LE CRENN Louis, Roger, Marcel

Par Renaud Poulain-Argiolas

Né le 30 octobre 1916 à La Flèche (Sarthe), mort le 25 décembre 1986 à Rozoy-le-Vieil (Loiret) ; mécanicien d’avion dans le civil puis dans l’armée, cheminot à Quimper (Finistère) et à La Garenne-Colombes (Seine, Hauts-de-Seine) ; militant communiste ; résistant, membre du Front national de lutte pour la libération, chef de la 1ere compagnie « Sous-marin Curie » du bataillon FTPF La Tour d’Auvergne de Quimper, puis lieutenant adjoint aux effectifs FFI.

Louis Le Crenn, dans les années 1940

Louis Le Crenn orthographiait son nom avec deux « n », bien que l’administration utilisât la graphie « Le Cren ». Ses parents étaient un couple de cultivateurs du Finistère : Jean Le Crenn (père), né à Kerfeunteun (commune rattachée aujourd’hui à Quimper), et Marie Vasselet, née à Lothey. Il avait cinq frères et sœurs : Jean, né en 1911, Marie-Anne (1913), Yvonne (1914), Roger, (1928) et Marie-Thérèse (1930).
La famille avait déménagé pendant la Première guerre mondiale à La Flèche (Sarthe), où le père avait été affecté au poste de mécanicien des chemins de fer. Deux frères de Marie Vasselet furent tués au Chemin des Dames en 1917.

Après son certificat d’études, Louis Le Crenn apprit le métier de tourneur dans une école professionnelle. Il obtint un CAP, se spécialisant dans les moteurs d’avion. Il fut employé à Quimper par les Établissements Frabolot, puis pendant deux ans par la société Gnome et Rhône, constructeur de moteurs d’avion à Paris (XIIIe arr.). En 1936 il adhéra au Parti communiste. Pendant trois ans il fut mécanicien d’avion et soldat de 1ere classe dans la 2e escadre de chasse de la 122e base aérienne de Chartres, d’octobre 1937 à août 1940, moment de sa démobilisation. Dans le cadre de la campagne contre l’Allemagne, il fut envoyé sur divers terrains sur le front de l’est. Il fut également actif dans le bataillon de l’air de Nîmes-Courbessac (Gard) dans le groupe de chasse 1/2. D’après les documents militaires le concernant, il demanda à participer 14 juin 1940, à « une expédition dangereuse dont le but était de sauver un avion abandonné sur un terrain évacué en raison de l’avancée allemande ». Au retour de cette mission, il réussit à rejoindre son unité malgré de grosses difficultés. Il fut cité à l’ordre de la brigade aérienne, le 23 juin 1940, à la demande du général commandant en chef des forces aériennes, et nommé sergent le 25 juin. Après sa démobilisation, il vint habiter chez ses parents à Quimper. A partir du 1er décembre 1940, il était ouvrier SNCF au dépôt de Quimper.

Selon les informations qu’il mentionna en mars 1947 dans sa demande d’homologation au titre de résistant, il prit contact le 15 octobre 1941 avec le Front national (de lutte pour la libération) par l’intermédiaire de François Harré, chauffeur de route au dépôt de Quimper, et rejoignit les effectifs du secteur de Quimper dirigés par Daniel Trellu dit « Chevallier ». En plus de Harré et lui-même, « notre groupe était complété par le camarade Yves Pinçon […] employé à la SNCF à la gare de Quimper ». André Stéphan, le commandant André, qu’il dit « évadé d’Allemagne », prit la direction du groupe. Ils distribuèrent des journaux, des tracts contre l’occupant et collèrent des affiches à Quimper et dans les environs. Le matériel était édité par le Front national de Paris. Ils organisèrent des déraillements de trains et recrutèrent de nouveaux membres pour former d’autres groupes de résistance, puis une compagnie. Louis Le Crenn recueillit en outre des informations sur l’activité des troupes allemandes. Au vu des dates parfois contradictoires qu’il donne, il aurait été chef de section du bataillon FTP La Tour d’Auvergne de Quimper à partir de mi-mai 1942. Son pseudonyme dans la clandestinité était « Serges ». Sa sœur aînée Marie-Anne Bocquet (née Le Crenn) témoigna dans un recueil de souvenirs en 2006 qu’il organisait des réunions derrière leur domicile en manquant de prudence. Vers 1943, les Allemands vinrent chez les Le Crenn. Le petit frère, Roger, quinze ans, prit peur et courut se cacher derrière la maison. Les soldats fouillèrent le logement, sauf le grenier où étaient cachés armes et tracts. Ils mirent l’adolescent en cellule pendant 24h avant de le relâcher. Toujours selon sa sœur, leurs parents vivaient dans l’angoisse à cause des activités de Louis.

Convoqué pour le STO, Louis Le Crenn prit le maquis le 23 juin 1943. À la demande du commandant André, il rejoignit la 1ere compagnie du bataillon La Tour d’Auvergne de Quimper, alors dirigée par Joseph Kervarec dit « Gaston ». Les Allemands se rendirent à nouveau au domicile familial sans succès : Le Crenn s’était réfugié dans une ferme de Quéménéven, où il resta pendant un an. Sur ordre du commandant André, devenu adjoint au chef départemental des FFI du Finistère, il reprit du service à la SNCF le 28 novembre 1943, au dépôt de Brest et à Pen Ennes, station d’acheminement des trains de sable venant de Tréguennec située sur la ligne de Pont l’Abbé. Le Crenn devait communiquer les heures de départ des convois de matériel et de troupe allemands et mettre en place leur sabotage. À ce titre, il mentionne trois actions réalisées sur des machines au dépôt de Quimper en décembre et d’autres sabotages sur les lignes allant de Quimper à Brest, Rosporden, Pont-l’Abbé et Douarnenez entre septembre 1943 et avril 1944.

Louis Le Crenn abandonna son poste le 1er mai 1944 pour prendre le commandement de la 1ere compagnie "Sous-marin Curie" du Bataillon La Tour d’Auvergne et organiser la lutte à main armée contre les troupes d’occupation. Il dirigeait 120 hommes. A partir de juin 1944, il était sous les ordres du lieutenant-colonel Roger Bourrières, remplaçant Mathieu Donnard, dit « Poussin », fusillé par les Allemands, à la fonction de chef départemental des FFI du Finistère. Ce même mois, il sabota une draisine sur la ligne de Brest, « dernière machine en service au dépôt de Quimper pour les réparations des voies. » Il fut nommé au grade de lieutenant à titre fictif par le lieutenant-colonel Berthaud, chef départemental des FFI du Finistère à compter du 6 juillet 1944. Berthaud et le commandant André, son adjoint, attestèrent de ses services. D’après un rapport d’activité que Le Crenn rédigea en novembre 1944, dans l’objectif de détruire la machine de guerre allemande il participa au sabotage de 8000 litres d’essence et 3000 litres de gasoil entreposés par l’occupant à la Standard Française des Pétroles, route de Rosporden, à Quimper, mais aussi de 13 000 litres de gasoil entreposés à l’Usine Energique, au manoir du Parc, à Kerfeunteun, Il récupéra « une partie de l’essence stockée par les forces occupantes chez M. Bidon, garagiste, route de Douarnenez » et sabota le reste en juin 1944. Dans les mairies de Quimper, Penhars et Kerfeunten, il vola des tickets d’alimentation pour subvenir aux besoins du maquis.

Il écrivait le 20 mars 1947 : « Étant cantonné au maquis de Langolen avec ma compagnie, le 4 août 1944, le lieutenant Bocaër, qui commandait les forces de résistance rassemblées dans cette localité me donne l’ordre de renforcer un détachement avec 10 hommes de ma compagnie pour attaquer les soldats allemands qui se trouvaient dans Quimper ». Durant cette opération, il assura également la protection d’un parachutage d’armes. « Arrivé dans la ville je dispose mes hommes en formation de combats de rues et nous attaquons un camion blindé allemand ; deux soldats allemands sont tués, mais le camion réussit à franchir le barrage ; au cours de cette attaque un de mes hommes, le chef de groupe […] est blessé mortellement, quant à moi je suis également blessé au pied et au bras gauche et dois être hospitalisé. » Quimper fut libéré le 8 août 1944. Le jour de sa blessure, Louis Le Crenn fut promu lieutenant adjoint aux effectifs. Grièvement atteint, il dut être amputé d’un orteil au pied gauche. Le centre de réforme de Paris lui attribua en 1948 une pension d’invalidité de 45 %. Pendant sa convalescence, il fut maintenu à l’état-major, au bureau FFI du commandant André. Il fut cité le 7 mai 1945 à l’ordre de la Division par le général de division Allard, commandant la XIe Région militaire, pour sa participation à plusieurs déraillements, le sabotage de la draisine et l’enlèvement de l’essence aux Allemands à l’Eau-Blanche (sur la commune de Quimper). La citation mettait en avant sa participation à l’attaque de la ville sous les ordres du lieutenant Bocaër et la blessure qu’il avait subie près de la poste. Le Crenn était ainsi décrit : « Chef remarquable par son sang-froid et son désintéressement total, pour la cause commune. » Il fut démobilisé le 1er juin 1945. En raison de ses blessures, il dut interrompre son activité et ne reprit son travail à la SNCF que par la suite.

De source familiale, Louis Le Crenn aurait assuré l’intérim de maire de Quimper à la Libération du fait de son appartenance aux FTP. Il se maria le 26 janvier 1945 avec Marie, Françoise Goujon à Quimper. En juin 1945, il était domicilié dans la commune, 8 place Saint-Corentin. En 1951, il fut homologué lieutenant FFI par la commission nationale d’homologation. Il s’était installé en région parisienne, vivant alors au 145 avenue de la République à Nanterre (Seine, Hauts-de-Seine), puis au 68-72 rue Paul Morin, bâtiment B, dans la même ville, en mars 1956. En 1961, il était membre du comité fédéral du PCF Seine-Ouest (Hauts-de-Seine). En 1962, il était secrétaire de la section La Garenne (Clichy-la-Garenne) et membre de la commission fédérale de contrôle financier. Louis Le Crenn était toujours domicilié à Nanterre, 2 rue de la Résistance, en août 1973.

Son frère aîné, Jean Le Crenn, militant communiste et résistant FTP, mourut en déportation dans la baie de Lübeck (Allemagne), le 3 mai 1945, lors du naufrage du Cap Arcona.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article5756, notice LE CRENN Louis, Roger, Marcel par Renaud Poulain-Argiolas, version mise en ligne le 22 janvier 2022, dernière modification le 26 juin 2022.

Par Renaud Poulain-Argiolas

Louis Le Crenn, dans les années 1940
Louis Le Crenn, dans les années 1950

SOURCES : SHD Vincennes, GR 16 P 351337. — Comités fédéraux du PCF. Souvenirs de Marie-Anne Bocquet, née Le Crenn, février 2006, non publié. — Site Match ID, Acte N°4 N, Source INSEE : fichier 1986, ligne n°355073. — Données du site Généanet. — Musée de la Résistance en ligne (concernant Roger Bourrières).

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