientant dès lors vers le roman politique et social. Il écrivit ainsi Les crimes du capital ou les intrigues de Paris (Fayard, 1882). Surtout il fit paraître deux romans mêlant la grande et la petite histoire qui eurent un grand écho dans les années 1880. Dans Guet-Apens, il dénonça le coup d’état du 2 décembre et dans Les Vaincus (de 1871), il dénonça la répression lors de la Semaine sanglante et de la déportation.
La dénonciation dans ce dernier livre d’un certain Delamarche comme le maître d’œuvre d’innombrables exécutions, rue des Fourneaux (actuellement rue Falguière, XVe arrondissement), valut à Boulabert et au Cri du Peuple qui le publiait un procès en diffamation. Boulabert prétendit tenir ces faits d’un de ses codétenus, Belot, décédé depuis, ce qui ne convainquit pas le juge. Il fut condamné à deux mois de prison, peine qu’il exécuta en mars-avril 1886, après que la cour de cassation ait confirmé le jugement. Le procès et l’emprisonnement firent grand bruit et sa libération fut saluée lors d’un grand meeting, salle du Moulin de la Vierge, dans le XIVe arrondissement. Ces deux mois de prison aggravèrent une santé déjà fragile et Jules Boulabert mourut à son domicile, 1 rue des Poissonniers dans le XVIIIe arrondissement, le 2 juillet 1887. Le Cri du Peuple[ lui rendit hommage évoquant un « ardent révolutionnaire » et estimant que son œuvre considérable lui survivrait (mais aucun de ses romans n’a été réédité depuis 1885). Ses obsèques furent surveillées par la police. Son ami Defricourt et Louise Michel lui rendirent un dernier hommage au cimetière de Pantin.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article53618, notice BOULABERT Jules, Alphonse, version mise en ligne le 26 juillet 2009, dernière modification le 24 janvier 2022.

SOURCES : Arch. Nat., BB 24/775. — Arch. PPo., listes d’amnistiés. — Le Cri du Peuple. — Le Révolté. — Le Radical. — Notes de Louis Bretonnière, notes de Jean-Louis Robert. — État-civil de Paris 18e arr.

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