Né à Paris le 27 novembre 1840 ; fusillé au Petit-Clamart le 4 avril 1871 ; ouvrier fondeur en fer ; marié, père de deux enfants ; blanquiste ; membre de l’Internationale et de la Commune.
En 1864 eut lieu une grève des fondeurs en fer de Paris pour obtenir la réduction à dix heures de la journée de travail. Une sorte de mutuelle, qui tenait lieu alors d’un véritable syndicat, se constitua à cette occasion, dont Émile Duval fut tantôt président, caissier ou secrétaire. En 1867, presque tous les membres du bureau adhérèrent à l’Internationale et, parmi eux, Duval.
« Je fis partie de cette société pendant quinze semaines, déclara Duval au 3e procès de l’Internationale, et des circonstances indépendantes de ma volonté m’en firent sortir, étant obligé de quitter Paris momentanément. ». (cf. compte rendu de ce procès, p. 206.)
En 1867-1868, avec Eudes, Genton, Granger, Jaclard et autres, Duval constitua les premiers groupes de combat blanquistes. En 1868, il militait à la fonderie Gouin, 49, boulevard Richard-Lenoir, dans le XIe arr.
Une nouvelle grève des fondeurs en fer de Paris eut lieu en 1870. Voici comment Eudes, blanquiste comme Duval, contait la chose à un ami, le 9 avril 1873, dans une lettre qui apporte d’intéressantes précisions tant sur Duval que sur les blanquistes et leurs rapports avec l’Internationale en 1870 :
« [...] La grève des fondeurs en fer fut organisée par Duval. Avant lui, cette corporation n’avait nulle organisation. Duval, en faisant avec nous l’active propagande révolutionnaire dans toutes les fonderies de fer de Paris et de la banlieue, put facilement, en 1870, organiser une des grèves les plus formidables qui aient existé sous l’Empire. La discipline fut surtout très remarquable et au bout de quatre mois les patrons durent accepter un compromis avec les grévistes. Duval fut l’un des délégués des grévistes près des sociétés ouvrières anglaises. Il vint à Londres vers le mois d’avril, s’adressa au conseil général de l’Internationale et aux Trade Unions qui lui remirent une somme d’argent pour soutenir la grève de Paris. C’est à cette époque qu’il fit affilier la société des fondeurs en fer à l’Internationale. Il jouissait d’une grande autorité sur sa corporation. Autorité due à son intelligence et à son activité extraordinaire.
« Duval était entré dans les sociétés secrètes vers le milieu de l’année 1866. Ce fut Granger qui le connut le premier, puis Lalourcey, puis Jaclard ; je ne le connus, moi, qu’au mois de mai 1867. C’était un homme d’une activité hors ligne, infatigable. Il passait toutes ses soirées à courir les fonderies de Paris pour nous mettre en relation avec les camarades qu’il savait sûrs et décidés à devenir nos adhérents. Au mois de février 1870, la conspiration allait à merveille et pouvait compter de 800 à 1 000 affiliés. Duval fut certainement l’homme le plus actif que nous rencontrâmes, c’était l’homme le plus intelligent pour le recrutement et le plus ardent pour la propagande. Si la dissension n’eût point éclaté en février 1870, à l’instigation de Jaclard, nous avions certes de grandes chances de succès. À partir de ce moment, la désorganisation se mit dans nos rangs. Nous eûmes les plus grandes difficultés à retenir avec nous les hommes qui marchaient depuis plus d’une année. Le découragement et la fatigue dispersa (sic) nos meilleurs éléments. Les fondeurs en fer qui formaient l’un des milieux les plus solides disparurent presque complètement et suivirent Duval sur le terrain de la grève. Duval songea alors, n’ayant plus de direction et incapable d’en imprimer une, à faire des sections révolutionnaires dans l’Internationale. Jaclard avait fui en Suisse et, de Genève, où il se trouvait avec les internationaux, conseilla à Duval et à Genton de s’allier avec l’Internationale et de la pousser dans un sens révolutionnaire. Ce fut une erreur, car ils furent noyés dans un milieu peu solide et hâbleur faisant volontiers des manifestations peu dangereuses, mais refusant de prendre les armes et incapable d’organiser un coup de main. Puis, ce qui arrive toujours quand vous combattez au grand jour un gouvernement établi, l’Internationale fut poursuivie à l’époque du plébiscite, Duval impliqué dans les poursuites à cause de la grève des fondeurs et condamné à [illisible : deux mois] de prison. Il était en prison le 4 septembre, à Amiens, je crois [en réalité à Beauvais]. »
Duval s’affilia donc à nouveau à l’Internationale en avril 1870, collectivement cette fois avec toute la chambre syndicale des fondeurs dont il était un des principaux animateurs.
Fin avril 1870, la police de l’Empire, qui préparait le plébiscite du 8 mai, arrêta les principaux dirigeants de l’Internationale sous la double inculpation de complot et de société secrète. Robin, qui rédigea la protestation, et ses camarades du Conseil fédéral parisien et parmi eux Duval s’élevèrent publiquement contre cette accusation et revendiquèrent pour l’Internationale le droit d’être la « conspiration permanente de tous les opprimés et de tous les exploités ». (La Marseillaise, 2 mai 1870.) Voir Berthomieu.
Impliqué dans le troisième procès de l’Internationale, Duval fut, le 8 juillet, renvoyé de la prévention d’avoir appartenu à une société secrète, mais convaincu d’avoir à Paris fait partie de l’AIT non autorisée, et condamné à deux mois de prison, 25 f d’amende et quatre mois de contrainte par corps s’il y avait lieu. Voir Varlin.
À la même époque, il fut également condamné, dans le procès des blanquistes, à deux mois de prison, par la Haute Cour réunie à Blois.
L’année précédente, le 30 avril, il avait déjà été condamné à Paris à quatre mois de prison pour excitation à la guerre civile. Écroué le 28 août à la maison correctionnelle de Beauvais (Oise), il fut libéré le 5 septembre.
Duval appartenait alors au Club démocrate socialiste du XIIIe arr. qui adhéra en bloc à l’Internationale le 25 novembre (cf. Dict., t. IV, p. 49). Il habitait, 87, rue de la Glacière, et était un des principaux membres de la section du XIIIe arr. de l’Internationale (Ibid., p. 67). Quelques mois plus tard — cf. la Révolution politique et sociale, 23 avril 1871 — il était donné comme secrétaire-correspondant de la section de la Glacière.
En tant que délégué des vingt arrondissements, il fut un des signataires de l’Affiche rouge du 6 janvier 1871, proclamation au peuple de Paris pour dénoncer « la trahison » du gouvernement du 4 septembre et pour mettre en avant trois mots d’ordre : Réquisition générale, rationnement gratuit, attaque en masse. Elle se terminait par ces mots : « Place au peuple ! Place à la Commune ! » — Voir Ansel.
Duval, qui avait participé à la journée révolutionnaire du 31 octobre, fut également de celle des 21-22 janvier 1871. Avec Rigault et Sapia, il conduisit les gardes nationaux des Xe, XIIIe et XIVe arr. devant l’Hôtel de Ville. Il appartenait alors au Comité central de la Garde nationale.
Il fut au nombre des 43 socialistes révolutionnaires présentés aux élections du 8 février par l’Internationale, la Chambre fédérale des sociétés ouvrières et la Délégation des vingt arrondissements de Paris. Il ne fut pas élu.
Et ce fut le 18 mars. Reprenons la lettre d’Eudes, déjà citée, pour préciser son rôle :
« [...] Je l’ai retrouvé le 10 mars, fonctionnant, déjà, comme chef de la XIIIe légion. À ce moment, il fut entendu entre lui et moi que nos deux légions — j’étais alors chef de la XXe légion — auxquelles se ralliaient la XIVe commandée par Henri, la XVe dirigée par un comité dont Chauvière était l’homme, la XVIIIe aux mains du Comité de Vigilance de Montmartre dont Ferré était président, puis quelques bataillons du XIe arr. et du XIXe, le tout serait sous notre direction immédiate sans passer par le comité central qui n’offrait pas les garanties voulues. Nous fûmes deux commandements : celui de la rive gauche sous les ordres de Duval et celui de la rive droite sous les miens. Les événements, en se précipitant, empêchèrent l’organisation de cette armée révolutionnaire ; et ce que nous pûmes faire seulement, lui avec la XIIIe légion et moi avec la XXe, fut de prendre, le 18 mars, Duval la préfecture de Police, et la XXe légion l’Hôtel de Ville [...]. »
Émile Duval était alors « un homme robuste de taille moyenne, au front large et bombé, avec des yeux gris et vifs enfoncés sous les arcades sourcilières. Sa physionomie était intelligente et sympathique, sa foi révolutionnaire ardente. Il y avait en lui l’enthousiasme, le fanatisme et le mépris de la mort qui animent les martyrs prédestinés de toutes les croyances. » (E. Lepelletier, Histoire de la Commune de 1871, t. III, p. 231).
Le 19 mars, Duval fut délégué à la préfecture de Police, et, le 26, élu membre de la Commune par le XIIIe arr. avec 6.482 voix sur 8.010 votants. Élu, le 29 mars, membre de la Commission militaire qui remplaça en principe le Comité de la Garde nationale, il l’abandonna le 3 avril, ayant été nommé général.
Il appartint également à la commission exécutive élue le 29 mars. Les trois « militaires » de cette commission, Bergeret, Duval et Eudes, poussés par l’opinion publique et par les gardes nationaux, se laissèrent entraîner à opérer une sortie le 3 avril, contrairement à l’avis des quatre « civils » de la commission : Lefrançais, Pyat, Tridon et Vaillant, qui souhaitaient être informés avant de se prononcer, et sans en avoir référé à la Commune.
Trois colonnes se dirigèrent sur Versailles, Bergeret à droite qui dut essuyer le feu du Mont Valérien, Eudes au centre qui recula en fin de journée pour ne pas être débordé, Duval à gauche, dont une partie des forces installées sur le plateau de Châtillon fut contrainte de se rendre. Sur l’ordre du général Vinoy et en dépit des promesses faites avant reddition, Duval fut fusillé ainsi que son chef d’état-major.
« Avec Duval tombait l’un des meilleurs soldats de la Révolution. S’il n’avait pas les aptitudes du général de métier, il possédait à un degré éminent celles du conducteur de foule qui mène à l’assaut des Tuileries et jette bas les trônes et les Bastilles. Peu d’hommes ont exercé pareil ascendant sur les masses. Il était maître absolu dans son XIIIe arr. » (Dubreuilh, Histoire socialiste, p. 362.)
Dans sa séance du 7 avril, la Commune décida que l’indemnité que touchait Duval continuerait à être versée à sa veuve, et, le 17, sur demande de Frankel et au nom de la municipalité du XIIIe arr., la Commune décida que la place d’Italie prendrait désormais le nom de place Duval.
Son acte de décès n’ayant pas été établi de façon formelle, le 6e conseil de guerre condamna par contumace Émile Duval, le 4 février 1873, à la déportation dans une enceinte fortifiée. C’est finalement le 13 juin 1875 que le Tribunal civil de la Seine le déclara décédé quatre ans plus tôt.
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE : Arch. Nat., BB 24/862, n° 5133 et BB 27. — Arch. Min. Guerre, 6e conseil, (n° 857). — Arch. PPo., B a/439. — Arch. Eudes (IFHS) : brouillon de la lettre adressée par Eudes à un ami, Londres, 9 avril 1873. — Procès-Verbaux de la Commune de 1871, op. cit. — E. Lepelletier, Histoire de la Commune de 1871, op. cit. — Troisième procès de l’AIT à Paris, op. cit. — M. Vuillaume, Mes Cahiers rouges..., op. cit. — Pierre-Henri Zaidman, Émile Duval (1840-1871), général de la Commune, Dittmar, 2006, 377 p. — L’État-civil reconstitué compte un Duval Émile tout court né le 7 mars 1840. — Michel Cordillot (coordonné par), La Commune de Paris 1871. Les acteurs, l’évènement, les lieux, Les Éditions de l’Atelier, 2020 (notice par Pierre-Henri Zaidman).