Par Roger Vignaud
Né à Nîmes le 22 juin 1836 ; exécuté au Pharo de Marseille le 30 novembre 1871 ; avocat ; écrivain ; membre très actif de la Commune de Marseille (Bouches-du-Rhône).
Le patronyme des Crémieux est d’origine israélite issu de la communauté des juifs du Comtat-Venaissin, du département du Vaucluse. Abraham Crémieux, père de Gaston, avait épousé Rachel Vidal le 9 avril 1828. Ils auront huit enfants, six filles et deux garçons. Gaston était le cinquième de la fratrie. Élève brillant, il obtient son baccalauréat le 19 août 1853 avec la mention assez bien à la Faculté de Lettres de Montpellier. Le 14 janvier 1856, il s’inscrit à la Faculté d’Aix-en-Provence et obtient son diplôme de licence de droit, après avoir soutenu une thèse le 25 novembre 1856. Exempté du service militaire, il s’inscrit au Barreau de la cour d’appel de Nîmes et prête serment le 25 mars 1857. Vers la fin de l’année 1857, il participe à la création de L’Avenir, un journal littéraire. Le premier numéro sort le 29 novembre 1857. Crémieux est désigné secrétaire de rédaction. Passionné également par la poésie, il publie deux recueils de poèmes : Mon Cadeau de Noces et À l’Italie. Le 14 février 1858, L’Avenir cesse de paraître au bout de deux mois.
En août 1862, Gaston Crémieux décide de quitter Nîmes pour s’installer à Marseille. Il emménage au 10, rue Venture et s’inscrit au barreau de Marseille en septembre. Le 25 septembre 1864, il épouse Noémi Molina. Le couple eut quatre enfants. Albert, André, Caroline et Maximilien qui décède le 17 août 1870 à l’âge de onze mois. Durant l’année 1866, le couple de jeunes mariés déménage pour s’installer 4, rue de Rome, dans le même immeuble que les parents de son épouse, J. B. Molina qui exploitait à cette adresse un commerce en lingerie, rubanerie et confection. Son cabinet d’avocat est transféré quelques mètres plus loin, au 16, rue Venture. Il le conserve jusqu’au cours de l’année judiciaire 1869-1870 où il rejoint son confrère Félix Baret au 43, rue Saint-Ferréol. Crémieux, révolté par la misère de la population de la cité phocéenne, décide de mettre ses connaissances professionnelles au service des associations ouvrières et rédige les statuts de la chambre syndicale des peintres en bâtiment. Au cours de l’année 1867, les ouvriers de Marseille, issus de la plupart des corps de métiers, lui demandèrent de rédiger un cahier de revendications pour le transmettre au préfet. Ce document fut intitulé : « Mémoire des ouvriers de Marseille au préfet des Bouches-du-Rhône, M. Levert ». L’avocat marseillais participe également à la création au mois de juillet 1868 de l’Association phocéenne pour le développement de l’instruction et de l’éducation des deux sexes avec André Bastelica, Émile Bouchet, Auguste Étienne* (Père), Lombard* (Antoine ?), Jean-Baptiste Brochier*, Maurice-Pierre Rouvier*, Louis Delpech*, Laurentié*, Jules Maurel, G. Depleuc, Joseph AbsalonTardif*, et Rey-Aubert. Le 20 mai 1869, à l’approche des élections législatives, Crémieux fut le directeur de campagne du futur ministre de l’Intérieur Léon Gambetta. À l’issue de ces élections, Crémieux devint l’un des « leaders » de la gauche radicale marseillaise. Le 8 août 1870, il prend la tête d’une manifestation qui fait suite à la déroute de l’armée française contre l’armée prussienne. Le cortège qui envahit la Préfecture puis la mairie est rapidement arrêté par les forces de l’ordre. Incarcéré, Gaston Crémieux est jugé et condamné par le conseil de guerre, le 27 août 1870 à six mois de prison ferme. Il est libéré dans la nuit du 4 au 5 septembre 1870, à la suite de la proclamation de la République. Dans les mois qui suivent, Crémieux joua un rôle prépondérant au sein de la Ligue du Midi. Le 22 mars 1871, Crémieux prononce un discours à la salle de l’Eldorado et appelle les habitants à soutenir les républicains parisiens qui se sont opposés à Adolphe Thiers depuis le 18 mars. Le lendemain, 23 mars, il prend la tête d’une manifestation populaire qui se rend à la préfecture. Le préfet Cosnier et le personnel sont arrêtés. Une délégation appelée Commission départementale, composée de douze membres représentant toutes les composantes républicaines de la cité phocéenne, est constituée ; elle dispose de tous les pouvoirs. Crémieux est désigné président. À Paris, les républicains, considérant que le mouvement marseillais n’était pas assez révolutionnaire, dépêchent, le 27 mars, trois délégués Landeck, Amouroux et May pour reprendre en mains le mouvement. Crémieux, dépassé, démissionne mais les Communards parisiens le dissuadent rapidement. L’insurrection marseillaise devient plus radicale. Le 2 avril, le Conseil municipal est dissout. Crémieux veut négocier la fin du mouvement mais le général Espivent de la Villeboinest demeure intraitable ; il refuse catégoriquement.
Le 4 avril, la Commune est sévèrement réprimée. Les combats font de nombreux morts. Au soir du 7 avril, des amis de Crémieux le poussent à s’enfuir. Après avoir hésité, le président de la Commission départementale, décide d’écouter ces conseils. Il se déguise en femme et se cache dans une voiture mortuaire qui se dirige en direction du Cimetière Saint-Pierre. C’est là qu’il est arrêté par deux gendarmes. Son procès se déroula du 12 au 28 juin avec les principaux protagonistes de l’insurrection. Le 28 juin 1871, Le conseil de guerre le condamne à mort comme deux autres insurgés. Malgré tous les recours intentés et les pétitions qui circulèrent, la Commission parlementaire rejette la grâce de Crémieux. Il est fusillé, le 30 novembre 1871, au palais du Pharo à sept heures du matin.
Par Roger Vignaud
ŒUVRE : À l’Italie — 100 vers — 1859. — Les Marseillaises, 1868 : recueil de poèmes aux inspirations diverses, dont l’un, les Voix du Peuple, exprime la pensée politique et humanitaire de l’auteur :
Partout où l’âme humaine est en spectacle et souffre,
Énorme écrasement des petits par les grands...
Je reconnais ma plainte et ma rébellion.
Le cri de Spartacus, de Christ et de Socrate...
Peuple, bouc émissaire éternel de l’histoire,
Lève-toi...
La liberté rayonne au haut des barricades,
Mais la famille attend notre gain journalier...
Et ton grand ennemi c’est ta propre ignorance.
Robespierre, ou le 21 janvier 1793 (1869) : méditation de Robespierre au jour de la mort de Louis XVI, écrite en vers à l’occasion du 75e anniversaire de la mort du Conventionnel et dédiée à Gambetta. — Le 9 thermidor ou la mort de Robespierre, drame écrit en prison par Crémieux et interrompu par son exécution ; Clovis Hugues l’acheva. — œuvres posthumes, 1879, publiées par A. Naquet, avec notice biographique. Mon cadeau de Noces, Nîmes, éd. Baldy et Roger, 1857, 8 p.
SOURCES : Archives départementales des Bouches-du-Rhône ; côte : 2R.520 – jugement n° 63, registre d’ordre n° 11024. — Rapport du Conseil de guerre, Affaire du mouvement insurrectionnel du 4 avril 1871 à Marseille, Marseille 1871, 138 p. ; Roger Vignaud, Gaston Crémieux : la Commune de Marseille, un rêve inachevé, Edisud, 2003. Arch. Nat., BB 24/729 (rapport de 22 p., sans date, sur l’insurrection de Marseille). — Arch. PPo., B a/1022. — Antoine Olivesi, La Commune de Marseille, op. cit. — Naquet, notice aux œuvres posthumes. — Dictionnaire de biographie française. — Encyclopédie départementale des Bouches-du-Rhône, t. X, « Le Mouvement social ». — Gazette des Tribunaux, juin-juillet, 1er et 3 décembre 1871. — Roger Vignaud, Dictionnaire de la Commune de Marseille, Edisud, 2004. — Bitton Michèle, Gaston Crémieux journaliste à L’Egalité avant la Commune de Marseille (1er mai 1870-20 mars 1871), Marseille, 2021.