LACAILLE Louis

Par Jean-Marie Conraud

Né le 30 août 1920 à Commercy (Meuse), mort le 23 mars 2001 à Belfort (Territoire de Belfort) ; ajusteur-tourneur ; permanent de la JOC pour la région Est ; secrétaire du syndicat CGT d’Alsthom (1953-1971), membre du Comité exécutif de la Fédération des Métaux (1952-1979).

Fils aîné d’un carrier et d’une femme de ménage – qui n’avaient ni foi religieuse, ni engagement syndical ou politique –, Louis Lacaille avait une sœur, née en 1925. N’ayant pu obtenir de ses parents d’être inscrit au catéchisme, il les mit devant le fait accompli en s’y inscrivant lui-même. Après le certificat d’études (1932) et grâce à la volonté de sa mère qui assurait les revenus de la famille car son père, gazé plusieurs fois pendant la Première Guerre mondiale, se mourait d’une infection pulmonaire ; il fit une formation d’ajusteur-mécanicien-monteur au collège technique de Commercy (1932-1936). Il obtint un CAP en juin 1935, un Brevet d’enseignement industriel d’ajustage et de tournage en juillet 1936 et entra, le 12 septembre 1936, aux Forges et Aciéries de Commercy (1 200 salariés). Bien qu’embauché comme ajusteur, il était payé comme un apprenti. Les conditions de travail de l’entreprise étaient exécrables et la moindre tentative d’initier un syndicat se traduisait par des licenciements.

En octobre 1937, Louis Lacaille rencontra un militant jociste qui l’informa qu’une section de son mouvement venait de démarrer à Commercy et l’invita à une réunion. Il adhéra sur le champ, la plupart des jocistes travaillaient alors aux Forges. Ensemble, ils menèrent campagne pour l’amélioration des conditions de travail, pour le respect de la dignité des jeunes travailleurs et des salariés qui déstabilisèrent la direction, connue comme catholique. Louis Lacaille devint, fin 1938, président de la fédération JOC de la Meuse. Il sillonna le département à vélo pour animer et créer des sections. En janvier 1942, il fut sollicité par Armand Maïer*, dirigeant national, responsable de la région Est, pour être permanent à la place d’Henri Daumont. Il se heurta à un refus brutal du patron des Forges et il fallut l’intervention du préfet de la Meuse pour qu’il pût quitter cette entreprise.

À partir du 1er février 1942, Louis Lacaille fut chargé par le secrétariat national de la JOC de suivre les départements de la Meuse et des Ardennes, ainsi que le bassin industriel de Longwy-Briey. La région étant en zone interdite, chaque réunion de permanents à Paris nécessitait le passage clandestin de la ligne séparant la zone occupée de la zone interdite. Pendant l’été 1942, il fut rejoint par deux autres permanents : Robert Thomas*, qui devint responsable d’une partie de la Meurthe-et-Moselle et des Vosges, et Maxime Roland*, qui prit en charge la Franche-Comté. Il participa à plusieurs sessions de formation, notamment la « semaine des dirigeants nationaux de la JOC » organisée à l’Université populaire de Marly-le-Roi (Seine-et-Oise, Yvelines) du 17 au 21 janvier 1943, où les interventions du père Albert Bouche retraçant l’histoire du mouvement ouvrier le marqua durablement.

En mars 1943, Louis Lacaille fut réquisitionné pour le STO. Ne pouvant y échapper, il résolut de suivre les consignes de la JOC et d’aller en Allemagne avec l’objectif d’animer la « résistance spirituelle » et d’organiser le mouvement. Il fut affecté à l’usine Güldner-Motoren-Werk, qui construisait des moteurs diesel, située à Aschaffenburg près de Francfort-sur-le-Main. Il parcourut la région pour démarrer des groupes de jocistes, élargis aux étudiants requis, et animer des réunions clandestines. Surveillé, interrogé deux fois par la Gestapo, il fut envoyé dans un camp disciplinaire pendant six mois où la discipline brutale et le manque de nourriture le poussèrent à organiser une grève, ce qui valut une descente de la Gestapo en pleine nuit avec fouilles et interrogatoires.

À son retour en France en avril 1945, Louis Lacaille reprit son travail de permanent. La JOC lui confia la responsabilité de la branche « aînés » pour la Lorraine, la Franche-Comté et la Saône-et-Loire. Manifestant son désir de retourner dans le pays voisin pour « aider les jeunes chrétiens allemands à être les ferments d’une société nouvelle, démocratique et fraternelle », encouragé par l’abbé Georges Guérin, aumônier national de la JOC, il partit en novembre 1945 sous le couvert de la Croix-Rouge. Il entra dans l’équipe de l’aumônier militaire, l’abbé du Rivau, qui éditait une revue d’amitié franco-allemande, ce qui lui permit de circuler en Allemagne (Rhénanie, Bade Wurtemberg, Berlin) afin de chercher des contacts avec des jeunes travailleurs en vue de lancer la JOC chez eux. Un embryon de JOC fut en effet créé dans la région de Cologne.

Sa mission en Allemagne achevée début juillet 1946, Louis Lacaille revint en France et termina son mandat de permanent de la JOC en octobre 1946. Le 16 octobre, il fut embauché à l’usine Alsthom à Belfort, adhéra à la CGT et fut élu délégué du personnel en novembre 1948. Ses fonctions syndicales furent ensuite importantes : secrétaire général du syndicat CGT Alsthom de 1953 à 1971, membre du comité exécutif de la Fédération des Métaux CGT de 1952 à 1979 avec la responsabilité de la région Belfort-Montbéliard-Sochaux, puis de l’ensemble de la Franche-Comté. Il fut le principal responsable CGT du grand conflit Alsthom avec occupation de l’usine de septembre à novembre 1979. Mis en préretraite en 1980, il continua néanmoins, du 1er mai 1981 au 30 juin 1982, à collaborer comme technicien supérieur d’études et recherches chimie à EDF, mettant comme condition que le salaire qui lui était dû ne se cumulât pas avec sa préretraite.

De 1982 à 1991, Louis Lacaille milita au Secours populaire français et fut responsable de la solidarité internationale au niveau du Territoire de Belfort. Il créa, grâce au soutien du Secours populaire pendant une dizaine d’année, un comité de jumelage, d’amitié et de solidarité avec les 41 villages composant la région de Dassouri au Burkina-Fasso. De nombreuses réalisations virent le jour dans le cadre de cette action : forages, barrages, écoles, centre artisanal, mise à disposition de véhicules, envoi de matériel scolaire, création ou rénovation de centres de santé, de maternité, achats de moulins à mil, etc. Il quitta la présidence de ce comité en mars 1996.

Louis Lacaille avait également milité au Mouvement populaire des familles depuis 1946 puis au Mouvement de libération du peuple jusqu’en 1953. Il seconda Pierre Kempf, responsable régional du mouvement, et participa à des rencontres nationales.

Il s’était marié le 30 septembre 1946 à Paray-le-Monial (Saône-et-Loire), avec Paulette Larible, née le 21 novembre 1924 à Montchanin (Saône-et-Loire), employée comme secrétaire de notaire et ancienne présidente fédérale de la JOCF pour la Saône-et-Loire. Six enfants naquirent de cette union.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article5772, notice LACAILLE Louis par Jean-Marie Conraud, version mise en ligne le 30 juin 2008, dernière modification le 9 septembre 2011.

Par Jean-Marie Conraud

SOURCES : Arch. JOC (SG) : fichier des anciens permanents. — Henri Bourdais, La JOC sous l’occupation allemande, Éditions de l’Atelier, 1995, p. 35-36. — Louis Lacaille ou la simple dignité de l’homme libre, Prête-moi ta plume, Valdoie, 2002. — Renseignements fournis par Louis Lacaille, 25 mars 1981. — Notes de Louis Lacaille, « Mon cheminement de jeune ouvrier », mars 1998.

ICONOGRAPHIE : Henri Bourdais, La JOC sous..., op. cit., p. 35.

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