Né le 12 mars 1830 à Chalmoux (Saône-et-Loire), mort le 26 avril 1904 à Devon (Grande-Bretagne) ; officier de carrière, membre élu et général en chef de la Commune de Paris.
Antoine Brunel était fils d’un propriétaire et se destinait à la carrière des armes ; c’est d’ailleurs par patriotisme, qu’il viendra à la Commune. Au terme de ses études, il fut nommé sous-lieutenant, le 30 mai 1855, et noté « très bon officier » malgré quelques défaillances. D’après l’enquête des conseils de guerre entièrement à charge et émaillée d’erreurs et d’accusations infondées, il aurait donné sa démission de l’armée le 12 juillet 1864. On ignore quelles furent ses activités jusqu’en 1870.
Durant le Siège de Paris, il commanda le 107e bataillon. N’acceptant pas l’immobilisme du gouvernement de Défense nationale, il fut l’un des signataires de la convocation à la réunion des chefs de bataillon qui se tint le soir du 7 octobre 1870 à la salle Sax, 48 bis, rue Saint-Georges (IXe arr.) pour protester contre les ordre émanés de l’autorité militaire. Le 15 octobre, il protesta dans La Patrie en danger de Blanqui contre l’établissement des cours martiales. Le 21 octobre, son courage lors de la bataille de Buzenval le fit proposer pour la croix de la Légion d’honneur. Le 31 octobre il sonna le tocsin à Saint-Laurent pour réunir les bataillons qui devaient marcher contre l’Hôtel de Ville et prit une part active au soulèvement.
Après le 28 janvier 1871, il s’éleva avec violence contre l’armistice ; selon Lissagaray, dans la nuit du 27 au 28 janvier, un complot se forma autour de lui pour marcher sur les forts de l’Est commandés par Saisset ; mais il échoua faute de troupes, et fut arrêté deux jours après. La nuit avait été glaciale, la Garde nationale trop énervée, trois bataillons seulement étaient venus au rendez-vous...
Il fut arrêté avec Joseph Piazza au 228, boulevard Voltaire, dans la maison qui leur servait de quartier général. Brunel fut enfermé à Vincennes puis à la Conciergerie. Il comparut devant le 1er conseil de guerre pour incitation à la guerre civile et usurpation de commandement, mais le conseil de guerre fut déclaré incompétent. Il resta néanmoins en prison au Cherche-Midi (Le Rappel), d’où il fit paraître le 4 février une réponse aux électeurs qui l’avaient porté candidat aux élections législatives du 8 sur la liste du Conclave républicain socialiste : “... j’accepte un nouveau mandat qui me permette de soutenir notre pays outragé...” (Le Vengeur). Il fut finalement condamné à deux ans de prison pour avoir usurpé le titre de général.
La Garde nationale, au 26 février, lui ouvrit les portes de Sainte-Pélagie ; quoique caché, il joua un rôle actif dans son bataillon. Membre du Comité central de la Garde nationale au 18 mars, il enveloppa de ses troupes la caserne du Prince-Eugène qui se rendit, puis il descendit la rue du Temple vers l’Hôtel de Ville et, après avoir hissé le drapeau rouge sur le beffroi, commença des barricades rue de Rivoli. Avec 600 hommes de Belleville, il acheva sa besogne le 24, enlevant la mairie du Louvre où siégeaient des adjoints partisans de la conciliation.
Élu chef de la Xe légion (Voir, en fin de biographie, la liste des chefs de bataillon et les délégués au conseil de la Xe légion), Antoine Brunel fut nommé général le 24 mars par le Comité central, en même temps qu’Eudes et Duval. Il fut à ce titre l’organisateur du défilé des bataillons lors de la cérémonie de proclamation de la Commune le 28 mars.
Il prit part à la tête de ses hommes à la sortie du 3 avril et avança avec la Xe légion jusqu’à Asnières. Il se fit remarquer par son courage au lycée de Vanves et dans le village d’Issy, mais il dut finalement se replier sur le Petit-Vanves pour ne pas se retrouver encerclé.
Le 26, il fut élu à la Commune par 2 163 voix sur 5 065 votants du VIIe arrondissement et, pour exercer son mandat, se fit mettre en disponibilité le 1er avril. Militaire en même temps que partisan de la Commune, il aurait voulu que les généraux soient élus au suffrage universel (séance du 7 avril) et s’éleva contre l’éventuelle intégration de Versaillais dans les rangs parisiens (séance du 28 avril) : « Je connais les officiers, j’ai assez vécu avec eux, jamais je n’y ai rencontré un seul républicain [...]. Je m’oppose à ce qu’on les reçoive dans notre camp. » Il vota pour la constitution du comité de Salut public.
Il restait malgré tout essentiellement un militaire et, commandant au 9 mai le fort d’Issy, il protesta contre la situation qu’on lui avait laissée ; il demanda à être incarcéré et jugé, et Rigault le prit au mot. Il fut mis au secret à Mazas pour abandon de poste.
Libéré alors que les Versaillais venaient d’entrer dans Paris, il participa activement aux combats de la Semaine sanglante. Le 22 mai, Cluseret lui donna l’ordre de défendre la place de la Concorde. Il arriva vers 10 heures du matin, avec environ 6 000 hommes, et plaça tirailleurs et canons sur la terrasse des Tuileries, la redoute Saint-Florentin et à la barricade de la rue Royale. Installé à la Taverne anglaise, 21, rue du Faubourg Saint-Honoré, puis au ministère de la Marine, il fit construire une forte barricade en avant de la rue du Faubourg Saint-Honoré, face à la Madeleine, pour protéger ses arrières, créant ainsi une véritable place forte appuyée sur le ministère de la Marine. Mais ses troupes l’abandonnèrent progressivement pour se replier sur leurs arrondissements respectifs. Le 23 mai, il défendit cependant encore les barricades de la place de la Concorde et de la rue Royale. Sur l’intervention du docteur Mahé, qui dirigeait l’ambulance, il accepta de ne pas incendier le ministère de la Marine où étaient soignés de nombreux blessés. Il quitta le bâtiment vers minuit, évacuant ses blessés et ses canons par la rue Saint-Florentin pour gagner le Xe arrondissement.
Il participa aux très durs combats de la place du Château d’Eau (aujourd’hui de la République). Le 25, alors qu’il se battait rue Magnan avec les pupilles de la Commune, il fut grièvement blessé à la cuisse.
Il put néanmoins s’enfuir à Londres, tandis que le 4e conseil de guerre le condamnait à mort le 2 octobre 1871. Une seconde condamnation — cinq ans de prison — toujours par défaut, lui fut infligée le 17 février 1872. En Angleterre, il fréquenta les réunions de réfugiés. À Londres, le 7 mai 1872, il prononça au Cercle d’Études sociales un discours qui poussa Theisz à en abandonner la direction. Brunel semble alors l’avoir remplacé à la tête de ce Cercle qui aidait les réfugiés et avait son siège 31, Francis Street, Tottenham Court Road. Les espions de la police ne s’y trompèrent pas et firent savoir à Paris que Brunel se distinguait « par son exaltation ».
Sur concours, il devint professeur à l’École navale de Darmouth où il eut pour élèves les enfants du prince de Galles, le futur Édouard VII. Il fut également instructeur sur le navire-école Brittania. Il ne rentra pas en France après l’amnistie et continua d’enseigner à Dartmouth tandis que son épouse devenait professeure de piano à la cour d’Angleterre, comptant même la Reine parmi ses élèves.
Répondant le 15 mars 1897 à une enquête de la Revue blanche, Brunel précisa quelle avait été sa position : « Point de départ : patriotisme et république » — mais s’éleva contre l’anarchie militaire de la Commune : « Jamais un commandement épars ne peut espérer la victoire. » Son jugement d’ensemble demeurait net : « Elle [la Commune] a élevé une barrière infranchissable entre les deux formes sociales. »
Paul Antoine Magloire et son épouse, qui avaient eu quatre enfants (Paul, Gaston, Georges et Margarette, tous nés en Angleterre), moururent tous les deux outre-Manche et y furent enterrés. Leurs trois enfants survivants (Paul était mort en Afrique victime des fièvres) décidèrent alors de revenir vivre en France et s’installèrent à Tancarville.
Liste des chefs de bataillon composant la Xe légion dont le chef était Brunel, le commandant d’état-major, Chavenon : Anès, Guglielmo Biffi, Cannard, Chabert, Clemenceau, Daviot, Doyen, Génon, Guillain, Hussoy, Lalande, Lespérut, Lohay (et non Lohey), Maire, Mathieu, Pélissié, Picard, Picherau.
Liste des délégués au conseil de la Xe légion : Bouhaben, Bretheau, Chicaneau, Collonvillier (et non Colonvilliers), Coulet, D’Huin, Dodilles, Durand père, Durand fils, Filleul, Force, François, Grégoire, Grimal, Grosse, Jouy, Lamy, Laurent, Lebel, Lebert, Lemaire, Leroudier, Leroy, Noël, Parent aîné, Roques, Rousselet, Salomon, Théron. (On trouve ces deux listes dans Les Murailles politiques... ).
SOURCES : Arch. Nat., BB 24/854 B, n° 1303. — Arch. Min. Guerre, 4e conseil. — Procès-Verbaux de la Commune de 1871, Édition critique par G. Bourgin et G. Henriot, tome I, Paris, 1924 ; tome II, Paris, 1945. Publiés par le Service des Travaux historiques de la Ville de Paris. — Les Murailles politiques françaises, Paris, Versailles, la Province, tome II, La Commune, 18 mars-27 mai 1871, Paris, L. Le Chevalier, éditeur, 1874, 7 avril, p. 204 pour la première liste et 4 mai, p. 411 pour la seconde. — Lissagaray, Histoire de la Commune de 1871, Paris, Rivière, (avec préface de A. Dunois, 1929). — Notes de Jean-Pierre Bonnet, Louis Bretonnière et Natalie Brunel-Dumas.