Né le 10 janvier 1845 au Plessis-Dorin (Loir-et-Cher), mort le 14 octobre 1895 à Paris (XXe arr.) ; tourneur en bronze ; franc-maçon - Voir E. Thirifocq - membre de l’Internationale ; élu de la Commune de Paris ; proscrit, il devint informateur de police.
Louis Chalain était le fils de Denis Chalain, fondeur sur verre, et de Marie Gosnet.
Après le meurtre de Victor Noir, le 10 janvier 1870, et l’arrestation de Rochefort, le 7 février 1870, Louis Chalain fut de ceux qui engagèrent les ouvriers au calme afin de ne pas compromettre l’issue de la lutte par une action trop précipitée (appel du 9 février). Ce même jour, il adhéra à l’Internationale. Le 18 mars 1870, il assista à la réunion au cours de laquelle fut élaboré le projet de statuts de la Fédération parisienne de l’Internationale qui fut ensuite discuté et adopté le 19 avril. Au cours de cette réunion, Louis Chalain représentait, avec Combault, la section de Vaugirard. En avril, il lui arriva de représenter la section de Grenelle (cf. t. IV, p. 56).
Fin avril, la police de l’Empire, qui préparait le plébiscite du 8 mai, arrêta les principaux dirigeants de l’Internationale sous la double inculpation de complot et de société secrète. Robin, qui rédigea une protestation, et ses camarades du Conseil fédéral parisien de l’Internationale qui la signèrent s’élevèrent publiquement contre cette accusation et revendiquèrent pour l’Internationale le droit d’être la « conspiration permanente de tous les opprimés et de tous les exploités ». Voir Berthomieu.
Au troisième procès de l’Internationale, Louis Chalain présenta à l’audience du 30 juin 1870 la défense collective des inculpés - dont il était - en un discours assez remarquable écrit en entier par Benoît Malon « au dire de Da Costa » — La Commune vécue, t. III, p. 47. On trouvera ci-dessous quelques-unes de ses déclarations :
« L’Internationale est la première association qui se soit débarrassée du vieil esprit d’autorité [...] c’est elle la première qui a rejeté le mot d’ordre du Comité directeur, pour confier son œuvre aux masses elles-mêmes » (p. 98).
« L’expérience a appris aux classes ouvrières qu’elles ne devaient compter que sur elles-mêmes ; et c’est là l’idée mère de l’Internationale » (p. 100).
« Ce que veut le peuple, c’est d’abord le droit de se gouverner lui-même sans intermédiaire et surtout sans sauveur ; c’est la liberté complète.
« C’est l’abolition de l’usure, des monopoles, du salariat, des armées permanentes ; c’est l’instruction intégrale ; c’est l’application des réformes à l’aide desquelles il atteindra l’égalité des conditions » (p. 106).
(Extraits du Troisième procès de l’AIT à Paris, 1870, op. cit.).
Le 8 juillet, Louis Chalain fut renvoyé de la prévention d’avoir appartenu à une société secrète, mais convaincu d’avoir, à Paris, fait partie de l’AIT non autorisée, et condamné à deux mois de prison, 25 f. d’amende et quatre mois de contrainte par corps s’il y avait lieu. Voir Varlin.
Louis Chalain n’en signa pas moins ce même mois le manifeste contre la guerre adressé aux travailleurs de tous pays.
Écroué le 28 août à la maison correctionnelle de Beauvais (Oise), il fut libéré le 5 septembre après la chute de l’Empire.
Membre du Comité démocratique socialiste de la 7e circonscription (XVe arr.), rue Mademoiselle, n° 10, Louis Chalain représenta ce comité auprès du maire Corbon, avec Cirode, Combault et Langevin, tous membres de l’Internationale.
Élu membre de la Commune de Paris, le 26 mars 1871, dans le XVIIe arrondissement, par 4545 voix (sur 11 394 votants), Louis Chalain fit partie de la Commission de Sureté générale, le 29 mars, puis passa à la Commission du Travail et de l’Échange le 21 avril. Il revint à la Commission de Sûreté générale le 24 avril. Il ne prit pas part au vote sur le Comité de Salut public.
Son rôle à la Commune ne fut pas des plus importants, mais il prit souvent la parole dans les clubs, notamment à celui qui tenait séances à l’église Saint-Michel des Batignolles.
À cette époque, selon Clère (Les Hommes de la Commune), Louis Chalain est « un jeune homme d’une nature robuste, un beau garçon, dont la figure, ornée de cheveux bruns, ne manque ni d’élégance ni de virilité ».
En revanche, s’« il possède un magnifique organe, une voix sonore et une prestance remarquable », il n’est doué que « d’une intelligence très médiocre ».
Huit années plus tard, le 8 avril 1879, Louis Chalain écrivait de Londres à S.E. l’amiral Pothuau, ambassadeur de France en Angleterre, quinze feuillets par lesquels il demandait à bénéficier de la loi d’amnistie du 3 mars précédent et cherchait à prouver qu’il n’avait pris part ni à un assassinat ni à un incendie et qu’il avait fait tout son possible « pour conjurer l’exécution des otages ».
Nous apprenons par ces notes comment Louis Chalain avait été recueilli le 23 mai 1871 après-midi par la sœur du R. P. Radigue « sous-supérieur du Couvent de Picpus », prisonnier de la Commune, et qui devait être assassiné rue Haxo le 26 mai. Louis Chalain avait facilité à cette dame des entrevues avec son frère et, à son tour, elle facilita la fuite de Louis Chalain.
Le 12 juillet 1873, le 4e conseil de guerre condamnait Louis Chalain à mort, mais, déjà, il avait franchi la frontière. En exil, il exerça différents métiers : courtier en librairie et ouvrier ciseleur. Il vécut successivement à Londres où il fut membre de la Section fédéraliste française de 1871 (cf. t. IV, p. 78). Il se rendit ensuite à Vienne d’où il fut expulsé en 1873 avec Rogeard, Huguenot, Barré et Sachs. Il passa alors deux ans à Genève et c’est ainsi qu’il participa au congrès de la Fédération jurassienne tenu à La Chaux-de-Fonds les 25-27 avril 1874. Cette même année, le 12 juillet, au nom du Comité de la Section de propagande et d’action révolutionnaire de Genève qu’il dirigeait, semble-t-il, avec L. Denivelle et J.-B. Gerber, il s’adressa aux sections de la Fédération Jurassienne pour leur faire part de la décision prise par eux le 4 juillet : le Comité fédéral ayant, selon ses amis et lui-même, « méconnu plusieurs fois » le principe d’indépendance des groupes composant la fédération et joué le rôle d’un « comité directeur », la section avait décidé de se séparer « amicalement » de la fédération tout en continuant les relations avec les autres sections, mais en tant que groupe « de la même association » et non « de la même fédération » (cf. Arch. PPo., B a/438).
Depuis son arrivée en Suisse, Louis Chalain adressait des rapports à la Préfecture de Police, rapports signés « Ludwig » puis, à partir de janvier 1874, « n° 20 ». Faible et démoralisé, Louis Chalain ne travaillait qu’irrégulièrement et buvait.
Le 20 septembre 1875, Louis Chalain quitta Genève pour Londres, s’arrêtant quelques jours à Strasbourg et à Bruxelles. Il travailla alors chez lui comme façonnier de son métier de tourneur sur cuivre, faisant toujours une active propagande socialiste et continuant son travail d’indicateur (on trouve des rapports jusqu’en 1877).
Le franc-maçon Chalain (son nom est suivi des trois points maçonniques) concluait des notes qu’il destinait à l’ambassadeur de France par ces mots :
Aujourd’hui « je viens, républicain, demander au Gouvernement de la République que les bénéfices accordés par la loi d’amnistie [...] me soient appliqués.
« Je demande à rentrer dans mon pays, afin de pouvoir par mon travail élever mes enfants honnêtement et le plus convenablement qu’il me sera possible. »
Louis Chalain, beau-frère d’Eugène Faillet, revint effectivement en France, mais à une date que nous ne pouvons préciser. Selon Chincholle, les Survivants de la Commune, ouvrage publié en 1885, Louis Chalain vivait alors « maigrement » à Ivry-sur-Seine. Il était également publiciste et auteur ou co-auteur de trois ouvrages : De l’Influence des monopoles, en France, sur l’intérêt des capitaux et le taux des salaires, Paris, Picard-Bernheim, 1885 ; (avec Charles Gruhier), Délégation nationale ouvrière à l’Exposition universelle internationale d’Amsterdam en 1883. Rapport d’ensemble, Paris, Imprimerie nouvelle, 1885, 2 tomes ; (avec Jacques Prolo), Un Français de la décadence. Louis Rochefort, Paris, J. Lévy, 1888.
Le 5 septembre 1895, il régularisa in extremis sur son lit de mort, son union avec Marie Antoinette Peltier, et reconnut leurs deux filles, nées en Angleterre, Aline Antoinette, le 28 janvier 1878, et Jeanne Berthe, le 18 janvier 1879.
ŒUVRE : Louis Chalain a figuré parmi les collaborateurs de La République des Travailleurs, 8 janvier-4 février 1871, organe de la section Batignolles et Ternes de l’Internationale, de La Commune, revue mensuelle publiée à Genève du 20 avril à novembre 1874. Appelée Revue socialiste, à partir du n° 2, ce fut plutôt un organe anarchiste.
Louis Chalain fut aussi des 54 « proscrits de la Commune » qui signèrent l’adresse Au Citoyen Garibaldi, quatre pages imprimées, Genève, 27 janvier 1875 (Archives Claris IFHS).
SOURCES : Arch. Nat., BB 24/854, n° 1672. — Arch. Min. Guerre (Internationale). — Arch. PPo., B a/434 (rapport du 18 juillet 1875), B a/438, B a/440, B a/441 (signature autographe), E a/102-1 et listes de contumaces. — J. Dautry et L. Scheler, Le Comité central républicain des 20 arrondissements de Paris, Les Éditions sociales, 1960 (Introduction). — M. Vuilleumier, Les proscrits de la Commune en Suisse (1871-1880), ouvrage à paraître. — État civil du Plessis-Dorin, 1845, Naissances, Acte n°2 (Filae). — Notes de Jean-Pierre Bonnet. — Notes de Renaud Poulain-Argiolas.