LEHMANN Frédéric, Jean

Par Pierre Schill et Pierre Vincent

Né le 3 mars 1898 à Erstein (Bas-Rhin annexé), mort le 16 mars 1945 à Dachau (Allemagne) ; chauffeur puis mécanicien de route à la Société des chemins de fer d’Alsace-Lorraine ; secrétaire du syndicat unitaire des cheminots de Sarreguemines (Moselle) puis du syndicat CGT réunifié ; militant communiste.

Troisième enfant d’une famille de cinq dont le père était ouvrier à la sucrerie d’Erstein (Bas-Rhin annexé) et la mère ouvrière d’usine, Frédéric Lehmann fut d’abord apprenti serrurier en Basse-Alsace vers 1912. Il travailla d’abord comme manœuvre à Sélestat, puis comme réviseur-dégareur au dépôt de Sarreguemines de la Société des chemins de fer d’Alsace-Lorraine au lendemain de la Première Guerre mondiale. Il fut ensuite chauffeur de route puis mécanicien. Il faisait partie de ces nombreux Alsaciens qui vinrent s’installer et travailler en Moselle après la Première Guerre mondiale suite au manque de main-d’œuvre notamment lié à l’expulsion des ouvriers allemands.
Militant du syndicat unitaire des cheminots de Sarreguemines et de l’Orphelinat des cheminots, Frédéric Lehmann militait aussi au Parti communiste. En mai 1929 il se présenta aux élections municipales à Sarreguemines sur la liste communiste d’opposition au maire sortant Henri Nominé. Il obtint au premier tour 954 voix sur 2 585 suffrages exprimés. Il ne maintint pas sa candidature au second tour.
Frédéric Lehmann se chargea, à partir de 1933 et jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale, de venir en aide aux antifascistes allemands originaires de Sarre ou du Palatinat. Sous l’égide du Parti communiste mosellan, il mit en place, notamment à partir de 1935 après le référendum rattachant la Sarre à l’Allemagne nazie, une chaîne de solidarité qui devait permettre de leur apporter un logement et des secours financiers. Cette aide pouvait aussi concerner, dans une moindre mesure, des Italiens fuyant le régime de Mussolini. Il joua aussi un rôle actif dans la structure locale du Secours rouge international pour laquelle il organisa des collectes pour les chômeurs de plus en plus nombreux dans les années trente.
Frédéric Lehmann fut l’un des acteurs de la constitution d’une liste unitaire de gauche aux municipales de mai 1935 à Sarreguemines. Il fut candidat à ce scrutin sur la liste de gauche « antifasciste », rassemblant socialistes et communistes, opposée à celle du député-maire sortant Henri Nominé. À la surprise générale, la liste du maire sortant fut mise en ballottage. Il obtint, au premier tour, 779 voix sur 2 969 suffrages exprimés. Au second tour il obtint 1 037 voix pour 3 077 suffrages exprimés et ne fut pas élu. Le 19 mai Nicolas Nicklaus était élu maire socialiste SFIO de la ville.
Acteur du Front populaire, Frédéric Lehmann devint l’un des secrétaires du syndicat CGT réunifié.
En septembre 1939, il fut muté au dépôt de la SNCF à Réding près de Sarrebourg dans le sud de la Moselle. Sa famille fut quant à elle évacuée à Jarnac (Charente) et revint en Moselle au début de l’année 1940. En 1941, Frédéric Lehmann reprit son emploi au dépôt de Sarreguemines alors que la Moselle était une nouvelle fois annexée à l’Allemagne et ses chemins de fer administrés par la Reichsbahn.
Il fit partie du groupe de résistance « Mario », le plus important du département de Moselle annexée. Ce groupe affilié au mouvement de résistance communiste Front national, avait été mis sur pied, au cours de l’été 1941, par l’instituteur messin Jean Burger aidé de Charles Hoeffel et de Georges Wodli. Son activité clandestine lui valut d’être arrêté à son domicile sarregueminois le 12 septembre 1944 par la Gestapo et transféré à la prison de Sarreguemines où il resta environ trois semaines avant d’être emprisonné au Sonderlager de Neue Bremm près de Sarrebruck (Allemagne) puis d’être déporté au camp de Dachau où il mourut le 16 mars 1945. Son corps fut réinhumé au cimetière national du Struthof à Natzwiller (Bas-Rhin) en 1960 dans le carré créé pour le regroupement des restes mortels des déportés. Avec Frédéric Bohn, il était l’un des responsables des cheminots de Sarreguemines engagés dans le Groupe Mario. Georges Wodli venait aussi chez lui prendre les renseignements glanés par les résistants et donner consignes et ordres à suivre. Frédéric Lehmann organisa notamment des sabotages de locomotives de la Reichsbahn affrétées pour les besoins de la Wehrmacht qui tentait de s’opposer à l’avancée alliée. Il organisait aussi le passage de prisonniers et de réfractaires au Reichsarbeitsdienst ou à l’incorporation de force dans la Wehrmacht en leur faisant passer la frontière au sud de la Moselle annexée à Avricourt. Il obtint à titre posthume le titre de déporté politique.
Frédéric Lehmann s’était marié le 4 novembre 1921 à Sarreguemines avec Berthe Redler. Sa veuve, ménagère, se présenta à l’élection municipale d’octobre 1947 à Sarreguemines sur la liste d’Union républicaine et résistante présentée par le Parti communiste. Elle ne fut pas élue.
Le nom d’une rue de Sarreguemines, inaugurée le 13 décembre 1995 (suite à une délibération unanime du conseil municipal de Sarreguemines du 5 mai 1995 souhaitant célébrer le cinquantième anniversaire de la capitulation allemande), porte son nom et rappelle le sacrifice des nombreux cheminots sarregueminois du Groupe Mario morts en déportation.
Frédéric Lehmann fut père de huit enfants. Deux de ses fils devinrent cheminots, Frédéric (voir ci-dessous) et Marcel. Né le 29 octobre 1927 à Sarreguemines, Marcel Lehmann devint apprenti SNCF et se syndiqua à la CGT sans militer. Il eut cinq enfants. En 1944, incorporé de force dans l’armée allemande, il se sauva le 14 septembre 1944 et resta caché six mois dans le grenier de ses parents à Sarreguemines.
Frédéric Lehmann n’avait pas connu sa dernière fille, celle-ci étant née alors qu’il était à Dachau.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article5861, notice LEHMANN Frédéric, Jean par Pierre Schill et Pierre Vincent, version mise en ligne le 30 juin 2008, dernière modification le 14 mai 2012.

Par Pierre Schill et Pierre Vincent

SOURCES : Arch. Dép. Moselle, 303 M 150. — Arch. Com. Sarreguemines, 11 K 2. — Le Républicain lorrain (édition de Sarreguemines), 14 décembre 1995. — Union des Syndicats des cheminots A.-L. CGT, Heimat unterm Hakenkreuz, Strasbourg, 1953, 196 p. — Léon Burger, Le Groupe « Mario », une page de la Résistance lorraine, Metz, Imprimerie Louis Hellenbrand, 1965, 194 p. — Renseignements fournis par Frédéric Lehmann, son fils et par Serge Nisi. — État-civil de la commune d’Erstein.

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